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Causerie vétérinaire

Élevage des chiens

Cette question nous est fréquemment posée par des propriétaires de chiens de race, notamment de setters anglais ou de bergers allemands. Vu son importance, nous y consacrerons la présente causerie.

Élevage naturel.

— Dans une portée de chienne, le nombre des petits est très variable. On en voit quelquefois douze à quatorze dans les grandes races ; mais, chez les primipares et aussi chez les chiennes âgées, il ne dépasse généralement pas quatre ou cinq. Si l'on veut avoir de beaux produits sans trop fatiguer la mère, il ne faut lui laisser qu'un nombre limité de petits, trois ou quatre dans les cas ordinaires, cinq ou six quand les chiennes sont en excellent état et bonnes laitières. On peut, à la rigueur, laisser davantage de chiots, mais alors on devra donner à la lice une alimentation riche en viande et lait, afin de lui permettre de réparer les pertes dues à une lactation intensive.

Paul Mégnin relate le cas de sa chienne terre-neuve qui allaita parfaitement et sans inconvénient pour sa santé ses douze petits, mais « elle ne recevait pas moins de 1kg,500 de viande par jour et 2 litres de lait, sans compter les suppléments ». Au prix actuel de la viande, même de celle de cheval, la dépense qui résulterait de ce régime serait assez élevée.

En principe, si la mère est en bon état de santé, elle est normalement en mesure d'élever toute sa portée. Cependant, lorsqu'elle a mis bas cinq à sept chiots, et à plus forte raison davantage, il convient d'éliminer les chiots ne présentant pas toutes les garanties de bonne venue et de ne laisser à la mère que trois ou quatre petits. D'aucuns diront que, parmi les supprimés, se trouverait peut-être le meilleur chien de la portée : c'est possible.

Dans les premiers jours, aucun soin n'est à donner aux chiots ; la mère s'en acquitte mieux que quiconque ; cependant, si un petit est faible, placez-le aux dernières mamelles, les plus faciles à prendre et celles qui contiennent le plus de lait. Si l'un d'eux crie, examinez-le spécialement ; il existe certainement une cause à ces cris, vers intestinaux par exemple. Lorsque toute la portée crie, c'est en général que la mère n'a pas assez de lait ; envisagez alors de donner aux petits une chienne nourrice, ou pratiquez l'allaitement artificiel.

Dès que les chiots commencent à laper le lait, c'est-à-dire du douzième au quinzième jour, donnez leur du lait de vache, non bouilli si vous en connaissez la provenance, ou de préférence du lait de chèvre, celle-ci n'étant que très exceptionnellement tuberculeuse. Si la digestion n'est pas parfaite, adjoignez à leur boisson une pincée de bicarbonate de soude. A la quatrième semaine, donnez-leur du lait additionné de temps à autre d'eau dans laquelle vous faites bouillir une ou deux gousses d'ail, et ceci contre les vers. D'ailleurs, à partir d'un mois à six semaines, donnez aux chiots un vermifuge, car presque tous ont des ascaris qui peuvent déterminer des accidents graves ; employez de préférence la santonine à la dose prescrite par le vétérinaire, en principe de 2 à 3 centigrammes pour un chiot d'un mois et demi, donnés le matin à jeun dans quelques cuillerées de lait tiède. Vous faciliterez l'expulsion des vers en donnant, deux heures après, dans du lait tiède, de 30 à 40 grammes de manne. Enfin les chiots seront sevrés entre six et sept semaines.

M. D ..., de Lyon, nous pose la question suivante : « Doit-on donner de la viande aux jeunes chiens ? Certains prétendent que cela leur donne la maladie. Ou doit-on les élever uniquement à la soupe ? » Nous croyons devoir combattre ce préjugé assez répandu, qu'en donnant de la viande aux jeunes chiens on provoque la maladie. On semble ignorer que le chien est avant tout un carnivore et que, s'il est devenu omnivore, c'est par suite de la domestication et de son contact permanent avec son maître. La viande contient des vitamines dont l'organisme du jeune chien ne pourrait être privé sans inconvénient. Voyez les chiens des bouchers, tripiers, etc., qui ne mangent que des déchets de viande, comme ils se portent bien ! Aussi doit-on donner au jeune chien, au repas de midi, environ de 50 à 100 grammes de viande maigre crue hachée grossièrement (pas de gras), viande de cheval de préférence. Donc donnez de la viande maigre crue hachée aux jeunes dès le sevrage : 15 grammes à 20 grammes pour commencer. La viande ne donne pas la maladie, elle donne au contraire au chiot la force d'y résister, si par hasard il en est atteint. La quantité de viande à donner varie avec le poids du sujet : 40 grammes par kilo de poids vif suffisent pour un chien ne se livrant à aucun travail, chasse, garde de bestiaux, etc.

Dans tous les cas, les jeunes chiens doivent manger très régulièrement, trois à quatre fois par jour, toutes les trois heures. Le poids de la ration journalière d'un jeune doit être le douzième ou le quatorzième de son poids vif. Celui de la ration de l'adulte du huitième au vingtième de son poids.

Outre la viande, il convient de donner aux jeunes chiens des fortifiants, tels que phosphates de chaux en poudre mélangé dans la pâtée et huile de foie de morue.

Cette huile est excellente, mais il est difficile, sauf exceptions, de la faire accepter couramment. Il faut la mélanger au lait tiède, ou, en augmentant la dose progressivement, la verser sur de petits morceaux de viande crue : une cuillerée à café ou à dessert, selon le développement des petits. Par ses vitamines de croissance, cette huile apporte à l'organisme du jeune chien les éléments nécessaires à la constitution de sa charpente osseuse et, de ce tait, prévient le rachitisme. En résumé, dans l'allaitement naturel, à partir de quatre mois, le jeune chien doit être mis au régime des adultes.

Allaitement artificiel.

— En l'absence de la mère ou d'une nourrice, les chiots peuvent être élevés au biberon. On leur donne au minimum quatre ou cinq tétées dans la journée, on utilise du lait de vache bouilli, donné tiède et coupé d'un quart ou d'un cinquième d'eau, sucrée disent les uns, pure affirment les autres. Nous sommes plutôt de ce dernier avis, puisque le lait de chienne ne contient que 30p. 1.000 de sucre, alors que celui de vache en renferme déjà 50p. 1.000.

Le biberon doit être désinfecté matin et soir par immersion dans l'eau bouillante. Si, au cours de l'allaitement artificiel, la diarrhée survenait, le lait serait additionné d'un quart d'eau de riz. Le lait de vache et celui de chèvre peuvent être employés indifféremment. Mais, étant donné le prix actuel du lait entier, on peut recourir au lait écrémé ou au petit-lait après prélèvement de la caséine pour la fabrication du fromage. Or il est possible de rendre à ces sous-produits du lait les substances protéiques qu'on leur a enlevées : on a recours à la gélatine, cette substance collagène du groupe des albumines qu'on extrait des os. Des travaux exécutés récemment en Amérique, il résulte que la gélatine est très rapidement digérée dans l'estomac du chien et qu'elle exerce, une fois absorbée, une action particulière sur les albumines du sang dont elle augmente nettement la viscosité et la coagulation.

L'addition de 1 p. 100 de gélatine à un quart de litre de lait mélangé d'un œuf cru rendrait de réels services dans l'allaitement artificiel des chiots. Outre que le lait utilisé serait plus digestible, comme le lait de vache ne contient que 32 en moyenne de matières azotées par litre, alors que celui de chienne en contient 177, on comprend facilement que le premier, qui est déficient pour le jeune chien, le serait moins additionné de gélatine.

MOREL,

Médecin vétérinaire.

Le Chasseur Français N°654 Août 1951 Page 468