A la suite de ma dernière chronique, un lecteur m'a demandé
si j'étais ou non partisan de la réglementation des terrains de camping. Je le
remercie bien vivement de m'avoir posé cette question, qui va me permettre de
préciser ma pensée à ce sujet. Pour ne rien cacher aux lecteurs du Chasseur
Français, je leur dirai tout d'abord qu'en moi se pose journellement un
combat cornélien (!), celui qui oppose le vieux campeur indépendant que je suis
et le président d'un grand club que je suis également depuis de nombreuses
années.
Le campeur répondra donc à mon distingué interlocuteur qu'il
est farouchement opposé à toute réglementation, car qui dit réglementation dit
forcément négation de l'esprit de liberté cher au campeur. Mais le président,
qui a sous les yeux, journellement, des rapports sur des abus de certains « campards »,
ne peut qu'approuver certaine réglementation discrète, afin d'ailleurs de
protéger les vrais campeurs. En tous cas, il est un fait certain : c'est
que, s'il est un domaine dans lequel une réglementation est acceptable, c'est
précisément dans celui des terrains de camping.
Ainsi que nous l'avons dit le mois dernier, il est
inadmissible que les campeurs soient livrés à la voracité de certaines
municipalités, de certains syndicats, ou de certains particuliers. Un règlement
d'ensemble des camps ouverts aux campeurs par des tiers mériterait d'être mis
sur pied d'urgence. Il existe déjà une circulaire ministérielle qui prévoit
certaines règles d'hygiène lorsque le nombre des campeurs à admettre en
permanence sur un terrain dépasse un certain nombre de campeurs. Mais rien ne
protège les campeurs contre les abus ... Certaines municipalités font
payer la taxe de séjour aux campeurs. Or une circulaire du Commissariat général
au tourisme du 22 août 1949 est formelle pour condamner cette pratique ...
Mais les municipalités connaissent-elles cette circulaire ? ...
Comme on le voit, c'est la pagaye ! Et, dans le domaine
des terrains, il n'y a pas d'autre méthode que de créer une réglementation
simple, claire ... et nationale. Il est vrai qu'un projet de loi sur le
camping est en gestation ... mais l'accouchement semble difficile …
Alors, me direz-vous, il va falloir encore, cette année, se
plier à la fantaisie variée des décrets préfectoraux non unifiés ? Cela
est à craindre. Et, cependant, tout cela aurait pu être évité si on m'avait
écouté depuis 1938.
- Le 20 février 1938, en effet, j'ai remis à la
direction compétente du ministère des Loisirs un petit rapport avec la carte
ci-dessus.
Les parties grisées représentent, à mon avis, les régions
touristiques les plus fréquentées des campeurs, ainsi que celles où ils sont le
plus nombreux. Les lignes droites représentent des grandes voies de
communications.
« Or où a-t-on la plus de mal à trouver un camp ?
1° Près des grandes villes. - 2° Dans les régions touristiques très
fréquentées, principalement au bord de la mer.
» Et quand a-t-on besoin au maximum d'un camp clos,
gardé et organisé ? Pendant la période des vacances.
» Ces régions et ces voies de communications doivent
donc être jalonnées de camps fédéraux, qui seront de deux sortes : les
camps d'étapes et les camps de séjour, chacun pouvant être d'ailleurs à la fois
l'un, et l'autre. Seule l'importance des installations et la superficie les
différencieront.
» Ainsi équipée, la France posséderait un réseau
suffisamment dense de terrains de camping de vacances et d'étapes. »
C'est ainsi que je m'exprimais dès avant la guerre, et je
reste persuadé que, si cette politique avait été suivie, il n’y aurait plus
guère, à l'heure actuelle, de problème de terrains de camping, car ces terrains
fédéraux ou régis par la Fédération suffiraient en grande partie aux besoins
des campeurs familiaux amateurs de camps fixes de vacances. En tout cas, ils
seraient là comme des modèles, et leur concurrence aurait fatalement fait
baisser les prétentions des commerçants trop gourmands.
Hélas ! rien n'a été fait dans ce domaine ! Malgré
d'incessantes interventions depuis plus de dix ans, j'ai toujours prêché dans
le désert, et je dois dire que je n'ai pas encore réussi à comprendre
l'indifférence de mes collègues sur cette question majeure.
Car ce n'est pas la loi en préparation qui amènera la
solution du problème, et, tôt ou tard, il faudra bien en venir à cette solution
qui pourrait être, à l'heure actuelle, sinon résolue — car elle est extrêmement
coûteuse, — mais tout au moins largement amorcée !
En attendant, cet été, les campeurs camperont encore où ils
le pourront.
Jacques-J. BOUSQUET,
Président du Camping Club de France.
|