Parmi les problèmes qui découlent de l'emploi de la
moissonneuse-batteuse, figure celui de la paille restant dans le champ. Peu
nombreuses, en effet, sont les machines qui sont pourvues d'un appareil lieur
laissant, à côté du grain en sacs ou du grain enlevé en vrac, des bottes de
paille que l'on peut rentrer immédiatement à la ferme. Le champ présente donc
des chaumes plus ou moins longs suivant la hauteur de la coupe, et de la paille
battue éparpillée sur le terrain.
La première idée est de ramasser ces pailles dans l'état où
elles se trouvent et de les ramener à la ferme ; ces préoccupations sont
celles des agriculteurs ayant du bétail à entretenir et qui se munissent ainsi
de paille pour la litière. On attend la fin de la moisson et les travaux se
prolongent jusqu'à débarras complet du champ. Les presses pick-up donnent ainsi
des ballots de paille de 20 à 35 kilos en moyenne, assez faciles à manier où
que des chariots appropriés transportent aisément. Rien n'est ainsi changé à
l'emmagasinage des pailles ; plus tard, décomposées après avoir reçu les
excréments du bétail, les pailles fourniront un excellent fumier. Rien
n'empêcherait d'ailleurs, en vue de maintenir le taux d'humus dans le sol, de
procéder à la préparation de fumier artificiel ; pas de bétail à
entretenir, maintien d'une production caractérisée par la vente des produits végétaux.
On reproche à cette méthode le prix élevé des frais de
ramassage : appareil coûteux, moyen de liage (ficelle ou fil de fer)
représentant une forte dépense, maniement des ballots, etc. Et l'on cherche une
autre solution. La plus simple, qui ne demande que l'emploi d'allumettes ou de
briquets, consiste à mettre le feu à la paille, en observant les précautions
nécessaires vers les bordures. Il n'y a plus qu'à incorporer les cendres,
procédé très expéditif, mais qui soulève de vives critiques. On se prive ainsi
de matière organique : un hectare de paille représente de trois à six
tonnes ; transformée en fumier, cela équivaut à neuf à dix-huit tonnes
d'engrais ou d'amendement organique de haute valeur.
Ceux qui se débarrassent de tout souci trouvent une excuse
dans le rappel de pratiques anciennes recommandées pour la lutte contre le
piétin, contre certains insectes ; ainsi récemment, à propos des ravages
d'un coléoptère nuisible, l'aiguillonnier, on a rappelé les recommandations
vieilles de plus d'un demi-siècle pour enrayer les ravages causés.
L'attention avec laquelle on s'occupe maintenant de la
conservation de la matière organique dans le sol est à l'origine d'une autre
solution de conciliation dans l'économie de travail, avec l'absence de soucis
nouveaux qui résulteraient de la remise en marche d'une exploitation animale ;
il s'agit tout simplement d'incorporer au sol les pailles restant après le moissonnage
battage.
Une première objection a été soulevée : l'expérience a
montré que fréquemment, après l'enfouissement de pailles ou de menues pailles
n'étant pas passées en litière, on observe une dépression dans la végétation ;
ainsi note-t-on, suivant les circonstances, des différences de végétation après
paille enfouie.
Demolon et Burgevin, à la suite d'essais entrepris à
Versailles, enregistrent au début de la période qui suit l'enfouissement une
action dépressive ; la consommation d'azote au dépens des réserves azotées
assimilables provoque une chute de végétation, qu'on peut d'ailleurs compenser
par un apport d'azote minéral, soit 20 kilos d'azote par hectare, soit 100
kilos de sulfate d'ammoniaque, que l'on épand avant l'enfouissement.
On remarque ensuite qu'après la période dépressive la
végétation redevient normale et, finalement, il reste un résidu plus important
d'humus qui vient accroître les réserves humiques du sol.
Par conséquent, en attendant que des études nouvelles
viennent confirmer cette manière de voir, il semble que l'on puisse s'arrêter
aux conclusions suivantes. L'enfouissement des pailles est recommandable en vue
de la constitution des réserves d'humus des sols ; ainsi sont satisfaits
les agriculteurs qui seraient inquiets au point de vue de la conservation des
sols. Si, peu de temps après l'enfouissement des pailles, doit venir une autre
récolte, à l'automne, il est recommandable de réaliser l'apport de 20 kilos
d'azote par hectare ; au contraire, s'il s'agit de culture de printemps,
alors que la décomposition des pailles a eu plusieurs mois pour s'effectuer, on
peut accepter la dépression qui, d'ailleurs, ne se traduit pas par les faits
puisque le sol n'est pas couvert ; en admettant qu'il y ait eu consommation
d'azote, elle a lieu aux dépens des réserves et se retrouve dans la végétation
spontanée. On applique normalement les engrais azotés pour la culture de
printemps, et les choses sont en ordre.
Il convient d'ajouter que tous ces phénomènes ne se
déroulent pas de la même façon dans tous les sols et suivant les conditions de
l'année ; l'humidité est favorable à la décomposition des pailles,
quoiqu'il faille songer à une dénitrification qui résulterait d'un milieu par
trop humide et privé d'air ; en sol sec, en année sèche, il en sera
autrement, mais on a déjà observé couramment que les fumiers normaux subissent
le même sort, provoquant même des résultats très différents dans la végétation
pour la céréale qui suit la plante sarclée ayant reçu le fumier ; exemple
l'année 1950.
La conscience du cultivateur étant en paix sur le plan de
l'agronomie, que pense le travailleur du sol ? La question se complique,
une grande paille offrira des difficultés ; il s'agit de tiges battues et
non de chaumes longs. Alors on imagine des moyens divers : tronçonnage de la
paille par une reprise des chaumes longs, passage de la paille coupée et
ramassée dans un appareil à broyer et même à épandre, par le moyen d'une
soufflerie ; à ce moment, l'enfouissement est un jeu. Attaque au
pulvériseur à disques, à la charrue à disques, au crover-crop, recommandation
de disques de grand diamètre, crénelés, vitesse de marche accrue. On ne tient
pas encore de solution impeccable et universelle ; et puis il y a des
limites aux investissements du matériel agricole. Ainsi peut-on envisager l'emploi
de la moissonneuse-batteuse et la libération des pailles.
L. BRÉTIGNIÈRE,
Ingénieur agricole.
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