L'étude de cette question, provoquée par le vote de la loi
du 24 mai 1951 comporte trois parties :
I. L'exonération temporaire des loyers, instituée par
l'article 40 de la loi du 1er septembre 1948 au profit des
locataires économiquement faibles ;
II. La suppression de cette exonération par la loi du 31 mai
1951 et ses conséquences ;
III. L'octroi, par cette même loi du 24 mai 1951, d'une
allocation compensatrice de l'augmentation des loyers.
I. Exonération temporaire de l'augmentation des loyers.
— L'article 40 de la loi du 1er septembre 1948,
relative aux locaux d'habitation, prévoyait pour deux catégories de locataires
une exonération conditionnelle et temporaire de l'augmentation des loyers
résultant de son application.
Son importance.
— Cette exonération consistait en ce que ces locataires, au
lieu de supporter la réévaluation du prix de leurs locations au 1er janvier
1949 et les majorations semestrielles calculées sur ce prix de base du 1er
janvier 1949, ne devaient payer que le prix de location en vigueur au 31
décembre 1948.
Les bénéficiaires.
— Les deux catégories de locataires bénéficiaires de cette
mesure étaient :
- d'une part, les locataires économiquement faibles, âgés en
principe d'au moins soixante-cinq ans, n'ayant pas de revenus annuels
supérieurs à 75.000 francs pour une personne seule (célibataire, veuf ou
divorcé) et 100.000 francs pour un ménage, chiffres respectivement portés tout
récemment à 100.000 et 130.000 francs ;
- d'autre part, les locataires dont les ressources étaient
inférieures au salaire de base servant au calcul des allocations familiales
(12.000 francs dans le département de la Seine).
Conditions exigées.
— Cette exonération était subordonnée à la condition que les
bénéficiaires :
a. Vivent seuls ou avec leur conjoint, ou avec une
personne soit à leur charge, soit économiquement faible ;
b. Assurent une occupation suffisante des lieux s'ils
habitaient une commune pourvue d'un service municipal du logement ou dans
laquelle était perçue la taxe sur les locaux insuffisamment occupés.
Sa durée.
— L'exonération était temporaire en ce sens qu'elle devait
prendre fin au 1er juillet 1949, date à laquelle les locataires
exonérés devaient recevoir une allocation compensatrice de l'augmentation des
loyers.
L'attribution de cette allocation a été retardée de deux
ans, puisque la loi de finances de l'exercice 1951 (loi du 24 mai 1951) prévoit
son octroi à compter du 1er juillet 1951. L'exonération de
l'augmentation des loyers en faveur des locataires économiquement faibles se
trouve donc maintenue jusqu'à cette date tout au moins.
II. Suppression de l'exonération. Ses conséquences.
— L'article 74 de la loi du 24 mai 1951, qui prévoit ainsi
l'attribution de cette allocation compensatrice à compter du 1er juillet
1951, par suite de la suppression de l'exonération des augmentations des
loyers, est rédigé comme suit ;
«A compter du 1er juillet 1951 et sous réserve
des dispositions ci-après, les articles 20 et suivants de la loi du 1er
septembre 1948 et 10 de la loi du 14 avril 1949 deviennent applicables aux
locataires et occupants qui, à la date du 31 décembre 1950, étaient
provisoirement exonérés, en application des dispositions de l'article 40 de la
loi du 1er septembre 1946, des majorations de loyers, la date
précitée du 1er juillet 1951 se substituant, pour ces catégories de
locataires ou occupants, à celle du 1er janvier 1949 figurant aux
articles 31, 32 et 33 de cette dernière loi, et les deuxième semestre 1951 et
premier semestre 1952 se substituant pour ces mêmes catégories aux premier et
deuxième semestres 1949, figurant à l'article 10 de la loi du 14 avril 1949. »
Ce texte n'est pas très explicite pour les personnes qui ne
sont pas familiarisées avec les questions de loyers.
Afin d'en rendre la compréhension plus facile, nous allons
expliquer d'une part quelles sont les règles générales applicables pour le
calcul des loyers des locataires de droit commun, d'autre part comment ces
règles générales vont être appliquées aux locataires économiquement faibles en
tenant compte de leur situation spéciale.
l° Règles applicables aux locataires de droit commun.
— La loi du 14 septembre 1948 pré voit deux modes de calcul
des loyers : d'après la surface corrigée des locaux occupés par le locataire
ou d'après une évaluation forfaitaire.
a. Surface corrigée.
— Chacune des parties (propriétaire et locataire) peut
exiger que le loyer de base au 1er janvier 1949, qui doit servir au
calcul des majorations semestrielles à intervenir, soit déterminé d'après la
surface corrigée des locaux occupés par le locataire.
Le loyer de base au 1er janvier 1949 étant ainsi
établi, on majore ensuite chaque semestre, du 1er juillet 1949 au 1er
janvier 1954, le loyer du semestre précédent de 20 p. 100 du loyer du 1er
janvier 1949. On doit avoir au 1er janvier 1954, par le jeu de ces
majorations semestrielles, un loyer égal à trois fois le loyer de base du 1er
janvier 1949.
Pour que le prix du loyer ainsi calculé puisse entrer en
application à compter du 1er janvier 1949, il faut que le
propriétaire ait notifié au locataire ce calcul de la surface corrigée avant le
1er janvier 1949 ; sinon le prix du loyer ainsi calculé n'est
applicable qu'à partir du terme d'usage qui suit cette notification.
Sur le montant du loyer ainsi calculé, la loi du 14 avril
1949 a institué une réduction de 10 à 20 p. 100, suivant les catégories de
locaux, pour le 1er semestre 1949, et une réduction de 5 à 10 p. 100
pour le 2e semestre 1949.
b. Évaluation forfaitaire.
— Au lieu d'adopter le calcul du loyer d'après la surface
corrigée des locaux occupés par le locataire, les parties contractantes peuvent
avoir recours à l'évaluation forfaitaire du loyer telle qu'elle est fixée par
la loi du 1er septembre 1948.
Dans ce cas, le loyer du 1er janvier 1949 est
considéré comme égal au loyer du 1er juillet 1948 majoré d'un tiers.
Ensuite chaque semestre, du 1er juillet 1949
jusqu'au 1er juillet 1954, le loyer du semestre précédent est
augmenté du tiers du loyer du 1er juillet 1948. On doit obtenir ainsi
au 1er juillet 1954, par le jeu de ces majorations semestrielles, un
loyer égal à cinq fois le loyer du 1er juillet 1948.
2° Règles applicables aux locataires économiquement faibles.
— Les règles relatives au calcul des loyers qui viennent
d'être exposées sont appliquées aux locataires économiquement faibles, à partir
du 1er juillet 1951, mais sous certaines réserves.
Chacune des parties contractantes peut exiger que le loyer
de base, devant servir de point de départ aux majorations semestrielles, soit
calculé d'après la surface corrigée des locaux occupés par le locataire.
Le loyer ainsi établi devient applicable au 1er juillet
1951 au lieu du 1er janvier 1949.
Les majorations semestrielles de 20 p. 100 doivent se
succéder à partir du 1er janvier 1952 au lieu du 1er juillet
1949.
La réduction de loyer édictée pour les 1er et 2e
semestres 1949 par la loi du 14 avril 1949, dont il a été question ci-dessus,
est applicable pour le 2e semestre 1951 et 1er semestre
1952.
Pour que le nouveau prix de base ainsi fixé puisse être
appliqué au 1er juillet 1951, il faut que le propriétaire ait
notifié à un locataire ce calcul de la surface corrigée avant cette date ;
sinon il ne sera applicable qu'à partir du terme d'usage qui suivra cette
notification.
Il semble que, si les parties sont d'accord, elles peuvent
établir le prix du loyer de base au 1er juillet 1951 non plus
d'après la surface corrigée des locaux, comme il vient d'être dit, mais en
prenant forfaitairement le loyer pratiqué au 1er juillet 1948 majoré
d'un tiers. Le texte de loi n'est pas explicite à ce sujet.
Les majorations semestrielles du tiers du loyer du 1er
juillet 1948 doivent ensuite se succéder à compter du 1er janvier 1952.
III. Attribution de l'allocation compensatrice.
Point de départ.
— Les locataires économiquement faibles, étant ainsi
assujettis, à partir du 1er juillet 1951, aux augmentations de loyer
résultant de la loi du 1er septembre 1948, recevront une allocation
compensatrice à compter de cette même date.
Bénéficiaires.
— Les bénéficiaires de cette mesure sont les locataires ou
occupants de locaux à usage exclusif d'habitation.
Conditions.
— Il faut que leurs ressources soient inférieures au salaire
servant de base au calcul des prestations familiales.
Ils doivent vivre seuls ou avec leur conjoint, ou avec une
ou plusieurs personnes à charge, sans préjudice des allocations, pensions,
rentes ou prestations qui leur sont déjà versées au titre de la législation
spéciale les concernant.
Montant.
— L'allocation doit être compensatrice de l'augmentation des
loyers résultant de l'application de la loi du 1er septembre 1948.
Réglementation.
— Au moment où ces lignes sont écrites (30 mai), n'est pas
encore paru le décret interministériel qui doit déterminer :
- le montant de l'allocation ;
- les modalités de paiement de cette allocation ;
- les services ou organismes chargés du paiement de
l'allocation ;
- les justifications à exiger des bénéficiaires à l'appui de
ce paiement.
Fraudes. Sanctions.
— Les personnes qui auront sciemment perçu ou tenté de percevoir
indûment l'allocation compensatrice seront punies d'un emprisonnement de quinze
jours à trois mois et, d'une amende de 50.000 à 500.000 francs, ou de l'une de
ces deux peines seulement. Elles seront, en outre, déchues de plein droit du
bénéfice de la loi du 24 mai 1951 dont il s'agit.
L. CROUZATIER.
|