C'est une règle absolue, dans l'élevage des canards, de
souffler dans une trompe lorsqu'on leur porte à manger. Ils font ainsi
l'association des sons de trompe avec l'heure de la nourriture ; cette
précaution sert plus tard pour les reprises et pour l'entraînement de chasse.
La nourriture des jeunes consiste dans une pâtée qui doit
être servie molle, c'est-à-dire ni trop sèche ni trop humide. Sa composition
est la suivante : après un jour (c'est-à-dire quand les jeunes sont ressuyés),
et jusqu'à trois semaines, bien pétrir des œufs durs avec du pain rassis et du
lait qu'on mélange à de la farine d'orge et de la farine d'avoine. À trois
semaines, on diminue la quantité d'œufs ; on supprime le lait et l'on
ajoute de la viande hachée (ou viande granulée) bien cuite et coupée menue. On
incorpore à la pâtée, au moment de la servir, de la verdure hachée ; des
orties, des choux, des salades, du trèfle, etc. ...
À quatre semaines, la pâtée se compose de maïs cuit et
broyé, de riz cuit, de pommes de terre cuites et passées sur un tamis avec de
la farine d'orge et de la farine d'avoine. On ajoute de la viande hachée et de
la verdure comme à trois semaines. On pourra donner aussi des topinambours et
des betteraves cuites. À huit semaines, après la pâtée, on leur jette du blé
trempé et un peu d'avoine. On doit proportionner les quantités à l'appétit des
oiseaux, en se souvenant que ce sont de gros mangeurs.
Pendant les vingt-quatre à trente-six heures qui suivent
l'éclosion (selon l'heure à laquelle ils sont nés), on ne leur donne rien à
manger ; ils n'ont, à ce moment, besoin que de chaleur. On les nourrit
ensuite comme suit :
— Première semaine, toutes les deux heures (6 repas à 7, 9,
11, 13, 15 et 17 heures) ;
— Deuxième et troisième semaines, toutes les trois heures (4
repas à 7, 10, 13 et 16 heures) ;
— Quatrième à douzième semaine : 3 repas (à 7, 12 et 17
heures).
Quand ils volent d'un étang à l'autre, où ils peuvent
s'alimenter, un seul repas leur suffit et on le donne avant la nuit.
On donne peu à boire, surtout quand le temps est froid, et
en tout cas dans des abreuvoirs qui ne leur permettent pas de patauger. Le
mieux est de leur donner un peu d'eau après chaque repas et de la leur retirer
un quart d'heure plus tard.
Aux adultes on donne soit du blé seul, soit mélangé d'avoine :
le grain doit être trempé la veille, pendant dix minutes, dans de l'eau
bouillante, retirée du feu, puis mis à égoutter toute la nuit.
Aux canes en ponte, on ajoutera un peu de phosphate de
chaux. On prépare chaque soir la quantité de grain nécessaire pour le lendemain
aux deux repas, donnés à 7 heures et à 17 heures.
On peut aussi donner un mélange composé de blé, maïs et orge
en parties égales et y ajouter 1/10 de riz (le tout trempé comme dit plus
haut).
CAGE A NOURRITURE ET A REPRISES.
— Pour 500 Canards, on donnera à la cage les dimensions
suivantes : longueur, 15 mètres ; largeur, 4 mètres ; hauteur, 2
mètres.
On la construit avec du grillage, le dessus comme les côtés,
avec des mailles de 25 millimètres en fil n° 8. On prend soin d'enterrer le
grillage de 10 centimètres. Cette cage comporte deux portes, chacune à une
extrémité, mais toutes deux s'ouvrent et se ferment dans le même sens ; on
peut ainsi, au moyen d'une ficelle, les fermer à distance.
On reprend dans cette cage les canards à l'épuisette, ou
bien on pratique à une extrémité, contre le grillage, un couloir de reprise
ayant 0m,50 de largeur, 2 mètres de longueur et 0m,30 de hauteur.
Le dessus de ce couloir est fermé par une toile ou un filet
pour éviter aux oiseaux de se blesser. L'entrée est faite en entonnoir pour
empêcher les canards de sortir. Les jeunes commencent à voler à six semaines ;
à trois mois, ils sont de plein vol. Pendant la première saison de chasse, on
les appelle halbrans.
Leurs ennemis sont les rats, hermines, belettes, corbeaux,
pies, taupes (à cause des galeries et parce qu'elles retournent les nids),
brochets dans l'étang pour les jeunes. Il faut placer des pièges tout autour
des parquets, afin de préserver les jeunes en élevage.
En hiver, il est essentiel de leur fournir une nourriture
abondante si on veut les retenir. Il faut avoir soin aussi de briser une partie
de glace pendant le repas du soir, afin qu'ils aient de l'eau libre.
Pour les canards de passage, on les attire en laissant sur
les étangs, en hiver, un certain nombre de sujets entravés, ou bien l'on met en
demi-liberté une troupe de jeunes élèves bien nourris. On donne à ces canards
le nom d'appelants, ou de judas.
On reprend les canards à la mue près de la rive, où on les
nourrit bien, ou dans les cages précédemment décrites.
Il y a deux façons de procéder pour entraîner les jeunes au
vol.
Première méthode.
— On sonne de la trompe sans mettre de nourriture dans la
cage ; les oiseaux viennent ; on les enferme et les transporte sur
une hauteur choisie. Il faut faire attention à ce qu'ils ne soient pas serrés
dans les paniers, pendant le transport. On les lâche en les lançant en l'air un
à un, et ils reviennent d'un vol à la cage.
Deuxième méthode.
— On choisit deux hauteurs de chaque côté de l'étang. On
ferme la cage à nourriture et, à l'heure du repas, à l'un des deux endroits, on
sonne de la trompe jusqu'à ce qu'ils viennent.
Le lendemain, et pendant quelques jours, on les nourrit au
même endroit ; les canards y seront de bonne heure le matin. On les
nourrit ensuite au deuxième endroit choisi ; où on les appelle avec la
trompe.
Après cela on les nourrit tantôt à un endroit, tantôt à un
autre, ou même à la cage si parfois on avait besoin d'en reprendre, mais en les
appelant toujours avec la trompe.
Quand on veut aider la reproduction naturelle, il est bon de
faire quelques faux nids sur les rives de l'étang, afin d'y attirer les canes.
Voici comment on construit un faux nid :
Huit bâtonnets de 0m,95 sont enfoncés en terre et réunis en
faisceau, à 0m,70 de hauteur. Un bon fil de fer les retient ensemble. On garnit
cette carcasse de genêts, bruyères ou paille. Une ouverture de 0m,20 est
aménagée au sud. Au centre, on creuse légèrement la forme d'un nid.
Pour construire des abris sur pilotis, on se sert de boîtes
de 2 mètres de longueur sur 1 mètre de largeur et divisées en seize
compartiments égaux, soit huit sur chaque face (0m,25 X 0m,50). La hauteur des
cases est de 0m,40.
Ces boîtes sont posées sur six piquets enfoncés de telle
sorte que le haut soit à 20 centimètres au-dessus des plus hautes crues.
Le haut de ces piquets doit, sur 0m,50, être entouré de
zinc, afin que les rats ne puissent y grimper. Deux piquets placés à chaque
bout supportent une barre permettant de faire, sur l'abri, un toit en genêts ou
en paille. Un plancher est installé de chaque côté sur la grande longueur. Il
est muni de bâtonnets figurant des marches d'escalier et retenu à l'abri par
des anneaux en fil de fer qui permettent de le relever pour la nuit (ou des
morceaux de cuir formant charnières).
Pour reconnaître l'âge des oiseaux, il est bon de les
baguer. On se sert pour cela de bagues de couleurs différentes, une couleur par
année. Il est bon, en effet, en vue de la reproduction, d'éliminer les mâles,
lorsqu'ils sont âgés de plus de trois ans.
De la naissance à octobre, le mâle a le plumage de la
femelle. Quand il fait sa première mue en mai, il est quelques jours sans
pouvoir voler, car il perd ses grandes plumes (rémiges). A la mue d'octobre, il
perd ses plumes, sauf les rémiges, et prend la belle livrée du mâle.
Pour attirer les canards, on fait rouler le fond des
bordures d'étang par un cheval attelé au rouleau et on y jette ensuite un peu
de son.
La paille de litière des oiseaux sera très sèche si l'on
veut éviter les crampes auxquelles les canards sont sujets.
On obtient de très bons résultats en faisant couver les œufs
de canes à la couveuse artificielle, à la condition de prendre les précautions
suivantes.
1° Avant la mise en couveuse.
Prendre les œufs un à un, les mettre dans de l'eau tiède et
les frotter avec les doigts. On retire ainsi un corps gras qui adhère à la
coquille et empêcherait les échanges gazeux pendant l'incubation.
2° Température.
Débuter à 38°,5 pour passer à 39° à vingt jours et atteindre
à peine 40° vers le vingt-cinquième jour.
3° Humidité.
Elle doit toujours être abondante.
Dès le quinzième jour, on humidifiera les œufs avec une
seringue de serre avant de les retourner.
L'eau employée doit être tiède, mais ne pas dépasser 35
degrés.
René DANNIN,
Expert en agriculture (chasse et gibier) près les
tribunaux.
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