Au moment où paraîtront ces lignes va s'ouvrir une nouvelle
saison de football. Saison que beaucoup de spécialistes trouvent d'ailleurs
trop longue, puisqu'elle s'étend de fin août à fin mai, de sorte que le début
et la fin obligent à jouer des matches importants sur un terrain trop sec et
par une température trop élevée.
Mais le football a pris chez nous un tel essor que
l'importance du calendrier impose ce non-sens.
Par la force des choses, c'est le football professionnel qui
retient surtout l'attention du public ; la seule consolation que j'y
trouve est dans ce fait que la possibilité, pour de jeunes amateurs, de devenir
un jour une vedette « pro » constitue pour eux une émulation dont
bénéficie; dans tout le pays la qualité du jeu.
Il faudra que la saison qui s'ouvre redouble d'efforts pour
supporter la comparaison avec celle qui vient de se terminer. En effet, en
1950-1951, la compétition en première division fut particulièrement serrée et
attrayante, puisque, pour la première fois, quatre équipes ayant combattu coude
à coude pendant six mois arrivèrent à égalité de points pour la dernière
journée du championnat et qu'il fallut faire jouer le « goal average »
pour les départager. Et l'on peut dire que les six premiers clubs classés
finissent « dans un mouchoir », ce qui ne s'était encore jamais vu et
prouve la vitalité et la qualité de notre football.
En première division, la compétition qui s'ouvre s’annonce
très ouverte et intéressante, car les deux nouveaux promus : Lyon et Metz,
sont de qualité éprouvée.
Par contre, les anciens du football voient avec regret « descendre »
le Stade - Red Star, dont le glorieux passé leur rappelle tant de souvenirs et
de promesses. Paris n'a plus en division supérieure que le Racing ... qui
comporte dans son équipe si peu de vrais Parisiens. La centralisation du ballon
rond, jadis limité à Paris, le Nord et la Bretagne, se répartit aujourd'hui sur
tout le territoire, même dans le Sud-Ouest, jadis apanage exclusif du rugby.
C'est une des conséquences les plus curieuses du professionnalisme.
En deuxième division, par contre, exception faite de la
première moitié du tableau, beaucoup d'équipes éprouvent des difficultés à
survivre, soit que leurs installations sont insuffisantes pour faire de grosses
recettes, soit que les municipalités hésitent à les soutenir ou qu'elles
manquent de mécènes. Il faudra trouver une solution à ce problème, si l'on veut
que le championnat de deuxième division conserve son intérêt tout au long de la
saison. Il faut pourtant maintenir cette « promotion » qui oblige les
derniers de la division supérieure à se battre jusqu'au bout pour éviter la
descente, et les premiers de la division inférieure à améliorer leur rendement
pour aspirer à la montée. Cette promotion, de plus, constitue une pépinière de
futures vedettes et contribue à la diffusion du football en province. Parmi ces
moyens, il en est un qui nous semble trop souvent négligé. Pourquoi certains
clubs à ressources et à effectifs limités s'entêtent-ils à faire les frais d'un
entraîneur qui reste sur la touche, alors qu'un « entraîneur-joueur »
(pour trouver ce dernier il n'y a que l'embarras du choix) améliorerait et
stimulerait leur équipe sans leur coûter beaucoup plus cher. La plupart de ces
équipes de seconde division possèdent de bonnes défenses ; ce qu'elles ont
le plus de difficulté à trouver, ce sont des attaquants de classe, des
marqueurs de but. C'est dans ce sens qu'elles doivent faire converger leurs
efforts, et il faut rendre hommage à leurs dirigeants qui, au prix d'un dévouement
méritoire et souvent désintéressé, parviennent, avec des moyens très
insuffisants, à maintenir dans leur ville une équipe « pro », qui
constitue certainement pour leur cité non seulement un attrait de premier
ordre, mais une source de profits.
Reste la masse des clubs amateurs, la plus méritoire, la
plus intéressante du point de vue sportif proprement dit. Un fait suffit à en
démontrer la valeur et le mérite. C'est que, malgré la différence énorme de
moyens dont ils disposent par rapport aux « pros », chaque année, en
Coupe de France, une ou plusieurs équipes d'amateurs parviennent jusqu'aux
quarts de finale, comme ce fut le cas au cours de ces dernières années de
l'Arago d'Orléans, de Sedan, pour ne citer que les plus marquants. Ceci prouve
qu'entre amateurs et « pros » il n'y a pas une telle différence de
classe individuelle et que, grâce au développement remarquable effectué par le
football en France depuis vingt ans, notre pays possède actuellement près d'un
millier de joueurs dignes de figurer dans une grande équipe, pour peu qu'on
leur procure les moyens matériels de s'entraîner sérieusement et qu'ils soient
bien encadrés.
Robert JEUDON.
|