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Les châtaignes

Récolte, triage et conservation

Dans une précédente causerie, parue dans Le Chasseur Français d'août 1951, nous avons rappelé tout l'intérêt que présente, pour la mise en valeur de terrains médiocres ou difficiles à cultiver, la plantation de châtaigniers.

Nous nous proposons de résumer aujourd'hui, à l'usage de nos lecteurs que la question peut intéresser, les précautions à prendre pour la récolte, le triage et la conservation des châtaignes, aliment de premier ordre, de saveur agréable, riche en vitamines et renfermant, quelques jours après sa chute, 35 p. 100 d'amidon, c'est-à-dire presque le double de ce que renferme la pomme de terre !

Récolte.

— Afin de faciliter le ramassage, il faut d'abord, quelques jours avant la récolte, bien nettoyer et dégager le dessous des arbres.

En France, la récolte, qui commence, avec les variétés hâtives, vers le 10 septembre, a lieu surtout courant octobre et se poursuit, certaines années, jusqu'en novembre. En Corse, la récolte débute dès le mois d'août.

Dans la plupart des variétés, les bogues s'ouvrent sur l'arbre lorsqu'elles sont mûres et laissent échapper les châtaignes. Mais, comme il y a avantage à apporter les châtaignes fraîches le plus vite possible sur les marchés, beaucoup de possesseurs de châtaigneraies ont tendance à faire prématurément la récolte.

Aussi emploie-t-on le système du gaulage, dans les variétés hâtives, afin de faire tomber le fruit un peu plus tôt. On gaule également, en fin de saison, pour hâter la chute des derniers fruits dont le ramassage et la rentrée doivent être terminés avant les gelées.

Le gaulage n'est pas une bonne opération ; malgré les soins que l'on peut y apporter, on meurtrit en effet plus ou moins les branches, ce qui se traduit par une diminution, parfois appréciable, des futures récoltes.

Il est donc de beaucoup préférable de ramasser, au fur et à mesure de leur chute et, autant que possible, chaque matin, les châtaignes qui tombent.

Les premiers fruits tombés, ordinairement véreux, doivent être mis à part, de même d'ailleurs que les derniers, insuffisamment mûrs et non susceptibles de conservation.

Tous, cependant, sans aucune exception, doivent être ramassés. En effet, les fruits véreux sont très rapidement abandonnés par le parasite qu'ils hébergent et celui-ci, après nymphose dans le sol, donne un nouvel insecte qui s'attaque à la récolte suivante.

Souvent, avant la fin de la saison, bogues et feuilles tombées recouvrent le sol, gênant plus ou moins la récolte. Il faut avoir soin, avec un râteau, de ramasser le tout au pied de l'arbre, de manière à maintenir la surface du sol dégagée.

Soins consécutifs à la récolte.

Triage.

— Il faut constituer des lots homogènes, c'est-à-dire éviter de mélanger des fruits de qualité différente, soit sous le rapport de la variété, soit sous celui de l'état de fraîcheur, soit encore sous celui de la date de maturité ou de chute.

On peut arriver assez aisément à séparer une grande partie des fruits véreux, ordinairement plus légers, par flottage dans l'eau. Ces fruits véreux ne sont pas enfouis ; on doit les faire cuire et les donner aux animaux : bœufs, mulets, chevaux, moutons, etc., qui en sont particulièrement friands.

Quant aux fruits sains, on les étale sur des claies, aussitôt après le flottage, pour les faire se ressuyer. S'ils sont destinés à la vente ou à la conservation en frais, ils doivent revenir à leur humidité et à leur poids antérieurs sans se dessécher.

Le flottage ne permet malheureusement pas de séparer les fruits contenant des germes de pourriture, qui ont même densité que les fruits sains. On ne peut donc se rendre un compte exact de la valeur des lots qu'en prélevant au hasard quelques fruits et en les coupant ou les décortiquant.

Conservation.

    a. Conservation en frais dans l'enveloppe.

— Ce procédé, qui n'est applicable qu'à des quantités peu importantes de fruits très sains, a l'avantage de garder à la châtaigne toute sa saveur. Il permet également de conserver à la graine sa faculté germinative.

Les fruits sont mis en tas, légèrement humidifiés, de 40 centimètres d'épaisseur, aérés de place en place par des bouchons de paille, sur une aire dure, par beau temps. Ils restent ainsi une huitaine de jours au cours desquels s'achève la maturation. Cette opération préliminaire n'est cependant pas indiquée si l'automne est humide.

On place ensuite les châtaignes dans des caisses, où on les dispose par lits alternant avec des couches de sable assez frais, et les caisses sont entreposées dans une cave à température aussi constante que possible. Les fruits peuvent ainsi se conserver deux mois, et parfois davantage. Au cours de cette conservation, on vide les caisses plusieurs fois et, après aération pendant un jour ou deux, on stratifié à nouveau les fruits dans du sable neuf et frais. Si on s'aperçoit que les fruits s'altèrent, il faut avoir recours au séchage pour les garder plus longtemps.

    b. Séchage.

— Ce procédé permet la destruction des moisissures superficielles avant qu'elles ne pénètrent dans l'amande. Il diminue suffisamment l'humidité des fruits pour entraver l'infection. Il est à réserver aux châtaignes dont on craint une mauvaise conservation en frais, ainsi qu'à des lots importants pour lesquels il ne serait pas possible de mettre en œuvre ce premier procédé.

Suivant l'époque, suivant aussi les régions, on utilise différentes méthodes de séchage :

1° Au soleil.

— Méthode utilisable dans le Midi avec des variétés précoces. Les châtaignes sont disposées sur une seule épaisseur, de telle sorte qu'il faut beaucoup de place si l'on en a une grande quantité. Après séchage, le poids des châtaignes se trouve réduit d'environ 40 p. 100.

2° À la fumée.

— Les châtaignes sont placées en couches de 40 à 50 centimètres d'épaisseur sur une claie installée à 1m,50 ou 2 mètres au-dessus d'un feu. Si l'on veut éviter que les fruits prennent un mauvais goût, il faut proscrire l'emploi de combustibles malodorants et, d'autre part, laisser les fruits entiers, sans les couper. Le chauffage doit être progressif, mais pas trop lent ; il doit être continu, jour et nuit, pendant une quinzaine de jours en moyenne, sans jamais dépasser, vers la fin, 60°. On doit ainsi arriver à diminuer le poids des châtaignes de 50 à 55 p. 100.

Assez économique, parce que ne demandant pas d'installations compliquées, mais nécessitant une surveillance constante et ne donnant assez souvent que des résultats irréguliers, utilisant, d'autre part, beaucoup de combustible, cette méthode est avantageusement remplacée par la suivante.

3° Au tunnel-séchoir.

— C'est un appareil parcouru par un courant d'air chaud provenant d'un appareil de chauffage au bois ou électrique. Comme l'installation en est actuellement assez onéreuse, on conseille aux petits propriétaires de se grouper en coopératives pour acquérir en commun un tunnel-séchoir qui permettra d'obtenir, à moins de frais, des produits bien supérieurs à ceux obtenus au moyen du séchage à la fumée.

Qu'elles l'aient été par un moyen ou par un autre, les châtaignes séchées doivent ultérieurement être passées au four de temps à autre pour les préserver des bruches. Elles se conservent plus longtemps lorsqu'elles sont décortiquées. On en prépare de la farine en les faisant moudre quand elles sont bien sèches ; celle-ci doit être conservée dans des récipients très étanches.

E. DELPLACE.

Le Chasseur Français N°655 Septembre 1951 Page 548