Le but poursuivi.
— L'élevage des lapins entrepris sur une petite échelle est
distrayant pour les familles dont les membres disposent de loisirs et où il y a
des enfants auxquels on veut inculquer le goût du travail et procurer des
satisfactions physiques et morales en s'occupant des bêtes et, par
répercussion, des plantes qu'ils iront cueillir à leur intention.
Mais si la conduite d'un petit clapier destiné à améliorer
sans bourse délier les menus familiaux est à la portée de tous les ruraux, et
même de certains citadins, les grand élevages cuniculicoles ne peuvent être
créés ou exploités que par des personnes en possession de connaissances
techniques spéciales et de capitaux assez importants.
Car, pour loger, pour nourrir et pour soigner plusieurs
centaines de lapins, cela demande beaucoup de main-d'œuvre ; il faut
édifier des clapiers assez coûteux et être à même de produire une partie de la
nourriture, à base de fourrages verts et secs, de racines, de tubercules, etc.
D'autre part ; avant tout peuplement ayant un but
lucratif, on devra savoir dans quel sens il faut l'orienter, et on aura tracé
ses directives en conséquence. Si on cherche simplement à produire de la
viande, on choisira une race de bon poids, rustique et précoce, sans cependant
s'encombrer de géants consanguins, généralement tardifs et peu prolifiques. Si
on veut produire conjointement de la viande et des fourrures, recherchées par
la pelleterie, on prendra de préférence des lapins ayant une couleur uniforme,
ou encore des rex naturellement éjarrés, pouvant imiter les peaux de sauvagines
sans maquillage. Il y a aussi l'exploitation des clapiers orientés du côté de
la vente des reproducteurs, qui nécessite la fréquentation des concours. Enfin,
dans le cas où on disposerait d'une main-d'œuvre experte et habile, on pourrait
peupler un clapier d'angoras, dont les soies valent présentement 5.000 francs
le kilogramme, avec une tendance à la hausse.
Choix des races.
— En dehors des petits élevages des familles où on produit seulement
un lapin par semaine, ou par quinzaine, et dont les peaux sont abandonnées aux
ramasseurs pour un prix infime, on devra adopter, dans les élevages
spécialisés, des races dont la dépouille sera payée au plus fort prix par les
pelletiers, pour des livraisons en série.
Parmi les peaux les plus estimées viennent en premier lieu
celles de couleur uniforme, n'exigeant pas de bain de teinture ni autre
maquillage pour le montage des belles fourrures : lapins blancs imitant
l'hermine, notamment blancs de Vendée, de Bouscat, de Vienne, de Hottot, des
Flandres, de l'Oural, de Termonde, Polonais, Russes, etc.
Si on adoptait les noirs, on prendrait des Alaskas, des Sitkas
anglais, ou encore des noirs des Flandres, de Hottot, etc., dont le pelage est
bien fixé.
Les lapins bleus, imitant le renard, sont nombreux. Citons
pour mémoire : les bleus de Vienne, de Beveren, de Saint-Nicolas, de Ham,
de Gouwenar, ainsi que les lapins argentés de Champagne, dont la fourrure
couleur vieil argent se compose d'un sous-poil bleuté et d'un jarre à bout bleu
et noir.
Il y a aussi les lapins imitant les sauvagines dont ils
portent le nom ; les chinchillas, les zibelines, les lynx, les menuvair,
etc., et toute la gamme des rex (castorrex, herminé-rex, fauve-rex, havane-rex,
chinchilla-rex, fouine-rex, etc.).
Avant de se décider pour une race plutôt qu'une autre, on
consultera un maître pelletier en quête d'un lot de belles peaux pouvant être
utilisées au naturel pour le montage des manteaux et des grandes fourrures,
payables à un prix raisonnable.
Dans le cas où on se spécialiserait du côté de la production
des poils à filer, on adopterait une race sélectionnée, produisant une soie
longue et fine, capable de fournir 75 à 100 grammes de poil par épilage, plus
ou moins suivant la taille des sujets. On donnera la préférence à l'angora
blanc, à toison dite « boule de neige », ou encore au Saint-Innocent,
plus petit que le précédent, mais donnant une soie plus fine encore.
Logement et soins.
— Pour qu'un clapier soit d'un bon rapport, quelle que soit
son orientation, on devra réduire le plus possible les frais de main-d'œuvre et
éviter le gaspillage de la nourriture, ce qui serait en outre un facteur
d'insalubrité, les aliments piétinés, souillés par les excréments solides et
liquides étant pour les lapins une cause d'infestation morbide par la
coccidiose, qui fait des coupes sombres dans les portées de lapereaux.
Que les lapinières soient construites en bois, en briques,
en fibrociment ou autrement, elles ne se composeront pas uniquement de cases de
dimensions uniformes. Les plus petites, destinées au logement des femelles
portières et du mâle, ne mesureront pas moins de 80 à 90 décimètres carrés en
surface, tandis que les autres compartiments, destinés à l'élevage en commun
des lapereaux, devront être beaucoup plus spacieux, afin de pouvoir y réunir
une à deux portées de jeunes et même davantage.
Ces lapereaux, rassemblés par 12, 24, 36, s'ils sont à peu
près du même âge, feront assez bon ménage à partir du sevrage jusqu'à ce que
les instincts génésiques commencent à se manifester. A ce moment, jusqu'au
sacrifice, on sépare les sexes, en mettant les mâles ensemble, ainsi que les
femelles. Pour empêcher les brimades des forts contre les faibles, il suffit de
placer le long d'une cloison un refuge en voliges comportant des ouvertures
ogivales.
Pour l'élevage en commun, l'idéal serait de disposer de
locaux désaffectés, de cabanes ou de parcs grillagés contenant un râtelier-chevalet
et une mangeoire permettant l'affourragement à la fourche, comme s'il
s'agissait de moutons. Pour le même objet, on peut également utiliser les
réduits à porcs. Avec ce dispositif, on n'a pas à ouvrir et à fermer un nombre
illimité de cases peu accessibles pour les distributions fragmentaires de
nourriture et les litages, qui exigent un temps infini et occasionneraient des
dépenses, hors de, proportion, dans les clapiers industriels, en raison du coût
élevé de la main-d'œuvre.
C. ARNOULD.
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