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Ski

La ficelle rouge

II y a bien des années, trente ans peut-être, que cette simple découverte fut faite par les Suisses et les Tyroliens.

Il arrive malheureusement, au printemps surtout et sur les versants sud, que les skieurs qui se risquent en haute montagne sont entraînés par des avalanches. Certains passages redoutables sont pour cela bien connus, et je connais des centres alpins où, après une forte chute de neige, on voit arriver des sections d'artillerie de montagne avec de petits mortiers ; ceux-ci, en quelques obus, déclenchent l'avalanche qui sans cela aurait menacé pendant des mois. En France, nous n'en sommes pas encore là.

Et puis il y a. toutes les excursions captivantes, en dehors des chemins battus, où les skieurs ne peuvent pourtant pas se faire précéder de pareil train de combat. Cela reviendrait plutôt cher, et la marche ne serait pas très rapide. Il faut donc se résoudre à prendre le risque et, tous les ans, pas mal d'imprudents ou de malchanceux sont ainsi emportés.

C'est là que se pose le problème. Un skieur entraîné par l'avalanche peut vivre très longtemps sous la neige, et bien souvent, lorsque les « rescapés », s'il y en a, reviennent sur les lieux avec des sauveteurs, rien ne serait perdu si l'on savait en quel point exact orienter les recherches. Seulement la caravane de secours se trouve le plus souvent en face d'un creux de ravin où s'est tassée la neige de l'avalanche et où les enterrés peuvent être n'importe où, dans un espace de 150 mètres en tous sens. Et, malgré la hâte qu'ils ont de creuser, les sauveteurs se demandent où attaquer et si la galerie qu'ils entament ne va pas passer à quelques mètres seulement de l'accidenté. Avec de longues sondes, semblables à des manches de pelles de boulanger, ils piquent la neige ça et là, à quatre ou cinq mètres de profondeur, cherchant un corps plus résistant, mais souvent au bout de leur déblaiement ils s'aperçoivent que c'est un bloc de neige durcie qui a arrêté la sonde, et que des minutes, même des heures précieuses ont été perdues.

La, plus élémentaire précaution, dans les passages exposés, les pentes qu'il faut couper à flanc, consiste à espacer les skieurs d'une bonne centaine de mètres, mais aussi à les munir chacun, au départ en excursion, d'une douzaine de mètres de forte ficelle rouge. Cela se porte dans le sac, ou roulé à la ceinture, et l'on déroule ce serpent d'un nouveau genre qui traîne dans la neige. Au cas d'avalanche, il est bien rare que ce « fil conducteur » soit enterré sur toute sa longueur et, dès que l'on en voit un morceau à la surface de la neige éboulée, il est facile d'arriver à l'homme qui est au bout.

Les éclaireurs skieurs des bataillons alpins ont adopté cet accessoire léger, peu embarrassant et peu coûteux. II serait à souhaiter que son emploi devienne en quelque sorte automatique pour les skieurs qui sortent des chemins battus et s'en vont, au-dessus de la zone des forêts, parfois à des altitudes assez élevées, chercher, à partir de Pâques, la neige qui se fait rare dans les vallées. Ainsi nous n'aurions pas l'occasion de déplorer la malchance qui poursuit parfois les sauveteurs dans leurs recherches et qui fait que, pendant des heures, des montagnards de bonne volonté ont pioché et pelleté à trois pas d'un malheureux qui les entendait peut-être, mais que rien ne signalait à la surface et qui, en désespoir de cause, a été abandonné, « toutes recherches ayant été inutiles », et a fini par se perdre dans le grand froid …

Robert LARAVIRE.

Le Chasseur Français N°649 Mars 1951 Page 159