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Courrier cynégétique

Le premier Salon de la Chasse et de la Vénerie.

— Un groupe de chasseurs éminents présentera du 15 juin au 5 juillet prochain, au Palais de Glace, à Paris, le premier Salon de la Chasse et de la Vénerie, dont le Président de la République a accepté la présidence d’honneur.

L'organisation de cette importante manifestation se poursuit activement, avec l'appui du Conseil Supérieur de la Chasse et des grandes fédérations et associations cynégétiques, et sous le haut patronage du Saint-Hubert-Club de France et de la Société de Vénerie.

C'est avec leur concours que sera réalisée la partie documentaire du Salon, qui montrera tous les gibiers de France dans leur cadre naturel. Les chasses coloniales, la vénerie, les chiens, le tir, l'équipement, la librairie présenteront, avec les plus belles armes et les trophées les plus rares, tout ce qui intéresse notre sport.

Dans la section artistique, l’on admirera des pièces insignes, armes, tapisseries, tableaux, gravures, objets rarissimes prêtés par les musées et les collections particulières.

Une ruse de Goupil.

— Faisant l'ouverture avec quelques parents et amis, en 1943, dans un village de l'Oise, non loin de la forêt de Retz, nous venions de nous rassembler, ayant pour la plupart nos fusils déchargés. Soudain nous voyons venir vers nous, du milieu de la plaine, longeant un champ de betteraves et filant à toute allure, un maître goupil. Mon père, qui seul avait encore ses cartouches, envoie un doublé à quelque quarante bons mètres ; le matois accuse les deux coups, mais se traîne néanmoins jusqu'à un gros roncier voisin. Nous l'encerclons immédiatement et Pope, un solide bas-rouge, a tôt fait de coiffer l’animal et l'abandonne, inerte. Le fils de notre hôte, A. T…, ramasse le renard, et, passant de mains-en mains, celui-ci est tâté, soupesé … puis jeté par-dessus une clôture que nous avions à franchir : à peine retombé de l'autre côté et avant que le premier d'entre nous ait eu le temps d'enjamber le grillage, notre compère — sans doute éveillé par sa chute brutale — se remet sur pieds et ne tarde pas à gagner un parc enclos de murs, non sans avoir essuyé une fusillade nourrie mais vaine. Inutile de dépeindre l'ébahissement de tout le monde. Comme quoi le vieux conte du Renard et les poissonniers n'est plus une fable, tout au moins pour les assistants de cette scène.

CARBONEL, abonné, à Chantilly (Oise).

Les cormorans de Notre-Dame.

— Les Parisiens ne furent pas peu surpris, en cette fin d'année sainte, de constater que la flèche de Notre-Dame s'ornait de motifs architecturaux nouveaux. Les dentelures des arêtes et le coq lui-même avaient une forme inhabituelle. Était-ce l'œuvre d'un audacieux sculpteur, soucieux d'ajouter encore à la richesse ornementale de la cathédrale, ou celle d'un mauvais plaisant ? Ni l'un, ni l'autre. Ces nouveaux sujets n’avaient pas l'immobilité de la pierre, ils bougeaient ; c'étaient des êtres vivants en chair, en os et en plumes, donc des oiseaux, de grands oiseaux noirs. Et, si l'on s'attardait un peu à les regarder, on avait l'agréable surprise de voir l’un de ces grands volatiles quitter momentanément son perchoir pour décrire, d'un vol lourd et circonspect, un orbe majestueux au-dessus de la cité. Alors certains badauds de s'écrier : « Ce sont des cigognes. — Mais non, vous n'y êtes pas, ce sont des hérons », déclarait péremptoirement un vieux monsieur. « Allons donc, rétorquait un clochard, des hérons ! Pourquoi pas des poulets ? Voyez donc pas que ce sont des grues qui font pénitence ou qui sont venues réveillonner avec les faisans ? » Réflexions et remarques se donnaient libre cours.

J'avoue que je n'ai pu identifier à cette distance ces fameux oiseaux.

J'ai cru qu'il s'agissait d'oies sauvages, mais celles-ci n’ont guère pour habitude de se percher sur les églises ou les monuments de nos villes. Je restais donc perplexe. Mais les grands journaux parisiens s'émurent de cette présence insolite et alertèrent la Sorbonne qui dépêcha immédiatement son meilleur ornithologue, et tout le monde sut par la suite que nos hôtes de Noël étaient des cormorans.

Des cormorans à Paris, en plein centre de la capitale, le fait est assez curieux. Ils étaient au moins quinze sur Notre-Dame, et il y en avait autant sur le Panthéon. Sur l'église et la nécropole célèbres ... est-ce un présage ?

Pourquoi ont-ils quitté leurs côtes sauvages et leur habitat rocheux pour un séjour à la cité des hommes ? Mystère. Ont-ils été fascinés par les lumières de la ville ? Le bruit de la rue leur rappelle-t-il celui de la mer et le mouvement des grandes artères celui des vagues ? Qui pourra nous le dire ?

Un de mes amis, Belle-Islois d’origine me fait remarquer qu'il y a une analogie frappante entre le bruit que fait le vent lorsqu’il souffle avec violence entre les colonnes du temple où reposent nos hommes illustres et celui de la tempête sur les côtes bretonnes. C'est peut-être une explication.

En tout cas, les cormorans sont là en ce début de janvier 1950 et ne semblent nullement décidés à partir. Tant qu’il fait jour, ils ne bougent guère de leur perchoir. Superbes et majestueux, ils suivent d'un œil intrigué les scènes d'une vie étrange qui, sans relâche, se déroule 60 mètres plus bas, afin, sans douter de pouvoir raconter plus tard à leurs enfants une belle aventure de jeunesse au pays des mille et une merveilles.

A quel moment prennent-ils leurs repas ? Autre mystère. La nuit, sur les berges de la Seine, ou au Jardin des plantes avec leurs congénères captifs ? Nul ne le sait.

M. DELÉRY, abonné.

Un hérisson astucieux.

— En 1938, à Abécher (Tchad), j'avais une chienne ouaddaïenne, si méchante que les indigènes l'avaient nommée « Kalbate » (mauvaise querelle).

Un matin, mon cuisinier arabe me pria de le suivre en me disant :

« Tu vas voir quelque chose. » Je vis cinq chiots et un hérisson da taille moyenne accrochés aux mamelles de Kalbate au regard attendri.

Surpris par le comportement de cette chienne si peu tolérante qu'elle avait mordu le vétérinaire quelques jours auparavant, je pris le hérisson et le portai à une cinquantaine de mètres, sur la place Moll.

Mon ébahissement fut grand de voir, quelques minutes après, Kalbate prendre le hérisson du bout des dents et le ramener auprès des chiots, où il se tint coi.

Notre insectivore disparut dans l'après-midi, mais revint la nuit. Encore présent le lendemain matin, il tétait avec beaucoup de précautions, soucieux, semble-t-il, de ne pas indisposer les chiots, dont il avait fait ses frères de lait. Il disparut avant l’heure chaude pour ne plus paraître.

Que conclure de cette scène ?

J'y vois la manifestation d'un immense instinct maternel de la part de la chienne. Durant la parturition, Kalbate ne s'était pas aperçue sans doute de l'apparition de l'intrus. Elle a pensé sans doute avoir enfanté un monstre ... ou un prodige !. Quoi qu'il en soit, lui ayant donné la vie, elle lui devait les soins.

Ch. VALLIN, abonné.

Le doyen de nos abonnés.

— Nous croyons que le titre peut être revendiqué, sous appel, par M. Émile Noir, de Gray (Haute-Saône).

En effet, M. Noir s'est abonné en 1883 au Moniteur de la chasse et des tirs, hebdomadaire qui disparut en 1885 pour faire place au Chasseur Français, sur lequel fut reporté l'abonnement de M. Noir, constamment renouvelé depuis.

« Je viens, il y a huit jours, de le renouveler pour un an seulement, mon grand âge — quatre-vingt-douze ans — ne me permet pas d'espérer pouvoir me délecter de la lecture du Chasseur Français pendant encore trois ans, malgré mon bon état de santé actuel », termine M. Noir, cependant que la fermeté de l'écriture dénote une belle vitalité. Nos félicitations, M. Noir, et nos vœux pour que, de nombreuses années encore, vous puissiez vous livrer à votre lecture favorite !

Nos plus anciens abonnés, après M. Noir, paraissent être M. Bost, de Génissac (Gironde), abonné depuis 1886; M. Fulchiron, de Moulins (Allier), abonné depuis 1887 ; enfin M. J. Mazeron, de Sauret-Besserve (Puy-de-Dôme), et M. C. Pradier, de Nissan (Hérault), dont les abonnements datent de 1888.

Enfin, s'il n'est pas le plus ancien de nos abonnés, M. Pyat, de Vierzon, peut revendiquer le titre d'un des plus anciens lecteurs du Chasseur Français. Nous nous excusons de ne pouvoir reproduire les longues pages de souvenirs qu'il a égrenés, pour nous. Bornons-nous donc à en extraire les lignes les plus typiques :

« Je crois être un de ses plus vieux lecteurs, car j’ai eu en mains dès 1885 son premier numéro, que l'un de mes oncles, déjà vieux chasseur à l'époque, avait reçu comme spécimen. »

Dès le début, M. Pyat s'intéresse au Chasseur et apporte la contribution de sa jeune expérience : « Je me rappelle que, dès le début, tous les chasseurs ayant reçu un exemplaire de ce journal étaient priés de vouloir bien adresser une liste des oiseaux appartenant à leur région en donnant pour chacun d'eux tous les renseignements possibles : nom scientifique et nom vulgaire, migrateur ou sédentaire, avec dates approximatives d'arrivée et de départ pour les migrateurs, nidification, nombre d'œufs, incubation, nourriture, etc. Malgré mon jeune âge (j'avais alors quinze ans), mon oncle me mit à contribution pour établir avec lui cette liste. »

Plus tard, c'est la clandestinité : « Parti au lycée, je prélevai sur mon argent de poche le montant d'un abonnement au Chasseur Français que je me fis adresser, non au lycée, ce qui était défendu, mais chez mon correspondant en ville. » Bientôt, les affaires se gâtent : « Au mois de décembre, je présentai une étude sur les alouettes dans un concours du Chasseur Français. J'obtins un diplôme, mais l'un de mes professeurs du lycée, abonné lui aussi et fidèle lecteur du Chasseur Français, ayant découvert mon nom parmi les, lauréats ayant obtenu un diplôme, me semonça d’importance et me menaça des foudres du proviseur et du censeur. Je dus renoncer à renouveler mon abonnement, mais je demandai à mon oncle de me communiquer ses numéros. »

Si M. Pyat n’a pas le premier prix d'ancienneté, il aura toujours celui de la fidélité.

Une belle famille.

— Le fait de trouver dix renardeaux dans le même terrier, signalé par M. Gardette (Marseille), a été dépassé sur le territoire de la commune de Saint-Laurent-de-la-Salle (Vendée). M. Rousseau, garde fédéral, accompagné de M. Gillier, garde particulier, ont déterré au printemps dernier dans le même terrier douze renardeaux de même taille, supposés évidemment de deux familles.

Paul COIN (Vendée).

Délit de chasse.

— On nous communique une décision du tribunal correctionnel de Grasse, qui condamne un piégeur d'oiseaux à 12.000 francs d'amende et accorde à la Fédération de chasse, qui s'est portée partie civile, une somme de 5.000 francs à titre de dommages et intérêts.

Au sujet des délits de chasse de mineurs, un garde fédéral, obligé de sévir, souligne avec raison la responsabilité des parents qui laissent leurs enfants s'amuser à des jeux dangereux et risquent de les habituer à se situer toujours en dehors de la loi.

Le Chasseur Français N°650 Avril 1951 Page 207