Depuis l'invention d'Edison mettant au point le phonographe,
aucun perfectionnement bouleversant n'avait été apporté à l’enregistrement
des sons. Les seules améliorations effectuées conservaient la reproduction
des sons par la substitution du pick-up au diaphragme, et par le procédé électrique
d'entraînement du disque remplaçant le moteur à ressort.
C'est dans ces conditions que l'an 1935, au laboratoire, et
l'après-guerre, vers 1948, virent naître maintes nouveautés totalement révolutionnaires.
Dans le domaine du disque classique, on vit d'abord paraître
le « disque à haute fidélité » qui ne diffère de celui usuel que par
la finesse d'enregistrement et ne demande pour sa reproduction qu'un pick-up
extrêmement fin et léger. Ensuite le microsillon, dont le succès aux U. S. A.
est prodigieux, et qui est en train pour l'usage courant, et en particulier la
musique de danse ou de théâtre, de faire disparaître aussi radicalement le
disque d'ébonite que la radio à lampes a tué celle à galène.
Le disque à microsillons en comporte 9 à 12 au millimètre,
contre 4 au disque usuel, et ils tournent à 33 tours-minute contre 78, et la
durée d'audition atteint 20 minutes contre 3. En résumé, un seul disque
microsillon en remplace sept, et cependant ne coûte guère plus du triple. La
dépense finale se trouve réduite donc de moitié, avec, en plus, toujours des
enregistrements de « haute fidélité ». Pour la reproduction on
utilise des pick-ups extrêmement légers et les tourne-disques sont seulement
munis d'un réducteur de vitesse complémentaire.
Un autre perfectionnement, ou plus exactement une grande
nouveauté, a consisté peu avant guerre à vendre, pour un prix extrêmement bas,
un dispositif permettant d'enregistrer soi-même sa propre voix, sur des disques
métalliques vierges. Le procédé était mécanique et subsista avec maintes
améliorations.
Cependant on a préféré depuis, pour des raisons de haute
fidélité et de retransmission, des enregistrements d'amateur électriques. Ils
sont plus souples d'utilisation, car, grâce au microphone, on peut transporter
le foyer enregistreur loin du montage rotatif d'entraînement de disques. Pour
une dépense très modique, chacun peut, du reste, se livrer aux joies de ces
enregistrements, comme il procède à la prise de vues avec sa photocamera.
L'appareil essentiel est ici le microphone, encore qu'il en
existe de plusieurs types. Il sert à « capter » les sons et aussi
comme transformateur des modulations acoustiques en modulations électriques.
Ils sont, selon les types, électromagnétiques, piézo-électriques ou à
grenaille, et varient depuis le modèle très rudimentaire jusqu'au modèle de
très haute fidélité, cinquante fois plus sensible que celui d'un combiné
téléphonique.
Une fois créé, le courant alternatif transporte les images
sonores et peut actionner un électro-aimant capable de graver un sillon sur un
disque grâce à un stylet métallique.
Ce disque sert de matrice et est reproduit en métal servant
à confectionner des contre-matrices de moules, au moyen desquelles on produira
autant de disques qu'il faudra pour la vente.
La reproduction se fait au moyen du pick-up, bien connu de
tous, mais ce qui l'est beaucoup moins, c'est que, pour les appareils hautement
perfectionnés, on se sert actuellement de pick-ups piézo-électriques. Ils sont
bien meilleurs, bien que renforçant trop les notes aiguës.
Le tout dernier perfectionnement a consisté en changeurs
automatiques de disques permettant d'en disposer une dizaine sur le
tourne-disque et de laisser le récital se poursuivre sans avoir à intervenir,
tout en donnant la possibilité d'apporter des variantes ou des suppressions en
cours d'audition. Il existe deux sortes de ces changeurs automatiques, l'un à
tige centrale restant toujours fragile et ovalisant souvent le trou central, et
l'autre à deux supports diamétraux en spirales.
Malgré tous ces avantages, le disque présente des inconvénients :
il est lourd, fragile, encombrant et, pour les types classiques, il est trop
bref et irrégulier dans son émission.
C'est dans ces conditions que l'on a vu sortir du stade
laboratoire expérimental, pour tomber dans une production industrielle
intensive, le magnétophone, ou appareil d'enregistrement magnétique sur fil. Le
principe est identique à celui du phonographe : les sons se trouvent
captés par un microphone, mais, au lieu de provoquer des gravures au moyen d'un
électro-aimant agissant sur une pointe, c'est un fil qui passe dans son
entrefer. Cette invention date, du reste, de plus d'un demi-siècle, et la seule
différence provient de ce que l'on a substitué au fil d'acier perdant petit à
petit son enregistrement, un fil de cobalt le conservant presque indéfiniment.
C'est de la sorte qu'avec les inventions d'amplificateurs on
est arrivé aux magnétophones modernes, qui ont vu un rush foudroyant en 1948 et
1949 par leur application aux matériels de bureau, permettant la dictée fidèle
du courrier hors de la présence de la secrétaire et sans que celle-ci connaisse
la sténo, toujours plus ou moins difficile à relire.
De perfectionnements en perfectionnements, on est arrivé à
des appareils extrêmement précis, comportant en particulier un compteur
synchronisé avec le déroulement du fil et permettant le repérage, et donc la
possibilité d'effacement d'un mot, d'une phrase, etc. On arrive actuellement à
de très hautes fidélités, même des sons extrêmement aigus. Un tel appareil,
conçu pour le bureau, se paie en un an rien que par l'économie d'une sténo-dactylo
remplacée par une simple dactylographe, celle-ci écoutant au casque ou au
stéthoscope et même au haut-parleur à une vitesse de frappe doublée.
On peut également enregistrer une pièce de théâtre, une
audition de radio ou une conversation, une délibération de conseil
d'administration, un discours, etc., etc. Actuellement on réalise des
reproductions avec un déroulement de un mètre seconde et des possibilités de
une heure et même deux.
L'appareil reste toutefois assez compliqué, car il faut trois
moteurs de déroulement, d'enroulement et de rebobinage ; avec des vitesses
différentes, car les bobines de fil arrivent à mesurer un et même plus de deux
kilomètres. En plus, il y a les dispositifs d'enregistrement et lecture et
aussi d'effacement.
Malgré ces perfectionnements, on ne doit pas voir dans le
magnétophone un concurrent direct du phonographe. Le domaine est différent.
Mais ce sont ses possibilités futures qui restent éblouissantes, car on
envisage actuellement non plus d'enregistrer des sons, mais des images selon le
procédé propre à la radiovision. Et l'appareil sera alors en concurrence avec
le cinéma.
Il existe encore une troisième sorte d'appareils enregistreurs
et lecteurs de sons. Ce sont les dispositifs utilisant le film du cinéma
parlant.
Sur le film ordinaire, une bande est réservée à
l'enregistrement simultané du langage ou de la musique, de manière à avoir un
synchronisme parfait avec les images. Le procédé est parfait, mais il reste
extrêmement onéreux. Cette dernière condition empêche de l'utiliser uniquement
pour l'enregistrement sonore, sauf pour quelques rares cas demandant la conservation
de concerts exceptionnels ou de discours impliquant une valeur rarissime où la
question de dépense finit par disparaître.
Actuellement il existe un quatrième procédé, mais celui-ci
est encore du domaine expérimental. Il marie les procédés d'enregistrement
optique et électrique, en ne retenant que les avantages complémentaires de
chacun. Il utilise le film de cinéma, soit du format standard, soit de celui
réduit en|16 millimètres. Mais l'enregistrement est effectué par un moyen
mécanique, au lieu du procédé optique usuel. Le mécanisme est de grande
précision puisqu'il s'agit d'effectuer un creusement de sillons plus ou moins
profonds et larges dans un revêtement d'émulsion épais de six centièmes de
millimètre. La lecture ultérieure s'effectue comme dans le cinéma parlant.
L'avantage de ce dispositif est sa longue durée d'environ une heure. Mais,
aussi, on doit souligner le bon marché des reproductions. Enfin il n'existe
plus alors de bruits de fond, et les sons aigus ne deviennent plus désagréables
à l'audition.
De tous ces procédés, il est impossible de dire quel est le meilleur.
Il y a des dispositifs mieux adaptés que d'autres certaines applications, et
c'est tout.
Ce que l'on doit retenir en matière de conclusion, c'est d’abord
l'immense intérêt des divers magnétophones. A l’heure actuelle, on ne peut même
en dresser la liste, car, outre les applications courantes pour la dictée des
courriers dans les bureaux, chaque jour révèle une utilisation nouvelle.
Pour les disques, le microsillon est destiné à faire disparaître
le disque normal, sauf dans les cas où il s'agit d'une extrême haute fidélité
ou d'un enregistrement exceptionnel.
Enfin les plus grands espoirs sont permis à l'enregistrement
des images sur fil magnétique, et la seule difficulté à surmonter réside en ce
que les images comme celles de la télévision demandent un million de cycles,
tandis que le son ne dépasse pas la dizaine de milliers. C'est une question de
temps et de travaux de mise au point.
Sylvain LAJOUSE.
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