Les réquisitions de terrains pour les constitutions de
jardins.
— La loi a mis à la disposition des particuliers et des
sociétés de jardins ouvriers une procédure spéciale qui leur permet d'utiliser
des terrains au moins lorsque ceux-ci sont inutilisés. Il s'agit de la
procédure de réquisition prévue par l'article 12 de la loi du 7 mai 1946,
disposant que, lorsque les intéressés n'ont pu se procurer par voie amiable
l'usage d'un terrain inutilisé susceptible d'être cultivé en jardin, ils
pourront demander que soit réquisitionnée à leur profit une surface dudit
terrain proportionnée à leurs besoins.
Procédure à suivre.
— Les demandes de réquisition doivent être adressées au
préfet par l'intermédiaire du maire de la commune où sont situés les terrains.
Une enquête est effectuée par les soins de la direction des Services agricoles,
et, sur le vu du résultat de cette enquête, le préfet prononce éventuellement
la réquisition.
Les modalités de la réquisition, de même que le taux de la redevance
due au propriétaire sont fixés par arrêté préfectoral et toujours sur avis du
directeur des Services agricoles. Le directeur de l'Enregistrement doit
également être consulté.
La loi précise que la redevance doit être calculée en tenant
compte de la perte effective que la dépossession temporaire impose au
prestataire, c'est-à-dire de la privation des revenus que celui-ci retirait de
son terrain au cours de la réquisition.
Mais, s'agissant par définition d'un terrain inutilisé, on
ne voit pas très bien à quoi peut correspondre cette redevance, à moins
peut-être que l'on ne se trouve en face d'un locataire qui, bien que payant ses
loyers, ne cultive pas son jardin.
Durée de la réquisition.
— Les réquisitions sont effectuées pour une durée d'un an.
A défaut d'une demande de reprise présentée par le
propriétaire à l'autorité compétente dans le délai prévu à l'article 5
(c'est-à-dire avant le 1er mai et pour une date obligatoirement
comprise entre le 1er et le 13 novembre suivant), la réquisition
sera, à l'expiration de chaque période annuelle, prorogée aux mêmes conditions
pour une nouvelle période d'un an.
Les prorogations votées en faveur des locations sont
également applicables aux réquisitions.
— En conséquence, les réquisitions en cours sont de plein
droit maintenues jusqu'au 1er novembre 1951, en application de la loi
du 19 août 1950.
Certains terrains ne sont pas susceptibles de réquisitions.
L'article 14 de la loi du 7 mai 1946 en donne la liste :
1° Les terrains attenant à des maisons d'habitation et clos
de haies ou de murs existant à la date de la réquisition ;
2° Les vergers et les jardins d'agrément d'une superficie
inférieure à 1.000 mètres carrés ;
3° Les terrains faisant corps avec des bâtiments ruraux
d'exploitation ;
4° Les terrains pour lesquels le propriétaire a reçu
l'autorisation de construire des locaux d'habitation dont les travaux doivent commencer
dans un délai de six mois.
Certaines personnes morales ou physiques bénéficient d'une
priorité en matière de réquisitions. Les voici dans l'ordre à respecter :
1° Les associations ou sociétés de jardins ouvriers
régulièrement agréées ;
2° Les chefs de famille, en raison du nombre de leurs
enfants ;
3° Les mutilés de guerre.
L'article 16 prévoit qu'aucune construction permanente ou
pouvant servir d'habitation ne pourra être édifiée sur les terrains requis sans
l'agrément du propriétaire. C'est une clause qu'il n'était peut-être pas très
utile d'introduire dans le texte, le droit commun suffisant en l'espèce.
Une indemnité de plus-value peut être due au bénéficiaire
d'une réquisition.
— A l'expiration de cette réquisition, l'occupant peut, en
effet, suivant les termes de l'article 16 susvisé, demander une indemnité de
plus-value qui serait fixée dans les conditions reprises à l'article 7 et que
nous avons examiné à propos des locations.
Des sanctions sont prévues à l’encontre des personnes qui
tenteraient de s'opposer à la réquisition du terrain.
L'article 19 de la loi du 7 mai 1946 prévoit, en effet, que
toute personne qui entravera la procédure de réquisition sera punie d'un
emprisonnement de quinze jours à six mois et d'une amende de 200 à 500 francs,
ou de l'une de ces deux peines seulement.
Les subventions de l'État aux sociétés de jardins
ouvriers.
— Dans son dernier titre, la loi du 7 mai 1946 dispose que
des subventions annuelles pourront être allouées aux groupements de jardins
ouvriers ; elles tiendront compte :
1° Du nombre de jardins nouveaux créés ;
2° Des travaux d'aménagement effectués.
Il s'agit ici du remboursement partiel de dépenses
effectives réalisées pour des travaux d'ailleurs préalablement approuvés sur
devis par les services administratifs compétents. Le détail de l'attribution
des subventions est fixé par arrêté du ministre de l'Agriculture.
Toutes les associations de jardins ne peuvent pas bénéficier
des subventions ; seules profitent des dispositions ci-dessus les
associations ou sociétés dites de jardins ouvriers agréées, c'est-à-dire,
pratiquement, les seuls groupements dont l'activité exclusive est de lotir des
terrains pour en faire des jardins.
Les sociétés dont le but est d'encourager le jardinage
autrement que par des créations de jardins, par exemple par l'édition d'une
revue ou l'organisation de causeries ou d'expositions, ne peuvent pas
bénéficier des subventions.
Armand DUPONT,
Docteur en droit.
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