Le châtaignier, arbre précieux à bien des titres et qui,
notamment, a joué dans l'alimentation des habitants de certaines régions, dans
les siècles passés, un rôle de premier plan, semble bien méconnu à l'époque
actuelle.
Et cependant, à une période critique de notre histoire et
alors que le blé manquait totalement et que la pomme de terre n'était pas
introduite, la châtaigne a sauvé de la famine menaçante bien des montagnards.
La châtaigne est, en effet, un fruit riche en sucre et en
substances hydrocarbonées, qu'on ne peut cependant manger avec profit que cuit.
Elle est surtout intéressante à consommer à l'époque des grands froids ; grillée,
elle donne, par 100 grammes de pulpe, de 225 à 230 calories. C'est donc un
aliment très nutritif en même temps que très sain ! ...
En Limousin, la châtaigne blanchie, cuite à la vapeur,
consommée en nature ou mélangée au lait, a été longtemps le plat de résistance
du cultivateur au repas de midi.
En Corse, de même qu'en Italie, on fait couramment des
bouillies et des galettes avec de la farine de châtaigne mélangée à celle de
maïs.
Grillée, la châtaigne sert à préparer des marrons glacés.
Après cuisson et épluchage, elle peut servir à bourrer une volaille rôtie et
constitue encore un mets délicieux.
Le châtaignier est, en forêt, l'un de nos meilleurs arbres
de futaie et de taillis. Dans les sols qui lui plaisent, il peut border des
routes ou de larges avenues. Il pousse vite, vit longtemps, repousse sur souche
avec une grande vigueur et s'adapte parfaitement aux terrains de montagne
ingrats et accidentés, réputés impropres à toute autre culture.
Les utilisations de son bois sont nombreuses et variées :
le charron, le charpentier, le menuisier, le carrossier en emploient le bois
d'œuvre ; le tonnelier en tire des merrains et des cercles ; le
viticulteur, des échalas ; le treillageur, des lattes, etc., etc.
Au point de vue fruitier, c'est incontestablement l'arbre le
plus méritant pour mettre en valeur les terrains pauvres. Si le sol est poreux
et frais, il se contente d'un peu de terre siliceuse ou humifère, mais il
redoute par-dessus tout le calcaire. De son origine méridionale, il a gardé une
certaine sensibilité au froid et il lui faut, pour mûrir convenablement ses fruits,
en plus d'une certaine humidité, une chaleur douce et prolongée.
Notons encore que le châtaignier, en plus de ses fruits,
fournit la presque totalité des extraits tannants nécessaires à l'industrie du
cuir, ainsi qu'une pâte à papier de première qualité.
Multiplication.
— Quelques variétés se reproduisent assez bien de semis.
Mais la greffe est un procédé beaucoup plus certain. Elle se fait sur des
sujets obtenus par semis, généralement en tête, parfois en écusson, mais plus
souvent en fente ou en flûte.
Culture.
— Le châtaignier est exclusivement cultivé en haute tige. Il
peut atteindre un développement considérable. Aussi, lorsque la plantation en
est faite en massif, faut-il mettre quinze à vingt mètres entre les arbres.
Mais, le plus souvent, on plante ceux-ci en bordure ou en avenue.
Variétés.
— Chaque région a ses variétés, ses trop nombreuses variétés
parmi lesquelles il serait urgent de faire une sélection pour ne plus planter
que les meilleures. Les plus appréciées sont les marrons ; ce sont
des fruits plus sucrés et aussi plus farineux que les châtaignes. La
différence réside dans le fait que le fruit comporte plusieurs amandes séparées
par des cloisons dans les châtaignes, tandis qu'il n'en comporte qu'une dans
les marrons.
a. Marrons.
— On apprécie surtout, en Limousin, le marron doré de
Lyon ; dans le Poitou et en Bretagne, le Nouzillard et le marron
de Redon ; dans le Rouergue, le marron de Laguépie ; en
Corse, le gros marron de Luc et le marron Gentile, etc., etc.
b. Châtaignes.
— Ce sont, en général, des fruits plus ordinaires, mais il
en existe de très bonnes. Les arbres sont plus vigoureux, moins délicats et
produisent davantage que les marronniers.
En bas Limousin, on apprécie surtout la bourrue, la grosse
noire, la grosse verte, la corrive ; puis, aux environs
de Limoges, la grosse rouge, la rousse, la paingaude, l’étiveaude,
etc. ; dans la Creuse, la patouillette, la noire de Bonnat ;
dans l'Ardèche, la combale, dans l'Isère, la gorlue, etc.
Maladies.
— La plus redoutable est la maladie de l'encre, due à un
champignon microscopique, le Phytophtora cambivora. Cette maladie, qui
nous vient des Açores parait-il, a d'abord ravagé les châtaigneraies du Pays
basque, puis a gagné le Limousin vers 1890. Les arbres qui en sont atteints
commencent à décliner par le sommet et meurent en quelques années. Le parasite
se propage par le sol, étendant rapidement ses dégâts à la façon d'une tache
d'huile.
On ne connaît aucun remède efficace contre la maladie de
l'encre. On a toutefois remarqué que des arbres isolés, convenablement
alimentés, résistaient. On en a conclu qu'une fumure rationnelle et quelques
soins de culture pouvaient, en donnant de la vigueur aux arbres, non peut-être
les immuniser complètement, du moins prolonger beaucoup leur existence.
La substitution à notre châtaignier, d'une espèce asiatique,
le châtaignier du Japon, a donné de bons résultats dans plusieurs régions, en
particulier dans le Pays basque. Malheureusement, cette espèce, dont le type Tamba
est le meilleur, est à débourrement précoce et redoute beaucoup les gelées
tardives, les vents froids et humides. Elle demande une terre riche et un
emplacement chaud et abrité. De nombreux emplacements où se trouvaient
autrefois de superbes châtaigneraies ne remplissent malheureusement pas ces
conditions.
De l'avis de nombreuses personnalités, dont la compétence en
la matière n'est pas discutable, la châtaigneraie française représente une
valeur considérable. Tous les moyens doivent être mis en œuvre pour essayer de
la maintenir.
Dans une prochaine causerie, nous donnerons à nos lecteurs
quelques indications utiles concernant la récolte et la conservation des
châtaignes.
E. DELPLACE.
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