Nous voici arrivés au bout de ces causeries traitant
sommairement du mistral.
Disons maintenant quelques mots sur les signes annonciateurs
de ce vent, quand on n'a pas à sa disposition l'arsenal de renseignements des
centres officiels.
Le baromètre seul, nous le savons, n'est pratiquement
d'aucun secours pour cette prévision.
Il y a des tempêtes de mistral avec un baromètre
indifférent. Le mot « indifférent » indique que cet instrument
n'annonce en rien l'arrivée du mistral ni par une baisse, ni par une hausse
anormales. Il y a des ouragans de mistral avec un baromètre normal, et il y en
a avec des baromètres exceptionnellement élevés depuis plusieurs jours.
Cependant on peut être à peu près certain qu'il n'y aura pas
de mistral avec baromètre très bas. C'est une prédiction négative, mais c'est
tout de même de la prévision.
* * *
Les pêcheurs estiment que le baromètre haut et la très nette
vue de la côte dans tous ses détails sont signes de mistral pour les heures
prochaines.
Lorsque, le baromètre restant toujours haut, les Cévennes
paraissent légèrement embrumées, on peut annoncer un petit coup de vent de nord
à nord-ouest pour le lendemain.
Un coucher de soleil rouge est un signe de mistral pour la
nuit ou les premières heures du jour.
Les étoiles très scintillantes donnent une probabilité de
mistral pour le lever du jour.
Si, lorsque règne un petit mistral, il y a des effets de
mirage, c'est signe d'aggravation de temps par renforcement du vent.
Des cirrus échevelés, orientés ouest à est, sont aussi un
bon signe.
De même les cirrus lenticulaires appelés, suivant la région,
« os de seiches » ou « ventres de lapins » annoncent une
possibilité de mistral un jour ou même deux à l'avance (mais il ne s'agit là
que d'une possibilité).
Il y a encore beaucoup d'autres signes avertisseurs de la
venue de ce vent. Ils sont tirés du comportement des oiseaux, des animaux
domestiques ou sauvages ... Ils n'ont guère d'autre utilité que de donner
du travail aux éditeurs d'almanachs, et on retrouve à peu près dans toutes ces
règles le travail initial d'« Aratus », qui écrivait, je crois,
environ trois siècles avant J.-C. et qui avait copié lui-même je ne sais sur
qui.
En plus de tous ces signes, les premiers étant sérieux, les
seconds n'étant qu'une plaisanterie, il existe toute une collection de
proverbes : n'y croyez pas trop. Ils sont surtout jolis et vous ont une
petite apparence de loi du meilleur ton !
Quand, il se lève le lundi
Il dure trois jours ou un.
Quand il se lève le jeudi
I1 dure six jours ou neuf !
Pourquoi ? Rétablissons le texte provençal et nous
allons comprendre :
Quouro se lèvo lou dilun
Dura très jours ou un.
Quouro se lévo lou dijôu
Dura sieis jours ou nôu !
On avait purement sacrifié la vérité à la nécessité de la
rime, et c'est peut-être là une des bases de la loi dite des « 3, 6, 9 » ! ...
Le parlement, le mistral et la Durance,
sont les fléaux de la Provence ! ...
Évidemment, il s'agissait du parlement de Provence, le
parlement actuel ne bornant pas ses « bienfaits » à cette seule
région !
En voici encore un où on a sacrifié à la rime :
S'il se lève le jour, il dure trois jours,
S'il se lève la nuit, il dure le temps de faire cuire un
pain !
Aucune raison, mais en provençal on disait :
Se se levo lou jour, duro très jours
Se se levo la nué, duro un pan cué !
Et voilà encore une vérité !
Il y a encore des dizaines et des dizaines de proverbes sur
ce sujet. Arrêtons-nous là.
J'espère que, à l'avenir, quand votre « poste »
parlera de mistral et de tramontane, vous saurez un peu mieux qu'auparavant de
quoi il s'agit, et c'est là le seul but que je m'étais proposé.
PYX.
(1) Voir Le Chasseur Français de juillet et octobre
1950, janvier et février 1951.
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