Le pin sylvestre (Pinus sylvestris L.) est une espèce
dont l'aire très vaste s'étend sur presque toute l'Europe et sur une partie de
l'Asie. En Europe, on rencontre cette essence depuis la Sicile jusqu'au delà du
cercle polaire. Dans les pays nordiques, son importance commerciale est
considérable. Évidemment, sur une aire aussi vaste, diverses races se sont
individualisées. Il est incontestable, par exemple, que les pins sylvestres des
forêts Scandinaves ou baltes ont une physionomie tout à fait particulière. Leur
fût est vertical, rectiligne et cylindrique, leurs branches sont minces, formant
une cime étroite, allongée en épi ; leur écorce à petites écailles est
fine, rouge saumoné depuis la base jusqu'en haut du fût. Sous les dures
conditions climatiques septentrionales, le bois a des accroissements très
réguliers et très fins, et sa duraminisation est très précoce. Si on plante
chez nous des graines de ces pins, en choisissant des provenances pas trop
nordiques, pour que les plants puissent s'habituer aux conditions climatiques
de notre pays, sensiblement différentes de celles de Scandinavie, on constate
que ces caractères de forme et même de qualité se conservent. Il s'agit donc
bien là d'une race distincte. Nous avons aussi, chez nous, en montagne, de
belles races de pin sylvestre, qui se rapprochent assez, par leur forme, des
races nordiques. Mais il importe de bien distinguer dans ces arbres les
caractères qui résultent de l'influence raciale (seuls caractères héréditaires)
et ceux qui résultent des conditions de station : influence par exemple
d'un bon sol ou d'une bonne exposition (caractères non héréditaires).
Dans un précédent article, nous avons donné les caractères
qui permettent d'identifier le pin sylvestre, Nous n'y reviendrons pas.
Nous nous proposons, dans ces colonnes, de donner quelques
indications sur la culture et les utilisations de cette essence.
Une promenade, faite pendant un après-midi de la deuxième
quinzaine de mai, sur le versant ensoleillé d'une colline, nous permet
d'examiner, sur les basses branches des pins, divers caractères intéressants
quant à la reproduction de cette espèce. Les bourgeons terminaux ont commencé à
s'épanouir depuis quelques semaines et les jeunes pousses sont formées. Vers la
base, on aperçoit quelques sacs jaunâtres qui renferment le pollen. A
l'extrémité de la jeune pousse, on peut distinguer de petits cônelets, aux
écailles bien serrées l'une contre l'autre. Ce sont les fleurs femelles de
l'année.
La moindre secousse imprimée au rameau, un souffle de vent,
le vol d'un oiseau ou d'insectes, suffit pour faire échapper des sacs
polliniques un nuage de pollen couleur soufre. La plupart du pollen est perdu
dans ce long voyage aérien ; quelques grains viennent se poser sur les
jeunes cônelets d'un arbre qui, souvent, est situé très loin de celui dont le
pollen est parti. C'est ce qu'on appelle la pollinisation croisée. A un moment
donné, les écailles du cônelet s'entr’ouvrent, laissent pénétrer les grains de
pollen, puis se referment en les emprisonnant jusqu'au printemps suivant.
C'est, en effet, seulement au printemps suivant que le
pollen fécondera les ovules enfin mûrs. Le cônelet a grandi et il a donné
naissance à un cône qu'on peut apercevoir à l'extrémité du rameau de l'année
précédente, quelques dizaines de centimètres plus bas que les cônelets de
l'année. Sa couleur est jaune brun terne. Les écailles sont serrées l'une
contre l'autre. Pendant tout l'été et l'automne qui suivront, l'ovule fécondé va
se transformer en graine.
Aux premiers rayons de soleil un peu chauds qui marquent la
fin de l'hiver, les écailles commencent à s'ouvrir, les graines s'échappent et
leurs ailes les emportent au loin. A la fin du printemps, les cônes sont à peu
près vides, mais ils restent attachés sur les rameaux. On les aperçoit encore,
assez longtemps, sur les branches ; leur couleur est brun grisâtre et les
écailles sont écartées. Ces cônes sont vides.
Il y a donc, sur un même rameau, au cours du printemps,
trois sortes de cônes : les uns non encore fécondés, les autres non encore
mûrs, les troisièmes déjà vides.
Il faut récolter les cônes de pin sylvestre au cours des
exploitations hivernales, en faisant attention de ne prendre que les cônes bien
mûrs et encore pleins, c'est-à-dire ceux qui sont situés au voisinage du
premier verticille des branches, à partir du bourgeon terminal.
Le choix de l'arbre sur lequel on récolte les cônes a une
grosse importance. Il faut cesser de récolter des cônes sur des arbres bas
branchus et difformes, comme on l'a fait pendant de nombreuses années, parce
qu'il était facile d'y grimper ou parce que leur fructification était
abondante. Ne récolter des cônes que sur des arbres de belle forme situés au
milieu de beaux peuplements, en vue d'éviter, autant que possible, l'influence
de la pollinisation croisée.
Les Scandinaves apportent un soin extrême à cette question
du choix des arbres sur lesquels ils récoltent les cônes.
En parcourant leurs immenses forêts (rien qu'en Suède la
surface occupée par le seul pin sylvestre est plus grande que la surface totale
des forêts françaises), les Suédois recherchent les peuplements les plus beaux
et les plus réguliers et les repèrent sur les cartes comme réserves vivantes de
graines. En outre, au milieu de ces beaux peuplements, ils distinguent des
arbres remarquables par leur forme, leurs dimensions (ces arbres ont souvent, à
âge égal, quelques mètres de hauteur de plus que leurs voisins), leur capacité
de croissance (à âge égal, leur diamètre est quelquefois double de celui des
voisins). Ces tiges d'élite sont cataloguées sur un livre spécial
(analogue à un herd-book) et leur descendance est spécialement étudiée.
Par multiplication végétative (en particulier par greffe),
les Suédois ont créé des vergers à graines, issus de ces tiges d'élite. Ces
vergers à graines, analogues à des vergers d'arbres fruitiers et cultivés et
soignés comme ceux-ci, sont destinés à produire dans l'avenir les graines dont
les Suédois ont besoin pour leurs énormes travaux de repeuplement.
De tels vergers sont aussi en cours de création chez nous,
et grâce à cela la production de graines forestières gagnera à la fois en
qualité et en quantité.
Actuellement, il faut se contenter de récolter des graines
sur les peuplements les plus beaux, et autant que possible au milieu des
massifs, pour éviter les inconvénients dus aux apports de pollen venant d'un
peuplement voisin médiocre.
Il existe chez nous de beaux peuplements de pin sylvestre,
en montagne (par exemple dans les Vosges, en particulier sur le versant
alsacien, dans le Massif Central, Velay et Forez, dans les Alpes du
Briançonnais, etc.).
Nous rappelons qu'un hectolitre de cônes donne en moyenne 0kg,500
de graines (soit 120.000 graines environ). Les cônes ne s'ouvrent que sous
l'influence de la chaleur sèche. Les graines se conservent bien, mais les
rongeurs les apprécient. Les semis sont assez faciles à réussir. D'excellents
livres existent sur ce sujet. Il est préférable de planter, en forêt, des
plants ayant deux ans de repiquage, au maximum.
Le choix du sol a une certaine importance. Les plantations
de pin réussissent à peu près n'importe où, mais, sur les sols calcaires, le
pin sylvestre a une croissance misérable, il est chlorotique et souffre de
nombreux parasites. Le pin sylvestre préfère les sols légers, non calcaires. Il
s'accommode de sols pauvres, mais sa croissance est évidemment bien plus forte
sur les sols fertiles.
Quels produits donne le pin sylvestre ?
Dès l'âge de vingt ou vingt-cinq ans, les éclaircies
pratiquées dans les peuplements pour augmenter le diamètre moyen des tiges
donnent des bois pour la cartonnerie (pâte brune), la cellulose (pâte à la
soude), le défibrage et même des bois de mine. Le bois de pin sylvestre est
aussi un bon bois de boulange.
Dans les peuplements plus âgés, les éclaircies donnent
d'excellents bois de mine (bois de voie, longueur 1m,60 à 5 m. et circonférence
au milieu 35 à 64 cm.), des perches d'industrie et des poteaux de ligne
(longueur 6m,50 à 15 m., diamètre à 1 m. de la base 15 à 27 cm., sous écorce)
et des grumes à petite charpente (par exemple la charpente flacheuse, façon
charpente lorraine).
Ensuite, quand les arbres sont plus gros, les billes de pied
commencent à donner un peu de bois de menuiserie (menuiseries intérieures,
lambris) ; les surbilles donnent de la charpente, de la caisserie et du
coffrage.
Enfin, les peuplements de race noble, à maturité, donnent
des billes de pied qualité placages (placages déroulés), des bois à moulures,
de beaux lambris.
De tels bois ne peuvent être obtenus évidemment qu'avec des
pins de belles races et dans des stations où les pins sont assez longétifs pour
atteindre une grosse dimension.
Comment faut-il conduire les éclaircies pour obtenir ces
produits de choix et pour amener le sol dans un état de réceptivité lui
permettant de donner naissance à une régénération naturelle ?
Vu l'importance de ce problème, nous nous proposons de lui
consacrer un prochain article.
Le FORESTIER.
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