Mes derniers articles sur la réglementation du camping m'ont
valu un courrier des plus abondants de la part de lecteurs du Chasseur
Français. Plusieurs d'entre eux, propriétaires de terrains, m'ont demandé
ce qu'il fallait faire pour organiser et ouvrir un camp permanent.
La question est si importante qu'elle mérite d'être traitée
à fond. La réponse serait fort simple s'il existait en France une
réglementation officielle et unique pour l'ensemble du territoire. Cela n'est malheureusement
pas le cas.
Les commissions départementales de camping, créées par
l'arrêté du 20 juin 1950, se sont mises au travail. Malheureusement, les
premiers résultats font apparaître qu'elles n'ont pas reçu de directives
d'ensemble ou qu'elles ne les ont pas suivies. Il est à remarquer, d'ailleurs,
que la Commission nationale de camping, qui aurait dû être créée la première,
n'a pas encore vu le jour ! Cependant, il existait, depuis le 25 avril
1939, un arrêté type qui a été diffusé à tous les préfets par M. Jean Zay,
ministre de l'Éducation nationale, par une lettre qui disait notamment : « Vous
voudriez bien vous inspirer de ces textes dans l'élaboration de l'arrêté que vous
jugerez opportun de prendre dans l'étendue de votre département. »
Après la guerre, la Direction des sports et activités de
plein air a diffusé à nouveau cet arrêté type. Malheureusement, cette
Direction, où les amis du camping ne manquent pas, n'a pas cru bon ou n'a pas
pensé diffuser encore une fois ce modèle d'arrêté.
Il s'ensuit que les textes que nous voyons éclore à cadence
accélérée sont très différents les uns des autres.
Ajoutons, d'autre part, que, sur quinze membres composant
les commissions départementales, trois seulement représentent les campeurs.
Il serait d'ailleurs plus juste de dire : « devraient
représenter les campeurs ». Car, dans bien des cas, certains de ces trois
membres délégués par de grandes associations touristiques, ou représentant des
activités comme le scoutisme, n'ont qu'une idée très vague du camping, ne
l'ayant même, en bien des cas, jamais pratiqué ! ...
Il s'ensuit, hélas ! que nombre de commissions
départementales ont pris une position nettement défavorable aux campeurs, alors
que, dans l'esprit de la Direction des sports, elles avaient « à multiplier
et équiper les terrains accessibles aux campeurs et, d'une manière générale, à
développer la pratique du camping et les facilités que celle-ci apporte aux
activités physiques de plein air et aux activités d'éducation populaire qui
concourent à l'amélioration physique et morale de la Nation » (art. 4
de l'arrêté du 20 juin 1950).
Et cela est navrant, mais, encore une fois, ne se serait pas
produit si la Commission nationale avait été mise en marche en premier et avait
donné des directives très précises ...
* * *
Il ressort de tout ceci que je suis bien embarrassé pour
donner une réponse précise à mes aimables correspondants !
Lorsqu'un particulier, ou un syndicat d'initiative, voudra
ouvrir un nouveau terrain de camping, il aura d'abord à s'inquiéter de savoir
si un arrêté préfectoral ne vient pas d'être pris dans son département et, dans
ce cas, il n'aura qu'à suivre les indications de l'arrêté. C'est ainsi que
plusieurs dizaines de départements ont maintenant une réglementation du camping
fixée par arrêté préfectoral.
En l'absence d'arrêté préfectoral récent, on peut se baser
sur deux textes officiels :
1° L'arrêté type du 25 avril 1939 ;
2° La circulaire provisoire (saison 50) éditée par la
Direction générale de la jeunesse et des sports (2e bureau).
L'arrêté du 25 avril 1939 donne une réglementation complète
des camps permanents, soit (réglementation A) dans le cas de camps permanents
de plus de quatre-vingts personnes situés dans des régions telles que stations
hydrominérales, climatiques, balnéaires ou de tourisme ; soit
(réglementation B) dans le cas de camps permanents de vingt à quatre-vingts
personnes dans les mêmes régions que ci-dessus, ou pour les camps de
quatre-vingts personnes aménagés dans les communes rurales.
Nous reviendrons sur ces réglementations dans notre
prochaine chronique.
La circulaire de la Direction des sports comprend, en effet,
des indications générales qu'il me paraît utile de faire connaître avant de
passer aux points de détail.
Nous y trouvons les indications suivantes — fort importantes,
vous le verrez (titre IV, § a à g, pages 34 à 38) ;
Un maire ne peut interdire en général et soumettre à son
autorisation préalable le camping, sur tout ou partie du territoire de sa
commune, que dans des cas relativement peu nombreux ou pour des communes
présentant des caractéristiques particulières.
Les exceptions visent les communes entièrement urbaines, ou
certaines communes où les vacances attirent une énorme agglomération
d'estivants.
Mais ces interdictions doivent faire l'objet, en contrepartie,
de mesures positives destinées à faciliter le camping en certains emplacements.
Un maire ne peut soumettre par voie d'arrêté à son
autorisation préalable l'affectation au camping des propriétés privées situées
sur le territoire de sa commune.
Paragraphe dont il est inutile de souligner l'importance, et
que je signale, en passant, à la Commission départementale du Calvados. Un
propriétaire est maître chez lui. Aucun maire ne peut empêcher quelqu'un de
recevoir chez lui des campeurs. C'est la sauvegarde du camping de randonnée ou
du camp fixe individuel ou familial.
La mesure, toutefois, pourrait être justifiée s'il s'agit
d'un camp appelé à devenir, en permanence et véritablement, un lieu public
accessible à tous.
Toutefois, un maire a le droit de mettre fin à l'affectation
du camping des propriétés privées si l'ordre public est troublé, s'il y a
atteinte aux bonnes mœurs, danger d'incendie ou risques au point de vue
hygiénique.
Un maire ne peut interdire l'accès de terrains ayant le
caractère de lieux publics à certaines catégories de campeurs, par exemple aux
adhérents de certains groupements, alors qu'il ne le fait pas pour les
adhérents d'un autre groupement.
Par contre, un propriétaire privé peut n'autoriser le
camping sur son terrain qu'aux adhérents de tel ou tel groupement.
(Toujours la même idée : un propriétaire privé est
maître chez lui.)
Enfin, un maire ne peut prélever sur les terrains de
camping que des taxes de stationnement et de place, soit au cas de
stationnement excédant l'usage normal du domaine public, soit en vertu d'un
contrat de location du domaine privé de la commune.
Il ne peut, à plus forte raison, imposer une telle taxe
aux installations établies sur des propriétés privées.
Si la commune a établi un terrain permanent, aménagé, elle
est, dans ce cas, habilitée elle-même à percevoir une redevance.
Rappelons que les campeurs ne doivent en aucun cas être
astreints à payer la taxe de séjour dans les stations balnéaires, climatiques,
uvales, de tourisme ou de sports d'hiver.
Voici des directives officielles claires et précises. Le mois
prochain, nous étudierons pour vous la réglementation des terrains permanents.
Jacques-J. BOUSÇUET,
Président du Camping-Club de France.
P.-S. — Dans Le Chasseur Français de mars, il a été
signalé qu'un accord était intervenu entre les Eaux et Forêts de la Seine-Inférieure
et les groupements de campeurs au sujet du dépistage des incendies. Félicitons
les campeurs de la Seine-Inférieure. Mais ce n'est pas là une « initiative ».
Il y a plus de quinze ans que le Camping-Club de France possède un groupe de
secouristes forestiers. Je le suis moi-même depuis cette date. En 1939, les
campeurs avaient la garde du pylône du Long-Rocher, en forêt de Fontainebleau.
J.-J. B.
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