Les compagnies d'assurances qui s'appliquent au risque « accident
de chasse » ont recours, dans leurs polices, à des formules variées, dont
certaines présentent une imprécision dangereuse, source de nombreux procès.
Cette observation ne s'applique pas aux seuls accidents de chasse, mais peut
être appliquée aux accidents de toute nature. Nous ne nous occuperons toutefois
ici que des seuls accidents de chasse.
La question qui se pose et a été plusieurs fois soumise aux
tribunaux consiste à déterminer si, étant donné les conditions dans lesquelles
un accident s'est produit, cet accident est ou non couvert par la police. Pour
résoudre cette question, il faut tenir compte à la fois des termes de la police
et des circonstances de fait. Si, par leur précision ou leur généralité, les
termes de la police prévoient un grand nombre de cas, il y aura plus rarement
matière à discussion ; si, au contraire, la formule employée est vague, si
elle ne contient aucune détermination de temps ou de lieu, on se trouvera
souvent en présence d'une difficulté qui devra être soumise aux juridictions
compétentes.
Spécialement, il arrive que la police se restreigne aux
accidents survenant au cours d'une séance de chasse et durant la période
d'ouverture de la chasse, ou au cours d'une battue légalement autorisée, ce qui
exclurait l'application de l'assurance pour les cas où l'accident se produirait
au cours d'une chasse en temps prohibé. Si la police ne contient pas de
restriction à cet égard, on pourra soutenir que la police joue même en temps
prohibé, dès lors qu'il s'agit d'un accident survenu au cours ou à l'occasion
d'une séance de chasse.
Si la police précise qu'elle n'a en vue que les accidents
causés par l'usage d'armes de chasse, elle sera sans application lorsque
l'accident, même survenant à l'occasion ou par le fait d'actes de chasse bien
caractérisés, n'aura pas été causé par l'usage d'une arme de chasse, par
exemple s'il résulte d'une chute, d'un jet de pierre ou du choc d'une branche
d'arbre. Si la police ne limite pas expressément le risque qu'elle entend
couvrir au cas d'accident causé par l'usage d'armes de chasse, la solution sera
différente, et l'assureur pourra être tenu de réparer le préjudice résultant de
blessures causées par une chute ou par le choc d'une pierre ou d'une branche,
dès lors que cet accident se produit pendant la chasse.
La question de savoir s'il y a relation entre l'accident et
la pratique de la chasse peut aussi engendrer des difficultés, et il nous
paraît intéressant de mentionner une décision rendue récemment par la cours
d'appel de Rabat (arrêt du 4 avril 1950, rapporté à la Semaine juridique
du 29 mars 1951, n. 6132) dans les circonstances suivantes.
Alors que les chasseurs, ayant terminé la chasse sur une
parcelle, étaient remontés en voiture pour se transporter dans un autre
secteur, le fusil d'un assuré, déposé chargé le long de l'aile arrière de la
voiture, tomba, et un coup de feu atteignit et blessa l'un des chasseurs.
Condamné en des dommages intérêts envers la victime de cet accident, l'assuré
se retourna contre son assureur, qui déclina toute responsabilité en raison de
ce que l'accident s'était produit en dehors de toute chasse, alors que la
chasse était terminée ou, tout au moins, suspendue. Ce moyen fut accueilli par
le tribunal, et l'assuré fut débouté de sa demande contre son assureur.
La cour d'appel fut alors saisie ; elle annula le
jugement et décida que l'accident, dans les conditions où il s'était produit,
était bien un accident de chasse et entrait dans les prévisions de la police,
laquelle visait expressément les blessures causées involontairement aux tiers
en chassant avec des armes à feu. Cette décision nous paraît devoir être
approuvée ; nous estimons, en effet, que le fait de chasser doit comporter
une acception beaucoup plus étendue lorsqu'il s'agit de l'application d'une
police d'assurance que lorsqu'il s'agit de déterminer s'il y a ou non délit de
chasse. Par exemple si, au moment où l'accident s'est produit dans l'espèce
envisagée, les chasseurs traversaient un territoire où ils n'avaient pas le
droit de chasser, on n'aurait pu les déclarer pour cela coupables de chasse sur
le terrain d'autrui ; et si, au contraire, l'application de la police nous
paraît avoir été admise à bon droit, c'est parce que l'accident, causé par une
arme de chasse, s'était produit au cours d'un déplacement occasionné par la
chasse, bien que les chasseurs ne fussent pas en action de chasse au sens
étroit de ces mots.
PAUL COLIN,
Docteur en droit, Avocat honoraire à la Cour d'appel de Paris.
|