De tous nos animaux domestiques, le chien est certainement celui
qui héberge le plus grand nombre de parasites dans l'intestin. Les principales
espèces de vers qui vivent à ses dépends sont plats ou rubanés (ténias) ou
ronds (ascarides). Ceux-ci, seuls, retiendront notre attention.
Le ver rond, le plus fréquemment rencontré chez le chien,
est l'ascaris marginata. Par sa forme, ce parasite rappelle l'ascaride
lombricoïde de l'homme, mais il est plus petit, et sa tête n'a pas le même
aspect. Il est blanc laiteux, ou à peine rosé, légèrement effilé aux deux
extrémités ; le mâle a de 5 à 12 centimètres de long ; la femelle
atteint de 15 à 20 centimètres. Ils sont parfois très nombreux ; on en
rencontre, dans certains cas, jusqu'à 100 à 150 chez des chiots de cinq à six
semaines. Cette constatation a intrigué beaucoup de chercheurs. La possibilité
de la transmission de vers de la mère aux fœtus est, aujourd’hui, une notion
qui n'est plus discutable. On possède un certain nombre d'observations qui
démontrent que, pour certains parasites opérant dans l'organisme des migrations
actives tels que les ascarides, le placenta ne constitue pas une barrière
infranchissable.
Depuis longtemps, on a remarqué que de très jeunes chiens
sont susceptibles d'héberger dans leur tube digestif des ascarides dont le
nombre est parfois tel qu'il peut en résulter une véritable obstruction
intestinale. Certains auteurs (Mégnin, Davaine ...) pensaient que, dans
ces conditions, l'infestation résultait d'une souillure de la mamelle de la
mère par des œufs du parasite. Ces observateurs ont, il est vrai, retrouvé, sur
la peau ou dans le pelage des chiennes mères, des œufs embryonnés, mais ceux-ci
étaient bien trop rares et disséminés pour expliquer des infestations massives.
Sans nier la possibilité de l'introduction directe par la
bouche, on peut estimer que la véritable infestation, celle qui revêt un
caractère de gravité, se fait avant la naissance, dans l'utérus de la mère.
D'ailleurs, les expériences effectuées par divers auteurs (Fülleborn, Akagi ...)
sont concordantes : l'infestation intra-utérine par les embryons d'ascarides
est facile à réaliser chez les chiennes en gestation. Les parasites
s'accumulent dans le foie et surtout les poumons des foetus, sans grand
changement de taille jusqu'à la naissance ; du troisième au cinquième
jour, ils quittent l'appareil respiratoire et, par la trachée et l'œsophage,
gagnent l'intestin, où ils parviennent à l'état adulte du vingt-cinquième au
trentième jour. D'ailleurs, le professeur vétérinaire M. Henry a présenté à
l'Académie de médecine une note qui complète cette démonstration expérimentale
en rapportant l'observation d'infestation spontanée sur des renardeaux mort-nés
qui lui avaient été adressés de différents élevages européens. Dans tous ces
cas, les fœtus étaient bien constitués et ne présentaient pas d'autres
accidents que ceux du parasitisme larvaire. C'est pourquoi M, Henry estime que,
chez les carnivores, ce parasitisme larvaire peut être une cause non négligeable
de mortalité à la naissance. C'est aussi la raison pour laquelle nous ne
cessons, dans nos causeries, de recommander de débarrasser les lices de leurs
parasites intestinaux pendant le cours de la gestation.
Quant aux chiens adultes, ils s'infestent en buvant l'eau
des mares souillée par des excréments parasités, voire en ingérant ceux-ci ;
atteints de pica, ces chiens sont devenus coprophages.
Les nombreux détails que nous venons d’exposer vont nous
permettre de répondre aux questions que nous pose un abonné du Chasseur
Français. Voici sa lettre : « Est-il plausible que les chiens
puissent transmettre aux enfants et adultes par la respiration, sous forme
d'œufs minuscules, les germes de vers qui remontent et, passant par les
poumons, provoquent une toux d'irritation ou en avalant, passent par le tube
digestif où ils se développent ?
» Ils ont la structure du ver de terre courant,
longueur 20 à 25 centimètres, grosseur d'un crayon, la quantité varie de 1, 2
ou 3 au plus, un traitement énergique de deux à trois jours s'impose.
» Le cas échéant, quel serait la race la plus
prédisposée à cette contagion ? Quels sont les moyens préventifs à
employer ? »
L'homme peut parfaitement être infesté par l'ascaris du
chien. Les œufs embryonnés d'ascaris étant rejetés avec les excréments peuvent
être ingérés par l'homme en buvant des eaux impures ou en mangeant des aliments
végétaux crus et insuffisamment lavés, tels que petits radis, salade, etc. Mais
ce sont surtout les enfants qui sont exposés à cette infestation lorsque, en
jouant avec le chien parasité, ils laissent celui-ci leur lécher les mains et
parfois la figure avec sa langue qui a passé ... partout. Les œufs
d'ascaris sont alors absorbés non par la respiration, mais ingérés avec la
salive et introduits dans le tutie digestif où ils achèvent leur développement.
Des expériences ont prouvé que l'homme peut être infesté par
l'ascaris du chien. C'est ainsi que Grassi, dans une récente expérience
pratiquée sur lui-même, a reconnu qu'un mois après l'ingestion d'œufs durs, ses
fèces accusaient la présence d'ascarides. Baillet est arrivé aux mêmes
conclusions expérimentant, avec les ascarides du porc, du chien et du chat. Il
n'existe aucune race de chiens plus spécialement prédisposée à la contagion de
l'homme. C'est plutôt une question de manière de vivre des chiens, ceux vivant
en appartements y étant beaucoup moins enclins que ceux qui divaguent dans les
rues des villes ou à la campagne.
Pour que l'infestation de l'homme et de l'enfant par les
œufs d'ascarides, puisse avoir lieu par la respiration, il faudrait que ceux-ci
fussent inhalés au cours d'une grande promiscuité entre l'homme et le chien.
L'œuf alors, arrivé dans les voies respiratoires, se transformerait en larve,
puis en ver, sous l'influence de la chaleur et des sécrétions broncho-pulmonaires.
Ce cas nous paraît devoir être extrêmement rare. Au contraire, les ascarides
subissant de nombreuses migrations au cours de leur existence, on comprend que
quelques-uns puissent remonter de l'estomac de l'homme et, par l'oesophage,
arriver à l'arrière-gorge ou pharynx, pénétrer dans le larynx, la trachée et le
poumon, provoquer ainsi la toux dont nous entretient notre correspondant. Ce
cas doit également être très rare, car il existe toujours le réflexe
pharyngien, involontaire, qui provoque la déglutition chaque fois qu'un
corps étranger existe dans l'arrière-bouche.
Moyens préventifs à employer contre l'infestation ascaridienne
de l'homme :
1° A chaque sortie du chien, examiner ses selles afin de se
rendre compte si elles ne contiennent pas de vers ; dans l'affirmative,
faire prendre un vermifuge.
2° Donner des soins de propreté au chien, notamment en le
brossant chaque jour à la brosse de crin.
3° Enfin, éviter la promiscuité du chien avec l’homme afin
de parer aux dangers de transmission de nombreux parasites intestinaux tels que
ténias, ascarides, etc. Se souvenir que le ténia échinocoque, principalement,
est un hôte très dangereux pour l'homme, chez lequel il forme ce qu'on appelle
le kyste hydatique.
MOREL,
Médecin vétérinaire.
|