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Le vignoble Français

Le mois dernier, nous avions fait escale à Chalon-sur-Saône ; nous allons parcourir maintenant les vignobles de Bourgogne en entrant par leur partie méridionale.

Les monts calcaires de la Côte d'Or ont une direction générale nord-sud ; ils commencent (ou finissent) à quelques kilomètres au nord-ouest de Chalon et se raccordent, après Dijon, au plateau de Langres.

C'est dans les parties abritées de ce massif que se trouvent les grands crus de Bourgogne, à une altitude variant de 200 à 300 mètres.

La nature des formations géologiques de cette côte calcaire confère au Pinot noir des qualités qui différencient entre eux les nombreux crus de cette Côte.

Les premiers de ceux-ci que nous trouvons sont à Santenay et à Montrachet, qui produisent des vins blancs avec le Pinot Chardonnay, les mêmes vins également à Meursault. Puis on trouve les crus rouges de Volnay-Pommard, Beaune, Savigny-lès-Beaune.

La petite rivière de La Boucaise, que l'on traverse, limite cette première zone, la plus importante comme encépagement.

Ensuite nous trouvons Aloxe-Corton, Pernaud (Charlemagnes rouge et blanc), Nuits-Saint-Georges, Vosne-Romanée (plusieurs crus de Romanée), FIageay-Échézeaux, Vougeot (clos Vougeot), Chambolle-Musigny (vins extrêmement fins), Morey (clos de Tart).

L'ensemble de ces vignobles forment ce qu'on appelle la seconde partie de la Côte.

Dans la troisième partie, qui se termine à Dijon, nous trouvons les vignobles de Gevrey-Chambertin ; ensuite ceux, secondaires, de Brochon, Fixin, Chénôve.

Qu'on nous comprenne bien ; les trois parties que nous venons de parcourir ne signifient pas des séparations de qualité, mais des séparations de goût. Tous ces crus de la côte de Bourgogne (Côte d'Or) produisent de très grands vins, mais de saveur différente, due, comme nous ne cessons de le répéter, à la nature des formations géologiques des calcaires.

Les vignobles de Bourgogne comprennent aussi ceux du val de Saône, l’Auxois et le Châtillonnais ; le premier produit, avec le Melon, des vins blancs de table ; les deux derniers produisent du vin rouge, avec le Gamay.

De Dijon, dirigeons-nous vers l'Alsace par la trouée de Belfort. Dans la vallée du Rhin, nous trouvons, à l'est du massif vosgien, sur des terrasses formées par la décomposition du vieux grès rouge ferrugineux, des vignobles de Thann à Barr, d'encépagement principal et constitué par le Pinot noir, ou Klewner (vins rouges), le Pinot rosé de Ribeauvillé (ou Savagnin rosé) et surtout le Riesling, qui donnent des vins blancs parfumés, alcoolisés, se conservant très bien. Tous les villages des vignobles alsaciens produisent d'excellents vins ; toutefois, citons ceux que les connaisseurs citent comme tenant la tête : Thann-Guebviller, Türkheim, Rappoltsweiler et enfin Riquewihr.

Nous allons maintenant gagner la Lorraine, en traversant la chaîne vosgienne par le col de Saverne, qui donne à la fois le passage au canal, à la route et à la voie ferrée.

Nous apercevons les collines verdoyantes de la Lorraine, nous trouvons des vignobles dans les vallées de la Moselle, de la Meuse et du Barrois ; on cultive ici les variétés du Gamay (G. de Liverdun, G. hâtif des Vosges).

Dans le Barrois, par contre, on trouve le Troyen, lequel, comme nombre de cépages, change d'état civil avec les localités.

Après Bar-le-Duc, en descendant l'Ornain et la Marne, nous entrons dans le fameux vignoble de Champagne, qui s'étend sur les trois départements de la Marne, de Haute-Marne et de l'Aube.

Nous diviserons le vignoble champenois en trois régions.

1° Région de Reims.

    — a. Grande montagne : les vignobles sont exposés au nord à une altitude allant de 150 à 200 mètres ; on y cultive, vinifiés en blanc, le Pinot noir et le Pinot meunier, ils comprennent les régions de Chamery, Rilly, Verzenay, Verzy.

    — b. Basse montagne, avec les centres de Saint-Thierry-Hermonville, Nogent, Cernay-lès-Reims.

2° Région d’Épernay.

    — a. Côte de Marne : les vignes sont exposées au midi ; les régions d’Ambonnay et de Bouzy donnent des vins rouges ; les autres, des vins blancs champagnisés : Ay, Mareuil, Dizy, Cumières, Damery, Verteuil.

    — b. Côte d’Épernay : l'exposition des vignobles est nord-est ; nous trouvons les stations d'Épernay, Mardeuil, Moussy, Pierry, Vinay.

    — c. Côte d'Avize : exposition est; sol argilo-calcaire ; sous-sol crayeux. On cultive ici le Pinot blanc, ou Pinot Chardonnay, dans les vignobles de Cramant, Avize, Oger, Le Mesnil, Vertus.

3° Les départements de l'Aube et de la Haute-Marne,

    — aux climats plus rigoureux, donnent des vins plus acides et moins alcoolisés ; on y cultive le Gamay, le Couais ou Enfariné, le Troyen. Les vins blancs sont vinifiés avec le Petit Meslier.

De cette région, redescendons vers le sud pour visiter l'Auxerrois. Les vignobles sont considérés ici comme faisant partie de la basse Bourgogne et sont établis sur les bords de la rivière Yonne et de ses affluents : la Cure, le Serein, l’Armançon.

Au point de vue géologique, ces terrains sont très spéciaux, toutes ces rivières, qui ont leur source dans le Morvan granitique,traversant les marnes bleues, puis les formations calcaires du jurassique, d'où il résulte que les sols sont constitués par les débris de roches d'origine très différente.

Les vins rouges les plus estimés sont produits dans les régions d'Auxerre, d'Épineuil, de Dannemoine, de Joigny, d'Avallon, d'Aunay-la-Côte, d'Étaules, de Girolles.

Les vins blancs sont produits à Chablis.

Les cépages cultivés sont les différents Pinot : le Gamay, le Franc noir de l'Yonne, le Tressot ou Romain, le Sacy ...

Pour terminer notre voyage, dirigeons-nous sur Gien, où nous remonterons la Loire. Dans cette localité, nous trouvons des vignobles, et, en amont du fleuve, sur la rive gauche, celui de Sancerre ; sur la rive droite, celui de Pouilly-sur-Loire.

Ces deux derniers vignobles fournissent des vins à appellation contrôlée : le premier avec le Sauvignon, le second avec le Sauvignon, ou Blanc fumé, et le Muscadet.

Nous avons fini ce périple. Comme nous l'avons écrit au début, nous n'avons pas tout visité, et nous n'avons pas cité tous les crus ; nous nous en excusons.

Dans une randonnée aussi rapide, nous nous sommes efforcés de visiter les grandes régions viticoles ; il nous faudrait encore citer ceux de Saint-Pourçain et de Chantelle dans l'Allier ; de Chanturgues dans le Puy-de-Dôme, et ... bien d’autres.

Certains esprits un peu ... compliqués pourront trouver que nos vins fins, à l'égal du Champagne, devraient être « fabriqués » au goût du client. Nous nous permettons de dire que la chose est impossible et non souhaitable.

La technologie des vins mousseux est tout à fait différente de celle des vins de grands crus. La gamme des qualités gustatives de ces derniers est très étendue et, comme nous l'avons écrit, elle tient à la grande variété de nos cépages, de nos sols et de nos climats.

La France est le seul pays au monde qui offre un choix aussi complet de vins fins naturels, dont la plupart demeurent inimitables.

Sans les vins de France, nos Brillat-Savarin n'auraient pu célébrer les louanges de la cuisine française, asseoir la renommée gastronomique de notre pays, patrie du bien manger, que des millions de touristes honorent chaque année.

V. ARNOULD,

Ingénieur agronome.

Le Chasseur Français N°649 Mars 1951 Page 167