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Sélection et consanguinité

Amélioration des espèces animales.

— La sélection, équivalant au mot choix, est le choix des reproducteurs, base de la sélection des animaux domestiques, en vertu du principe héréditaire énoncé par Darwin : les semblables engendrent les semblables.

Tous les éleveurs savent que, pour avoir de beaux produits, qu'il s'agisse de chevaux, de vaches, de porcs, de moutons, etc., il ne faut utiliser pour la monte que des sujets bien conformés, précoces, rustiques, prolifiques, capables d'engendrer une descendance en possession des caractères zoologiques et zootechniques les meilleurs et les plus productifs.

C'est donc grâce à la sélection méthodique, appliquée par l'homme depuis les temps les plus reculés, que l'on est parvenu à créer, dans chaque espèce animale, des races possédant des aptitudes différentes, adaptées à tous les besoins. Aux équidés, on demande de la force ou de la vélocité ; aux bovidés, de la viande de qualité et du lait crémeux ; aux ovidés, de gros gigots et une laine fine et souple ; aux suidés, des jambons, du lard et de la graisse ; aux poules, des œufs en abondance et de savoureux poulets, etc.

La sélection consanguine.

— La consanguinité est synonyme d'un état de parenté existant entre des individus issus des mêmes souches. Elle est très « étroite » lorsque les sujets ont été engendrés par le même mâle et la même femelle.

Si, maintenant, on accouple ensemble le frère avec la sœur, le père avec la fille, le fils avec la mère, et que l'on poursuive plus longtemps les rapprochements consanguins, on obtient des résultats sur lesquels les zootechniciens sont loin d'être d'accord.

D'après Ch. Collings, Mauchamps et Gayot, la consanguinité continue, en parenté étroite, serait le meilleur mode d'amélioration des espèces animales et de fixation des races. Mais d'autres expérimentateurs, notamment Magne et Cornevin, de l'école vétérinaire de Lyon, ne sont pas du même avis. Ils mettent en garde contre les méfaits d'une consanguinité trop poussée, en raison du déséquilibre des fonctions qui peut en résulter dans la production du travail, de la viande, du lait, des œufs, etc., mais surtout en ce qui concerne la rusticité et la fécondité.

Ayant voulu vérifier personnellement l'influence de la consanguinité, nous avons poursuivi depuis quinze ans des accouplements consanguins sur des lapins blancs de Vendée, sans aucun apport de sang étranger. Malgré cette parenté suivie, les sujets ressemblent toujours au type originel, bien que d'un poids inférieur. Leur rusticité et leur précocité sont identiques, mais les femelles sont devenues à peu près stériles, c'est-à-dire qu'elles prennent difficilement le mâle et, chose curieuse, les portées ne sont plus que de 1 à 2 lapereaux, qui sont énormes à leur naissance.

Cette constatation faite sur un clapier peuplé de Vendée ne serait peut-être pas la même avec d'autres races de lapins, ni avec d'autres espèces animales, l'hérédité pouvant jouer en sens contraire, soit qu'elle améliore la propension à produire de la viande, du lait, des œufs, etc. Toutefois, il est à craindre qu'elle influe défavorablement sur les fonctions procréatrices.

Pour cette raison surtout, on se méfiera des rapprochements consanguins continus, et l'on cherchera à en atténuer l'influence par les moyens en usage chez les éleveurs avertis.

Rajeunissement du sang et croisement.

— Si on peut conserver le même géniteur, étalon, taureau, bélier, verrat, à deux ou trois reprises pour les accouplements, il est prudent de recourir à un mâle étranger, de même race mais non consanguin, si l'on veut éviter d'altérer certaines fonctions, lesquelles d'ailleurs ne sont pas impressionnées de la même manière chez toutes les espèces animales.

Les consanguinités limitées à deux ou trois accouplements ont permis d'améliorer les rendements en viande nette, en taux butyreux, en force motrice chez le gros bétail, et d'augmenter la production viandeuse et celle des œufs chez les volailles, ainsi que de favoriser l'une des diverses productions au détriment des autres.

Le mieux que l'on puisse faire, pour éviter les crises de déficience et maintenir en équilibre les diverses productions, c'est encore de pratiquer le croisement, ou plutôt l'échange de géniteurs avec un éleveur voisin possédant les mêmes races, qu'il s'agisse de chevaux, de vaches, de moutons, de porcs, de poules, de lapins, etc. Le troc peut se faire sans aucune dépense ni débours, les échangeurs y trouvant leur compte et ayant intérêt à pratiquer couramment l'opération.

Le rajeunissement du sang sera encore plus énergique si on fait intervenir de temps à autre un mâle étranger, de race différente, en le choisissant d'une souche possédant au plus haut degré des aptitudes pour les productions que l'on recherche, par exemple un étalon percheron ou ardennais pour les chevaux de labour ; un taureau hollandais ou flamand pour la production du lait de consommation en nature ; un taureau normand ou jersiais pour avoir un lait riche en matière grasse ; un verrat yorkshire pour obtenir des porcs précoces ; un bélier southdown pour avoir des moutons gigotés ; un coq leghorn ou bresse afin d'améliorer les aptitudes de pondeuses de ses volailles, etc.

Un changement de géniteur pour les saillies, qu'il soit de même race ou de race différente, est toujours un stimulant des fonctions génésiques et productives, mais l'influence du croisement est toujours plus marquée que celle obtenue par simple échange de mâle.

Pour éviter l’adelphogamie (dégénérescence consanguine) qui peut résulter des croisements continus, M. Felch a proposé de ne pas dépasser, dans les alliances entre proches, la limite des trois quarts de sang 3/4, en s'y prenant ainsi qu'il suit :

Soient un lapin russe et une lapine Vendée, sans parenté. Les sujets issus de leur accouplement sont des demi-sang (2). La descendance mâle, accouplée avec la mère, fournira évidemment des trois quarts de sang (3). Il en sera de même si on fait couvrir la descendance femelle par le mâle (4). Maintenant, si on allie ensemble les trois quarts de sang maternel avec la lapine et les trois quarts de sang paternel avec le mâle originel, on obtient de part et d'autre des 7/8 de sang (6) et (7), c'est-à-dire des sujets consanguins presque purs.

Pour combattre l'influence de l'adelphogamie, on s'arrangera de manière à revenir constamment aux demi-sang, en accouplant ensemble les trois quarts de sang paternel avec les trois quarts de sang maternel (5). De même les 7/8 de sang paternel et les 7/8 de sang maternel donneront des demi-sang (8), etc. Il y a donc toujours moyen. Sans infusion de sang nouveau, de combattre l'influence de la consanguinité.

C. ARNOULD.

Le Chasseur Français N°654 Août 1951 Page 488