L'Égypte est justement fière de posséder les monuments
témoignant des plus anciens vestiges d'une très haute civilisation. Parmi
ceux-ci, les pyramides sont incontestablement les bâtisses les plus marquantes.
Toutefois il faut reconnaître que l'Egypte n'a pas l'exclusivité des pyramides,
car on en trouve au Mexique, et toute la Mésopotamie posséda des tours
pyramidales étagées ou en spirales, les « ziqqurats ». Mais, dans
l'état actuel des connaissances humaines, on ne peut affirmer quel pays antique
eut la primeur de la civilisation. La Mésopotamie, au sol argileux et humide,
n'a pu donner que des constructions en briques sèches, en adobes, et celles-ci,
sous l'action du temps et de l'humidité, sont retournées en boues et
poussières. Inversement, le sol de sable des rives du Nil, avec sa sécheresse
permanente, a parfaitement conservé les monuments en pierre.
C'est de la sorte que Bonaparte, lors de l'expédition d'Égypte,
se trouva en face de monuments intacts, protégés même de l'érosion des vents
portant des poussières de sables par un enfouissement profond justement dans
ces sables, qui, après les avoir heurtés, tombaient et exhaussaient le niveau
du sol. Depuis, les fouilles ont restitué ces vestiges du passé, plusieurs fois
millénaires, dans la splendeur éternelle de leurs formes nues.
Mariette et les autres savants qui jetèrent les fondations
de la science égyptologique eurent, dès leurs débuts, l'écho de curieuses
traditions se perdant dans la nuit des temps.
Bien avant que l'Égypte ne fût une nation unifiant les
civilisations du Delta et du haut Nil, il n'y avait que des peuplades éparses,
vivant sur les oasis linéaires, particulièrement riches et luxuriantes,
provoquées par les crues périodiques du fleuve, qui abandonnaient sur le sol un
limon puissamment fertilisateur. On ne peut, alors, parler d'Égyptiens, mais
seulement de Nilotiques, car aucun lien social ou national ne les unit. Ces
hommes vivent alors en tribus sous la domination de sortes de princes évêques,
gouvernant et régissant au nom d'une théocratie fort complexe. Mais ils
possèdent déjà une très haute civilisation, lentement élaborée et impliquant
des millénaires multiples d'évolution de la pensée humaine.
Les fouilles de paléontologie humaine récentes ont démontré
qu'avant les Égyptiens et Nilotiques du pays il n'y avait qu'un sous-sol
vierge, ce qui exclut l'idée d'une invasion ayant laissé des traces, en même
temps que les documents trouvés (poteries et armes) justifient qu'il n'y avait
là rien de particulier. Il faut donc accepter l'idée d'une civilisation en
d'autres lieux, dont les Égyptiens auraient hérité de la tradition, comme
l'indiquent leurs plus anciens papyrus.
Ceux-ci sembleraient se rattacher à la mythique Atlantide,
qui, au moment de son effondrement, aurait vu ses habitants fuir d'un côté vers
l'ouest et de l'autre vers l'est. C'est ce qui expliquerait alors la présence
simultanée de pyramides au Mexique et en Egypte.
Quoi qu'il en soit, la grande pyramide de Chéops présente de
bien curieuses coïncidences qui ne peuvent être l'effet du seul hasard et
impliquent d'importantes connaissances scientifiques.
D'une part, elle est située exactement au lieu de passage du
méridien traversant la plus grande longueur de terres émergées du nord au sud.
Elle est orientée aux quatre points cardinaux et, si l'on tire les diagonales,
celles-ci justifient que, de chaque côté, on se trouve avec une égale surface de
terres exondées des mers.
Cette pyramide aurait été construite par des corvées de
paysans mobilisés pendant la morte-saison agricole, et, malgré cent mille
travailleurs simultanés, sa construction aurait duré plus d'une génération.
Pour hisser les énormes blocs pesant chacun deux tonnes et demie, on avait
construit des remblais de terre battue, supportant des chemins de planches sur
lesquels on faisait rouler les blocs sur des rouleaux de bois. Puis on aurait
enlevé ces tertres provisoires, et la pyramide serait restée libre, se
profilant sur l'horizon.
Or, si son poids est énorme avec six millions de tonnes,
soit le chargement de dix mille trains de ballast, i1 est aussi troublant, car
ce chiffre, exprimé en grammes, six sextillions, correspond au poids de
la terre en tonnes, et le rapport entre les millions et sextillions représente
la surface des terres émergées du sol calculée en pieds sacrés carrés.
De plus, la pyramide mesure 148m,21 de haut pour une surface
de base de 54.000 mètres carrés, soit près de 5 ha. 5, avec un périmètre au
niveau du sol de 931m,25. Or, si l'on divise par la double hauteur, soit 148,21
x 2 = 296m,40, ce périmètre, on obtient le nombre fatidique de toute la
géométrie 3,14159 ... et cette coïncidence est tellement troublante qu'il
faut y voir autre chose que le seul effet du pur hasard.
Mais les mesures de la pyramide ne furent pas calculées en
mètres, puisque les Égyptiens ignoraient cette unité de longueur et calculaient
au moyen de la « coudée sacrée » de 36cm,565. A première vue, ce
chiffre n'attire pas l'attention, mais cependant il présente un intérêt énorme,
car il représente la millionième partie du rayon terrestre pris au pôle et au
niveau de la mer, c'est-à-dire en sa longueur minima, puisque la terre n'est
pas ronde, mais affecte la forme d'un ellipsoïde de révolution.
Cette donnée bouleverse toutes les données courantes selon
lesquelles les anciens auraient cru la terre plate et limitée aux terres circumvoisines
du bassin méditerranéen. Elle démontre aussi les connaissances fort avancées en
géophysique des constructeurs, puisqu'ils avaient la notion que le point le plus
élevé était le pôle, et que celui de plus grande altitude était situé à
l'équateur sur des montagnes de médiocre hauteur, mais cependant beaucoup plus
distantes du centre de la terre que les hauts sommets des monts himalayens.
L'intérieur de la pyramide est percé de couloirs exactement
orientés au moment de la construction, et qui ont permis depuis, par leurs
déplacements virtuels, de calculer la précession des équinoxes, ou déplacement
théorique dans le ciel de l'axe de rotation. Ces couloirs aboutissent à une
antichambre précédant la chambre royale. Or la longueur de la première, en
pouces sacrés, multipliée par 3,1416, donne avec une précision absolue la durée
de l'année solaire, 365,243 jours.
La coïncidence est d'autant plus remarquable qu'en fait, à
cette époque, on ignorait le calendrier solaire actuel et que l'on calculait au
moyen de mois et années lunaires.
Mais ce pouce pyramidal présente encore une autre énigme. Il
correspond, en effet, exactement au cent milliardième de la distance parcourue,
quotidiennement, par la terre sur son orbite autour du soleil.
La réalisation de tant et tant de coïncidences, car il en
existe une centaine d'autres, ne saurait être due au seul hasard. Il faut qu'il
y ait eu calculs astronomiques de savants, et ceux-ci ne peuvent les avoir
réalisés par seule intuition ou révélation. Il faut qu'antérieurement il se
soit écoulé des millénaires de lentes élaborations scientifiques aboutissant à
une géniale connaissance.
Car les Égyptiens sont encore à la base de maintes inventions,
dont les hommes actuels et les ingénieurs les plus compétents du monde moderne
ne font que perfectionner les détails. Ces Égyptiens ont créé la roue et même
le roulement à billes, le cadran solaire, le système décimal, le calendrier, la
médecine, l'irrigation, les canaux, les cités ouvrières, le crédit avec le
chèque et la lettre de change — et même les couveuses artificielles. Et, si
l'on passe dans le domaine social et politique, on doit reconnaître que le
socialisme intégral n'est pas sorti tout rédigé du cerveau de l'Allemand Karl
Marx, mais que, cinq mille ans avant lui — et pendant des dizaines de siècles,
— les Égyptiens le pratiquèrent dans la plus extrême rigueur. Chez eux, en
effet, rien n'appartenait à l'individu, qu'il fût simple fellah ou pharaon.
Tout était à l'entité de l'État, et le gouvernement s'exerçait au nom de cette
entité à laquelle on attribuait la figure trinitaire d'Osis, Osiris et Horus,
en lui élevant des temples — servant de ministères administratifs avec des
prêtres fonctionnaires, —et les colossales statues géantes sont les ancêtres
des gigantesques portraits promenés dans les meetings et figurant les chefs des
États marxistes.
Guidés par les hiéroglyphes de la grande pyramide, les
égyptologues du XXe siècle ont même restitué dans le cadre de l'histoire la
traduction de papyrus établissant qu'il y eut même des ... commissions
d'enquête et des épurations, après l'occupation de l'Egypte par les
envahisseurs hittites. La Revue des Deux Mondes en a donné la traduction
quelques mois avant la dernière guerre.
Après cela, c'est bien le cas de dire : rien de nouveau
sous le soleil.
Louis ANDRIEU.
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