Le très grand nombre de lettres que nous continuons à
recevoir ne nous permet pas de les reproduire in extenso, ni même de les
publier par extraits aussi rapidement que nous le désirerions. Nous nous en
excusons donc ici auprès des intéressés.
Les réflexions de M. de Valicourt à propos de la chasse
au gibier d'eau, publiées en décembre, ont provoqué chez nos lecteurs quelques
réactions dont voici les plus caractéristiques. Retenons de la lettre de M.
Pinçon, de Tours, les passages suivants :
Je ne suis pas chasseur et j'ignore tout de la
réglementation de la chasse. En conséquence, j'admets fort volontiers la
plaidoirie de M. de Valicourt concernant la chasse des sauvagines ;
d'autre part, la présidence de l'A. H. C. G. E. lui confère certainement le
droit d'avoir une opinion sensée sur un sujet qu'il aime. Mais il est toutefois
un passage de son article sur lequel je suis en désaccord.
Le nombre des chasseurs, dit-il, croît indéfiniment et la
densité du gibier ne suit pas la même courbe. Et de s'élever contre le fait que
tout individu doit pouvoir chasser au moindre prix, alors que l'on admet de
payer fort cher pour voyager en première classe, en avion, prendre l'apéritif,
aller au cinéma.
Je suis un prolétaire (dans le sens propre du mot, ce terme
ne doit pas être considéré comme un signe d'appartenance politique) et, lorsque
j'ai à voyager, c'est en troisième classe que j'effectue mes déplacements ;
je n'ai pour l'instant nul besoin de me servir d'avion. Quant aux apéritifs et
cinéma, je signale à l'esprit critique de M. de Valicourt que le prix de deux
apéritifs consommés dans un établissement moyen ou d'une séance de cinéma
correspond sensiblement au prix actuel de trois cartouches. Ce sont donc
plaisirs moins coûteux qu'une partie de chasse.
On peut arguer que la chasse est un plaisir plus sain ;
mais ce n'est pas une raison pour que le prix de cette distraction soit plus
élevé.
Le prix du permis de chasse en 1914 représentait le salaire
de dix journées de travail. Il n'en représente plus que deux aujourd'hui.
L'auteur conclut que, de ce fait, le nombre des chasseurs s'est accru. Mais
est-ce uniquement du fait de l'insuffisance relative de cette taxe ?
Pourquoi la pratique de la chasse n'aurait-elle pas suivi le mouvement
universel et atteint des couches plus modestes de la société.
J'admets donc qu'il y ait davantage de chasseurs et que le
gibier, lui, n'augmente pas.
M. de Valicourt écarte les braconniers, les nuisibles, les
épidémies comme agents destructeurs du gibier. D'accord. Mais je demande qui
tue le plus de gibier ? Le fermier qui arpente quelques hectares de champs
à la recherche de quelques perdreaux ou d'un hypothétique lièvre, ou les
chasseurs qui se groupent, payent des gardes et des rabatteurs ? Quel est
le plus grand destructeur ?
Seule la chasse en montagne donne la mesure des valeurs
individuelles et je m'incline devant ceux qui la pratiquent. Mais sur nombre de
terrains de Sologne, ce n'est pas de la chasse que l'on pratique, mais bien
plutôt du tir de baraques foraines, convenons-en.
Et ce déplorable article 42 bis ! Pourtant, qui
nourrit le gibier, qui fait pousser les céréales où se nicheront les cailles et
autres perdrix ? Si ces charmantes bêtes pouvaient se passer de ces
récoltes pour vivre, elles se passeraient encore mieux des chasseurs, fermiers
ou non. Admettons donc que les fermiers se payent un peu de leurs efforts.
M. Gaston Louis, de Mazamet, émet une opinion
sensiblement identique.
Si le prix du permis était excessif, le passionné de la chasse
— il s'en trouve dans tous les milieux — qui ne pourrait s'offrir un permis
serait tenté de braconner, justifiant l'illégalité par l'injustice ; ne
mettons donc pas le prix du permis à un taux exorbitant ; évitons toute
mesure qui pourrait être interprétée comme le rétablissement d'un privilège. Et
si vraiment l'on craint la disparition totale du gibier, que l'on édicte la
fermeture totale de la chasse pendant une période déterminée. Rien n'est plus
intolérable, en effet, qu'une mesure ressemblant à une injustice.
M. Lessault Gérard, de la région d’Oran, a relevé
également les réflexions de M, de Valicourt concernant l'article 42 bis.
Cet article ne constitue ni un privilège, ni une injustice.
C'est un avantage certain pour le cultivateur locataire qui, tout en restant
chez lui, peut passer agréablement une journée de chasse ; mais pourquoi
serait-il obligé d'aller chez d'autres, qui eux viendraient chasser sur ses
terres, tuer le gibier qui s'est nourri de ses récoltes ? La contrepartie
pour le propriétaire, c'est qu'il n'a plus à payer de dégâts de gibiers ;
le fermier ne peut plus invoquer de dégâts importants, puisque lui-même
participe à la destruction.
Je suis actuellement sur un domaine à 60 kilomètres de
Mascara et 52 kilomètres de Saïda. Ce sont les deux villes les plus proches et
il n'existe aucun moyen de transport. Que ferais-je les jours de congé si je ne
pouvais chasser sur le domaine lui-même ! Si le propriétaire me supprimait
ce droit, je ne tarderais certes pas à lui donner mon congé !
Non, ne réclamez pas la suppression de l'article 42 bis.
C'est un facteur important de maintien à la terre.
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