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Le greffage au vignoble

Nous avons vu, dans notre précédent exposé (1), l'importance que peut avoir, dans le greffage de la vigne, l'affinité vis-à-vis l'un de l'autre de deux sarments provenant de plants d'origine différente et qu'une bonne affinité se constatait par l'importance et la continuité du bourrelet de soudure formé par le tissu cicatriciel.

Si l'on ajoute à ceci l'adaptation que doit avoir le porte-greffe vis-à-vis des sols calcaires, on pourra conclure que, quelquefois, le choix du porte-greffe pour un greffon déterminé n'est pas une chose aussi aisée que l'on peut le penser, et qu'en cas de doute l'intéressé fera bien de s'adresser à son pépiniériste, en lui envoyant la teneur de son sol et de son sous-sol en calcaire.

Ce dernier point est d'autant plus important que les vignes greffées sont plus sensibles à la chlorose que les vignes européennes non greffées.

Comme nous l'avons écrit, les sarments devant constituer le porte-greffe et le greffon devront être aoûtés sains, de même grosseur (au moment du greffage, il sera prudent de se servir d'une jauge).

Si ces boutures ne doivent pas être employées tout de suite, elles seront réunies en fagots et disposées dans un coffrage rempli de sable humide sans excès.

Au moment de l'emploi, ces fagots seront retirés, lavés à grande eau et séchés.

Les porte-greffes seront ébourgeonnés.

L'époque du greffage varie avec les régions. Dans un vignoble du Centre de la France, à appellation contrôlée, nous l'avons vu exécuté au mois d'août.

Tous les praticiens savent que l'on procède à deux modes de greffage différents selon que le porte-greffe est ou non mis en place.

Dans le premier cas, le porte-greffe est en place depuis un certain temps et bien raciné. On dégage la partie enterrée, on pratique une coupe franche au ras du sol et on pratique la greffe en fente simple ou double, si la grosseur du porte-greffe le permet ; on pourra pratiquer les variantes de l'opération : à épaulement, à cheval, de Cadillac, de Gaillard, enfin en écusson.

Comme ligature, on emploiera, selon la nature de la greffe, le raphia ou le mastic.

La greffe sera de nouveau enterrée.

Dans le second cas, on greffe sur table en pratiquant la greffe en fente anglaise ou ses dérivés avec des bois coupés à 25 ou 30 centimètres de longueur, le porte-greffe étant toujours ébourgeonné.

Les greffeurs savent que, pour réussir leur opération et pour qu'il y ait soudure, il est indispensable que le cambium du porte-greffe et du greffon soient en contact.

Expliquons-nous. Lorsque l'on coupe un sarment aoûté, on constate au centre la présence d'un petit cercle grisâtre : c'est la moelle. Autour de celle-ci on trouve le bois, constitué par une grande quantité de tubes extrêmement petits et appelés vaisseaux ; ce sont ces derniers qui ont pour mission de transporter aux feuilles la sève brute provenant des racines. Autour du bois, on distingue un cercle très mince constitué par des couches de cellules génératrices : celles situées à l'intérieur assurent le développement du bois, et celles situées à l'extérieur forment d'autres tubes dont l'ensemble constitue le liber, ces tubes ou vaisseaux d'une forme un peu spéciale assurent le transport de la sève élaborée par les feuilles.

Cette formation cellulaire s'appelle couche génératrice libéro-ligneuse, ou cambium. Ce qualificatif définit bien son rôle, qui est d'une très grande importance, car c'est elle qui assure la croissance de tous les végétaux ligneux.

Il est donc indispensable que les couches génératrices du porte-greffe et du greffon soient en contact sur la plus grande surface possible, et ce pour toutes les espèces végétales justiciables du greffage ; aussi on a l'habitude d'incliner très légèrement le greffon, de façon que les deux couches arrivent en contact au moins en un point.

On peut réaliser facilement sur le papier l'importance de ce croisement plus ou moins grand en traçant, à l'aide d'une règle et d'un crayon, deux lignes droites se coupant à un angle aussi aigu que possible.

La perfection serait assurée par un contact sur toute la longueur des couches génératrices, mais, en pratique, cette réalisation est presque impossible.

La ligature des greffes se fait à l'aide du raphia ; ce procédé assure une réussite de 50 p. 100.

Un second procédé de ligature est celui du bouchon. Ce dernier, de forme cylindrique, est coupé par moitié suivant son axe. Les deux moitiés sont placées de part et d'autre de la greffe ; leur serrage est assuré par une pince spéciale. Ce serrage permet la ligature des deux demi-bouchons avec des bouts de fil de fer galvanisés livrés de longueur ; on retire la pince, la ligature est faite.

Ce second procédé assure une réussite moyenne de 75 p. 100.

Enfin, un troisième procédé s'adresse à la machine.

Depuis longtemps, le commerce livre des instruments pour exécuter la greffe en fente anglaise ou ses dérivés.

Mais, ces dernières années, sont apparues sur le marché des machines perfectionnées qui ne nécessitent aucune ligature de la greffe ; certaines d'entre elles permettent la greffe en place.

Elles permettent un gain appréciable de main-d'œuvre et un excellent pourcentage de réussite.

Si les greffes ne doivent pas être mises en place de suite, on les placera dans du sable un peu humide enfermé dans un coffrage, avant de les mettre en pépinière dans un sol riche et profond.

V. ARNOULD,

Ingénieur agronome.

(1) Voir Le Chasseur Français de juillet 1951.

Le Chasseur Français N°654 Août 1951 Page 486