Lorsque l'on veut travailler au maintien des qualités et à
l'amélioration d'une race d'utilité, il faut nécessairement pratiquer une
sélection portant à la fois sur le type, le modèle et les aptitudes au travail.
A l'exposition, l'on ne juge que la beauté — à supposer que
ce soit toujours la vraie beauté qui triomphe. L'épreuve sur le terrain est
donc le complément indispensable de l'exposition.
Pour les chiens d'arrêt, les fields sont depuis longtemps
passés dans les mœurs. Ils se sont multipliés, vulgarisés et décentralisés. On
en donne dans les régions les plus diverses, avec des règlements qui varient
selon les saisons et selon les races des concurrents. Quoi qu'en puissent dire
les éternels critiqueurs, jamais contents, qui prétendent qu'ils ne sont pas
l'image de la chasse pratique, c'est une excellente institution canine, sans
laquelle on ne saurait apprécier et signaler comme reproducteurs ceux qui ont
vraiment des aptitudes naturelles.
Pour les chiens courants, les épreuves de meutes sont de
création plus récente. Le premier concours de ce genre eut lieu à La Bastide-de-Cérou,
entre propriétaires de chiens gascons-saintongeois et surtout ariégeois. Malgré
son succès, il resta longtemps sans imitateurs. Il faut arriver à l'année 1923
ou 1924 pour voir le premier et grand essai d'épreuves de meutes qui se déroula
près de La Roche-sur-Yon.
Lorsque l'on parle d'épreuves de meutes, on ne peut manquer
de rendre hommage à la mémoire de deux grands cynophiles disparus,
organisateurs aussi avisés que sympathiques ; Paul Dézamy, président du
Club du griffon vendéen et de la Saint-Hubert de l'Ouest, et le comte Henri d'Andigné,
président de la Société de vénerie et de la Maine-Anjou-Touraine. Ils sont les
véritables promoteurs de ces concours, dont ils se sont efforcés de faire une
tradition à suivre.
Ces épreuves ne sont malheureusement ni assez nombreuses, ni
assez décentralisées, ni assez courues par les propriétaires. C'est d'ailleurs
très explicable. Elles offrent de bien plus grandes difficultés d'organisation
que les fields.
Avec des chiens courants qui sont bien dans la main de leurs
conducteurs, on explore le terrain que l'on veut, on ne risque pas de dépasser
les limites de ce terrain de chasse, même de dimensions relativement restreintes.
Au contraire, lorsque des chiens courants sont lâchés et lancés à la poursuite
du gibier, on ne sait pas où cela ira et jusqu'où cela ira. Il faut donc
disposer d'un secteur permis excessivement vaste.
Avec les chiens d'arrêt, les Juges voient tout le travail du
chien.
Avec une meute, lorsque l'animal file rapidement en ligne
droite, les juges peuvent très bien ne rien voir du tout des exploits ou des
fautes des candidats au brevet de chasse.
Lors des premières épreuves de Vendée, je me rappelle cette
chasse où les griffons des frères Batiot s'éclipsèrent sous le vent. On ne les
a pas revus de l'après-midi. Il y a deux ans, toujours en Vendée, les chiens de
Dagorn poussèrent à toute allure sous le vent un lièvre qu'ils forcèrent dans
les rues de La Roche-sur-Yon. Seuls le maître d'équipage, son homme et deux
juges retrouvèrent la meute avant la prise.
Pour les épreuves de la Maine-Anjou-Touraine, le terrain
était idéal. Elles se déroulaient dans le parc du château de Resteau, chez le
comte d'Andigné. Avec quatre juges surveillant chacun leur secteur et deux
juges suivant les chiens, il y avait vraiment toujours un juge pour constater
le travail des concurrents. Il y avait encore un gros avantage pour le public,
qui, de la terrasse et des jardins du château, bâti sur un petit mamelon,
pouvait suivre les péripéties de la chasse. Quant aux juges, ils n'avaient pas
seulement le plaisir de pouvoir s'acquitter facilement et complètement de leur
mission, ils avaient aussi l'agrément inoubliable de l'hospitalité si simple et
si cordiale du comte d'Andigné. Et quelles délicieuses journées que celles de Resteau,
où nous nous retrouvions entre fanatiques, où nous nous évadions de la réalité,
où, du lever du jour au coucher du soleil, nous vivions vénerie, où, pendant les
repas, nous parlions vénerie, où, pendant la veillée, passée à discuter et à
rédiger les notes de la journée, nous reparlions vénerie.
Il est naturellement plus facile et moins coûteux de
déplacer un ou deux chiens d'arrêt que toute une meute. Cela arrête beaucoup de
concurrents possibles, d'autant plus que la plupart des épreuves sont
organisées presque toujours dans une même région : Vendée, Bretagne, Loire-Inférieure
ou Sarthe. C'est presque toujours le même coin.
Mais certains n'osent pas produire leurs chiens ...
parce qu'ils sont effrayés par cette perspective d'une épreuve de meute. Une
meute, cela évoque quelque chose de très important. Une épreuve de meute, cela
évoque un ensemble qui chasse parfaitement et qui prend son animal !
Mais, si l'on parle généralement d'épreuves de meutes, les
règlements sont plus modestes et disent tout simplement : épreuves de
chasse pour chiens courants. C'est beaucoup moins grandiose et moins
intimidant. D'ailleurs voici quelques extraits du règlement des épreuves de Resteau
en 1935, où j'avais honneur d'être président du jury.
Les épreuves seront de deux types :
A. Épreuves pour chiens dans la voie du lièvre, en vue du
brevet de chasse à courre du lièvre ;
B. Épreuves pour chiens dans la voie du lapin, en vue du
brevet de chasse à tir.
Nature des épreuves : on fera chasser les chiens par
lots, mais sans attribuer de notes aux lots et sans les classer.
Il n'y aura de notes que pour les chiens inscrits pour le
brevet de chasse, et le classement en vue de l'attribution des prix se fera
seulement entre ces chiens.
Les chiens faisant partie des lots et ne concourant pas pour
le brevet de chasse chasseront donc uniquement pour permettre à ceux qui
concourent de se .trouver avec leurs camarades habituels et de démontrer leurs
qualités individuelles.
Composition des lots :
Epreuves A. — Les lots pourront être composés de
chiens appartenant à un ou plusieurs propriétaires qui s'entendront entre eux
pour constituer un lot de chiens de race similaire.
Épreuves B. — Chaque lot sera composé de quatre
chiens appartenant à un ou plusieurs propriétaires. Dans ces épreuves, il sera
accepté des engagements individuels. Ces chiens seront classés en lots par les
soins du jury.
L'article 6 spécifie que la prise du lièvre ne comportera
aucun avantage.
Echelle des points pour le brevet de chasse :
1° |
Chiens chassant le lièvre à courre. |
|
|
Espèce |
10 |
|
Nez |
14 |
|
Recri |
10 |
|
Activité, requête, persistance |
10 |
|
Disposition à rallier et à chasser en meute |
10 |
|
Aptitude à rapprocher et à lancer |
10 |
|
Aptitude à chasser sur le chemin |
8 |
|
Mépris du lapin |
8 |
|
Tenue, vigueur |
10 |
|
Obéissance, souplesse |
10 |
|
Total |
100 |
2° |
Chiens chassant le lapin à tir. |
|
|
Espèce |
10 |
|
Nez |
10 |
|
Recri |
14 |
|
Activité, persistance |
14 |
|
Disposition à rallier et à chasser en meute |
12 |
|
Aptitude à lancer |
14 |
|
Tenue, vigueur |
10 |
|
Obéissance |
8 |
|
Total |
92 |
Les chiens ayant obtenu un total minimum de 86 points auront
le brevet de chasse avec la note « Excellent », « Très bon »
avec un minimum de 70 points et « Bon » avec un minimum de 50 points.
Certains détails peuvent varier. Mais le règlement est
partout le même dans son esprit. Cet esprit est assez large pour enlever toute
hésitation et tout scrupule aux amateurs qui n'osent pas exhiber leurs chiens
en public. D'abord, ils peuvent très bien choisir leurs meilleurs et constituer
un lot homogène et de qualité, avec un ou plusieurs amis. Dans les épreuves
pour le brevet de chasse à tir, ils peuvent même n'engager qu’un chien.
Ils n'ont rien à craindre d'une chasse où ils ne prendront
pas le lièvre, puisque, dans le décompte des points, la prise de l'animal
n'entre pour rien dans l'appréciation des juges et du total attribué à chaque
candidat. C'est fort juste, car tous les vrais chasseurs savent parfaitement
que la prise peut n'être parfois que l'effet du hasard.
Ils n'ont pas à craindre non plus le public. Il ne se
compose presque que de vrais veneurs, qui connaissent toutes les difficultés de
la chasse du lièvre et qui sont des fervents compréhensifs et indulgents.
Ils n'ont rien à redouter de la sévérité des juges. Tous
sont des utilisateurs. Tous savent que les conditions météorologiques jouent un
rôle capital et que, par très mauvais temps, les meilleurs chiens peuvent
chasser comme de pures et détestables nullités. Tous ils savent tenir compte
des conditions les plus défavorables et apprécier malgré tout les chiens qui
ont des qualités.
Paul DAUBIGNÉ.
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