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Automobile

Le rodage

Il sort d'usines beaucoup de voitures neuves en ce moment ; plus qu'avant la guerre. Nous avons eu d'ailleurs l'occasion de citer quelques chiffres, à cet égard, dans notre dernière causerie. À la demande de lecteurs, il est peut-être utile de signaler ici les quelques précautions à prendre si l'on veut que le rodage s'effectue dans d'excellentes conditions.

La bonne santé future de votre véhicule dépend, pour une large part, des soins que vous apporterez à surveiller attentivement ses premiers pas. Les constructeurs éditent, à cet effet, des notices plus ou moins détaillées applicables au type de véhicule vendu. L'usager pourra s'y reporter utilement.

Remarquons en parcourant ces opuscules que la période de rodage est, le plus souvent, moins longue que jadis. Cela provient de la plus grande précision apportée dans la construction automobile. Le millième est devenu l'unité de mesure en cette matière. Les diverses parties du train mobile : vilebrequin, pistons, segments, sont ajustées sur les coussinets ou dans les cylindres avec une précision si parfaite que le rodage est réduit à sa plus simple expression. Afin de ne pas trop importuner l'acheteur et aussi dans le but d'éviter des accidents mécaniques toujours ennuyeux, les temps de rodage des moteurs au banc d'essais se sont considérablement accrus.

Le rodage du moteur est donc très avancé lorsque la voiture est livrée. Il est vrai que d'autres organes : boîte de vitesses, pont, transmission, couple conique, etc., sont encore dans leur neuf et qu'un contact avec les nécessités de la vie mécanique courante devra se faire avec souplesse.

Avant guerre beaucoup de constructeurs montaient une membrane à section réduite entre la pipe d'admission et le carburateur, afin de calmer l'ardeur des impatients. C'était en quelque sorte un régulateur de sécurité. La plupart ont abandonné ce carcan dont la raison d'être était discutable. On fait appel maintenant à la sagesse et à la raison des intéressés. La pleine période de rodage s'étend sur un parcours de 500 à 1.000 kilomètres. Chaque pièce travaille dans les conditions normales d'utilisation. Les particules de métal, qui formaient des aspérités infiniment petites, sont entraînées avec l'huile de graissage. La liaison devient complète. Si la vitesse de rotation ou de frottement, par contre, est excessive ou si l'effort demandé est trop élevé, un entraînement de métal va se produire. Il y aura arrachement, et la particule de métal, inoffensive dans le premier cas, va jouer le rôle dévastateur d'un grain d'émeri. C'est l'amorce d'un grippage prochain ou d'une usure anormale et prématurée.

Durant ces 500 premiers kilomètres, la majorité des constructeurs de voitures de série conseillent de ne pas dépasser le 75 kilomètres à l'heure en prise directe, le 45 sur la vitesse en dessous, 2e ou 3e suivant le cas. Entre 500 et 2.000 kilomètres, ménagez la monture. Au delà, roulez sans contrainte. Après 500 kilomètres, l'intervention de l'homme de l'art est nécessaire. Les organes ont pris leur place définitive, les jeux normaux ou anormaux se sont précisés. C'est le moment de vidanger l'huile avec soin et de faire le plein avec une huile neuve qui pourra alors travailler 2.500 kilomètres sans vidange nouvelle. Les réglages porteront sur le jeu aux culbuteurs ou poussoirs, resserrage de la culasse et des collecteurs d'admission ou échappement, resserrage des écrous de fixation du carburateur, réglage du ralenti, resserrage en bref de tous les écrous du moteur, boîte, pont et châssis ayant été affectés par ce premier usage, vérification de la tension de la courroie du ventilateur, réglage de la pédale d'embrayage ; et dans le cas de freins hydrauliques, réglage des excentriques et purge des canalisations des freins ; dans le cas de freins à commande mécanique, très rare actuellement, réglage complet. L'examen portera ensuite sur le parallélisme des roues avant. La partie électrique ne sera pas oubliée. Elle comporte un nombre d'écrous respectable, pas toujours bien serrés et qui occasionnent de fâcheuses pannes ou des troubles de fonctionnement.

Coup d'œil sur le niveau d'eau de la batterie et le serrage des bornes. Contrôle de fonctionnement des accessoires classiques : avertisseur, essuie-glace, etc., avec mention particulière pour les phares, qui, le plus souvent, sont de guingois. Rien n'est plus désagréable que des phares mal réglés. Contrôle du débit de la dynamo. Quelques minutes encore pour s'assurer que tout se passe bien côté carrosserie : lève-glaces, systèmes de fermeture des portes. Calage des portes suivi d'un examen des boulons d'ailes, de pare-chocs, et autres boulons et écrous de carrosserie, de roues, etc. On terminera par un rinçage soigné du circuit de refroidissement, radiateur, cylindre et culasse, suivi d'une vérification de la pression des pneus. Et vous voici paré. Notez que l'usager a toujours intérêt à faire exécuter les mêmes opérations après 2.500 ou 3.000 kilomètres. Certains constructeurs font cette deuxième révision, comme la première, gratuitement. D'autres pas, c'est dommage. Après 3.000 kilomètres, le rodage est bien définitif et toute anomalie précisée.

À chaque acheteur d'un véhicule neuf, il est remis un bulletin de garantie. Cette garantie s'étend sur six mois. C'est parfait, direz-vous. Oui, bien sûr, mais cette garantie ne porte que sur l'échange de la pièce reconnue défectueuse à l'exclusion de la main-d'œuvre nécessaire pour la sortir, la remettre en place et l'ajuster. Dans certains cas, il faut passer une journée de travail pour atteindre une pièce défaillante de quelques dizaines de francs, située dans l'embrayage, le moteur ou la boîte. Nous avons ici souvent réclamé la gratuité totale de toutes les opérations de révision, mise au point, réparation, pouvant se présenter durant la période de garantie. Et ne serait-il pas non plus logique que la garantie en question porte non pas sur le temps, mais sur le chemin parcouru avec compteur plombé ? Voici un usager qui, durant six mois, a roulé 10.000 kilomètres. Il aura pu se rendre compte de toutes les imperfections de sa voiture et la faire mettre au point, en principe, sans grandes dépenses. Voici un autre qui, ne prenant son véhicule que le dimanche, arrivera avec peine, au bout de ses six mois, à 1.500 kilomètres au compteur. Aura-t-il alors tous les éléments en main pour juger son automobile, et se mettre à l'abri de toute surprise ? Certainement non ! Une garantie totale s'étendant sur les 5.000 ou 10.000 premiers kilomètres serait plus logique.

G. AVANDO,

Ingénieur E. T. P.

Le Chasseur Français N°654 Août 1951 Page 492