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Yachts et yachting

Le snipe

Le Snipe est un monotype d'origine américaine dessiné par l'architecte Crosby. Le premier vint en France en 1936, importé par un plaisancier de l'Ouest qui voulait un solide monotype de mer pour la côte bretonne. Le succès rencontré en Amérique par cette série promettait de réelles qualités. Les yachtmen bretons ne furent pas déçus, mais le développement des Snipes fut stoppé par la guerre. Ce n'est qu'après la Libération qu'on en retrouve en construction dans les chantiers de l'Ouest, 5 en 1946, 150 en 1948. En 1949, 375 unités étaient recensées, et la série progresse à raison d'une centaine d'unités par an. La France vient actuellement au deuxième rang en Europe après l'Espagne et immédiatement avant l'Italie. Le Snipe est reconnu par la F. F. Y. V. (1), et il y a une association française des Snipes qui groupe une trentaine de flottes pour la métropole et l'Union française. Sur le plan mondial, la S. C. I. R. A. (Snipe Classe International Racing Association) est la plus importante série de yachting a voile. Elle compte plus de 12.000 bateaux immatriculés dans plus de 300 flottes réparties dans la plupart des pays du globe. L'association surveille l'application des règles de jauge et coordonne l'activité des flottes. Elle est dirigée par un conseil de gouverneurs et un comité international des règlements. En outre, pour donner une plus grande cohésion au mouvement européen des Snipes, un secrétariat pour l'Europe a été créé en 1947.

Ces précisions donnent une idée de l'importance de cette série et du sérieux de son organisation, qui impose des règles de construction et de jauge très strictes et garantissent une similitude parfaite de toutes les unités. L'amateur trouvera les règlements très détaillés dans une brochure éditée par l'association : Règlement et formulaire de jauge des Snipes.

Voici les caractéristiques essentielles de ce monotype : longueur, 4m,72 ; largeur, 1m,52 ; T. E. : 0m,92 x 0m,15 ; déplacement : 205 kilos ; surface vélique : 9m2,80 ; gréement de sloop bermudien. Le Snipe porte comme insigne une bécassine noire (Snipe veut dire bécassine en anglais) en vol au-dessus du n° d'immatriculation en chiffres noirs.

L'étonnant succès de cette série tient d'abord aux qualités marines de ce véritable monotype. Il a l'avantage d'être un bateau international, et il est parmi les monotypes à dérive ce qu'est le Star parmi les monotypes à quille. Sa construction est très simple, donc économique, et très robuste. Il ne lui faut que cinq couples, et tous les bois qui le composent ont 19 millimètres d'épaisseur, sauf le pont et le mât. La bôme même entre dans cette dimension. Sa grande largeur lui assure une bonne stabilité de forme, et sa tenue à la mer est remarquable. En cas de chavirement, il ne coule pas. Sa rapidité est satisfaisante et il donne, par brise fraîche, 4,5 nœuds en moyenne. Son cockpit est large et dégagé, et sa grande maniabilité le rend très agréable et très facile à barrer. Pour sa taille et son poids, on ne peut lui demander l'impossible, mais, dans des eaux au clapotis assez dur, il se comporte fort bien, et pour être obligé de rentrer de la toile il faut qu'il vente assez frais. Il possède un bon équilibre longitudinal, se soulage aisément à la lame et donne une bonne marge de sécurité. Notons enfin un avantage appréciable pour le propriétaire. Étant un véritable monotype, le Snipe ne risque pas de se déprécier par un changement de règlement ou la naissance d'un jeune frère ... amélioré, comme c'est le cas pour certaines séries à restrictions. Excellent pour le yachting, certes, cette recherche du bateau optimum, mais ruineux à la revente pour le plaisancier, surtout si ce dernier est amateur de régate.

On voit que le Snipe se rapproche de son dangereux concurrent, le Caneton, de taille à peu près identique, mais plus léger, un peu plus voilé et plus rapide, bien que moins marin. Gardons-nous de partager l'ostracisme de certains fanatiques de ces séries, et concluons en constatant que le Snipe convient mieux que le Caneton là où les eaux sont insuffisamment abritées et où les conditions de navigation exigent des qualités essentiellement marines.

A. PIERRE.

(1) Fédération française de yachting à voile.

Le Chasseur Français N°654 Août 1951 Page 478