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Le logement

Maison familiale rustique

J'avais composé cette maison, avant guerre, pour un large cadre paysager, dans une région où les vieilles maisons en pans de bois sont restées nombreuses et sont, en général, en bon état de conservation. Il n'en est pas de même partout, hélas ! En maints endroits, les termites et le Merulius lacrymans, (champignons) font de terribles ravages, et c'est pourquoi je conseille vivement d'éliminer le bois du gros œuvre du bâtiment. En cette région, pourtant, il semble qu'on puisse l'employer encore, d'une part parce qu'il se comporte bien, d'autre part parce que les chênes y sont très nombreux. On sait, en effet, que le chêne est l'un des bois qui résistent le mieux aux agents destructeurs, et que d'autre part, en cas d'incendie, il « charbonne » au lieu de brûler rapidement comme le sapin. En cette région aussi les petits propriétaires ou les petits charpentiers locaux ont gardé l'habitude ancestrale d’abattre leurs chênes longtemps à l'avance, « en bonne saison et en vieille lune », ce qui permet de les mettre en œuvre quand ils sont bien secs, et avec les meilleures garanties de conservation. Il est bon cependant de passer tous les bois au carboniléum ou au microsol, non seulement les parties apparentes, mais aussi les parties cachées (assemblages et encastrements).

J'avais donc composé la maison en fonction de ces possibilités spéciales, et, si j'avais prévu les murs en bonne maçonnerie moderne à l'épreuve des siècles, j'avais réservé une place d'honneur au chêne dans la loggia d'entrée, dans le pignon de façade, ainsi que dans les planchers à solives apparentes et dans la charpente du toit.

Distribution.

— On accède au rez-de-chaussée surélevé par un perron latéral bordé de jardinières fleuries à redans qui aboutit à un grand porche-loggia. Cette loggia forme avant-corps sur un côté de la maison. Elle est portée par quatre gros poteaux en chêne dont la partie basse est tournée, tandis que la partie haute est simplement équarrie. Les poteaux sont reliés à la grosse poutre qui les surmonte par des contrefiches chantournées en arc de cercle. Entre les poteaux, le dessus du mur est creux pour former jardinière. De la loggia, nous pénétrons soit dans le vestibule par une porte vitrée à un vantail flanquée d'un grand volet, soit dans le living-room par une porte vitrée à quatre vantaux protégée par quatre volets pliants se rabattant sur les côtés.

Le vestibule donne accès à gauche au living-room, au fond à la cuisine, à droite à un petit dégagement fermé qui distribue deux chambres, salle de bains, w.-c.

Le living-room est une belle grande pièce qui fait toute l’épaisseur de la maison. Au fond se trouve le grand escalier en chêne apparent, qui constitue un fond décoratif. Entre les deux volées latérales de l’escalier vient s'encastrer un divan. Sous la volée de droite, on accède par une porte à un petit dégagement qui donne communication avec la cuisine et avec l'escalier de descente de cave.

A gauche du living-room se trouve un coin de feu, élément fort agréable dont j'ai doté un certain nombre de maisons que j'ai édifiées en diverses régions de France. Une niche, plus ou moins large et plus ou moins profonde, vient agrandir la pièce sur un côté. Le plafond en est plus bas que dans le reste de la pièce. Au milieu de cette niche, la cheminée en briques vient former une nouvelle saillie vers l’extérieur. Le coin de feu est garni, dans la partie haute, d'étagères pour les livres, les vieilles assiettes, parfois, au-dessus de la cheminée, d'une petite niche pour un vase ou une statuette. Dans la partie basse, il est flanqué de chaque côté de deux bancs de chêne formant coffre avec couvercle abattant. Dans les coffres on peut mettre du bois, le tricot en cours ou les chaussettes à raccommoder.

Dans le living-room trouvent place : à droite, un grand buffet ancien ; à gauche, un piano. La large communication avec la loggia par la porte à quatre vantaux permet, par beau temps, d'obtenir un vaste ensemble en réunissant la loggia et le living-room.

La cuisine s'éclaire en façade postérieure par deux fenêtres. Sous ces fenêtres s'étalent, sur toute la paroi, évier avec égouttoir, cuisinière électrique, cuisinière à bois. Sur le panneau de gauche se place un grand buffet. Dans un coin, la table où peuvent manger quatre ou six personnes.

La chambre avant s'éclaire par deux fenêtres sur l'angle. Sur la paroi du fond se place un grand lit de milieu. Sur deux autres panneaux se placent une armoire et une commode, et, dans l'angle sous les fenêtres, une table.

La chambre arrière s'éclaire par une grande fenêtre en façade latérale. Elle comprend un lit d'angle, une armoire, une commode, une table sous la fenêtre.

La salle de bain w.-c. comprend baignoire, lavabo, bidet et w.-c. Le w.-c. a été incorporé dans la salle de bains. Cette disposition n'est pas à recommander, mais elle a été rendue possible par la présence d'un autre w.-c. au sous-sol, et elle a permis de réduire la surface bâtie, donc la dépense. Il est possible, cependant, de prévoir un lavabo-vestiaire et un w.-c.

L'escalier aboutit, au premier étage, à un palier latéral sur lequel s'ouvrent deux grandes chambres encastrées dans la partie centrale du toit. Ces chambres comportent des placards latéraux, de grands lits, de grandes armoires. II y a aussi des greniers latéraux.

Il convient d'assurer un excellent isolement thermique de la toiture afin que les chambres situées dans la partie centrale du comble soient parfaitement isolées du froid et de la chaleur. Le sous-sol comprend garage, chaufferie, buanderie, caves. Le garage peut être établi sous la loggia avec entrée latérale, et la partie sous living-room peut être utilisée comme salle à manger d'été ou comme studio.

Construction.

— Les murs extérieurs seront de préférence en pierres rustiques du pays. Les planchers des parties carrelées (cuisines, bains) seront en ciment armé. Tous les autres planchers seront en chêne, ainsi que la toiture, la loggia et les pans de bois du pignon de toiture. Les remplissages entre les plans de bois seront en briques rustiques, soit enduites, soit apparentes, et posées à fougère.

La couverture sera en tuiles plates rustiques du pays, de préférence avec une certaine proportion de tuiles brûlées, mordorées, ou avec une certaine proportion de tuiles anciennes de récupération soigneusement triées, ce qui est infiniment préférable au point de vue esthétique à la tuile plate, moderne, uniformément brune, qui donne l'impression d'avoir été passée au badigeon. Les fabricants, qui ont sorti dans ce domaine des produits de haute qualité technique, ne pourraient-ils obtenir des tuiles nuancées ?

Aspect extérieur.

— je pense que l'image me dispensera de tout commentaire : matériaux anciens, aspect d'une très vieille maison dans un vieux paysage campagnard, mais avec confort et équipement modernes ... de la poésie plutôt que de l'architecture …

Gérard TISSOIRE,

Architecte, Grands Prix internationaux de l'Habitation.

Le Chasseur Français N°649 Mars 1951 Page 172