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La pêche du thon aux États-Unis

Mon précédent article sur la pêche au thon m'a valu une très intéressante correspondance avec un lecteur du Chasseur Français, M. Van Ecken, qui est un pêcheur professionnel, du port de San-Diego, en Californie. M. Van Ecken est, d'ailleurs, d'ascendance belgo-française et a l'amabilité de m'adresser de véritables rapports sur les diverses questions que je lui ai posées, fournissant plan et croquis de bateaux, d'engins, de cannes, de viviers, des photographies, et me donnant des précisions sur les différences que j'avais relevées entre les pêches au thon française et américaine. Il m'a même adressé un colis contenant des lignes à thon et des squids, mouches artificielles japonaises pour le thon, dont l'utilisation est encore inconnue en France. J'ai actuellement en main une précieuse documentation, grâce à M. Van Ecken, et je compte bien vérifier cet été, dès que la saison du thon recommencera dans le golfe de Gascogne, si les améliorations indiquées par M. Van Ecken sont susceptibles d'être appliquées en France.

M. Van Ecken me signale tout d'abord que l'un des précurseurs en Californie de la pêche du thon au long cours et qui a fortement contribué à la généraliser est un Français, M. Paul Vèrney, qui habite près de San-Pedro, en Californie. Cette pêche est devenue extrêmement technique, et il existe un organisme scientifique chargé spécialement de l'étude de la pêche au thon : l’« Inter-American Tropical Tuna Commission ».

Trois grands ports thoniers font rentrer aux U. S. A. la plus forte quantité de thon péché dans le monde. San-Diego est le premier port thonier et pêche chaque année 100.000 tonnes de thon à l'appât vivant et à la mouche artificielle dite squid, dont je parlerai plus tard. San-Pedro, qui est le port de pèche de Los Angeles, est le premier port du monde pour le tonnage en poisson débarqué, tonnage qui va de 200 à 250.000 tonnes par an, dont la moitié en sardine et le quart en thon. Enfin, le port de Monterey ne vient qu'au troisième rang.

Les pêcheurs de San-Pedro ne prennent leur thon qu'à la senne tournante. A San-Diego, 250 clippers de 25 à 45 mètres de long et de nombreux bateaux plus petits, pèchent successivement à l'appât vivant et à la mouche artificielle. La plupart des pêcheurs de San-Pedro sont d'origine italienne (surtout sicilienne) et slovène. A San-Diego, les deux tiers des pêcheurs sont d'origine portugaise.

Les quantités de thon débarquées certains jours passent l'imagination ; c'est ainsi que, le 9 mars 1951, le clipper Sealark est arrivé à San-Diego avec 635 tonnes de thon. En 1949, l'abondance de thon fut telle à San-Diego que certains bateaux mirent dix-huit jours pour décharger, les conserveries n'arrivant pas à stocker et à conserver assez vite.

Seuls les petits bateaux de San-Diego ne passent que deux ou trois jours en mer. Les bateaux de moyenne et grande importance, de 200 à 400 tonnes, munis de moteurs Diesel de 400 à 1.500 CV et filant 10 à 14 nœuds, vont chercher le thon à plus de dix jours de marche dans les eaux équatoriales de l'île Clipperton et des îles Galapagos. L'aménagement de ces bateaux n'a rien de comparable avec celui de nos petits thoniers. Un bateau de 300 à 400 tonnes est équipé du radar, comporte de nombreux viviers pour le stockage de la sardine vivante ; beaucoup sont dotés d'un petit avion et même d'un hélicoptère, pour faciliter la recherche des bancs de sardines et de thons, et ont un équipement frigorifique pour permettre la conservation de la pêche. Il arrive que certains de ces bateaux pêchent à la ligne jusqu'à 90 et 100 tonnes de thon par jour, ce qui représente, pour les hommes d'équipage, un très gros effort musculaire. Pour pouvoir prendre plus commodément des bêtes pesant jusqu'à 60 kilos, les pêcheurs sont placés sur un balcon extérieur, près de la surface de l'eau, de façon à avoir le moins de hauteur possible pour faire sauter le thon par-dessus le bastingage.

Nous avons copié, à Saint-Jean-de-Luz, la méthode américaine de pêche à l'appât vivant, mais malheureusement nous n'avons pu encore arriver à stocker la sardine pendant plusieurs jours ; les Américains, eux, arrivent à la conserver pendant dix ou quinze jours et à la nourrir dans leur vivier. C'est un des points principaux sur lesquels devra porter l'effort des pêcheurs français que le problème du stockage de longue durée de l'appâtement ; il est vrai que les diverses sardines américaines ne sont pas du tout de la même espèce que la sardine française, et ceci constitue l'explication majeure. Toutefois, d'autres questions doivent intervenir et exigeront un examen approfondi sur les lieux de pêche ; mais il faut surtout remarquer que l'appât vivant sert surtout à appâter le thon et à le maintenir à côté du bateau. Au contraire des pêcheurs de Saint-Jean-de-Luz, ce n'est que dans les cas les plus défavorables que les pêcheurs américains piquent une sardine à l'hameçon ; ils utilisent plutôt la mouche artificielle dite « squid » accrochée à un bambou de 3 mètres environ, et c'est cette pêche au squid qu'il faudrait essayer d'importer sur nos côtes françaises, car là est le secret des grosses prises ; certains jours où le thon est particulièrement « chaud », il se précipite comme un fou sur le squid promené à quelques centimètres de la surface de l'eau. Les bêtes d'un demi-quintal sont tirées par un seul squid mû par 2 pêcheurs à la fois. Les pêcheurs ne pèchent seuls que lorsque le thon ne dépasse pas 15 à 20 kilos.

LARTIGUE.

Le Chasseur Français N°653 Juillet 1951 Page 410