La belette et les belettières

La belette, qui peut figurer parmi les animaux tolérables pour l'agriculteur, malgré les petits dégâts qu'elle lui cause, ne peut pas être admise dans cette catégorie par le chasseur. On la trouve partout, mais on ignore souvent sa présence. Sa petitesse, sa rapidité, son agilité font qu'elle peut passer longtemps inaperçue. Ce sont le plus souvent ses dégâts qui attirent l'attention : levrauts, lapereaux (et même adultes) proprement saignés, faisans ou perdrix saignés sur le nid, etc. Les dégâts sont disproportionnés à la taille de l'animal, qui est doué d'un appétit insatiable.

Malheureusement, parmi tous les moyens de destruction existants, un seul a fait réellement ses preuves : la belettière. Les pièges, même de petit modèle, ne donnent jamais des captures aussi rapides et aussi simples que les belettières. Créée en Allemagne, elle fut introduite en France et prouva rapidement sa valeur. Les regrettés Toumemine et Philipon modifièrent l'entrée, qui se présenta non plus sous forme rectangulaire, mais sous forme d'un trou rond qui, s'il n'attire pas plus ces mustélidés, offre au moins l'avantage d'écarter les lapereaux des boîtes. On préconisa aussi le remplacement du grillage d'extrémité par une glace épaisse.

Personnellement, j'ai insisté pour qu'on modifiât l'axe autour duquel pivote la palette, de façon à le rendre aisément maniable et à pouvoir séparer facilement ou retirer la palette sans secours d'aucun outil. Actuellement les belettières, compte tenu de ces petites modifications, sont parfaitement au point et donnent entière satisfaction entre les mains des gardes qui savent s'en servir et qui s'en donnent la peine.

La belette se trouve partout ; elle a des zones favorites, qu'un observateur apprend vite à connaître. Il ne faut pas se servir des belettières comme des chatières, qui restent parfois plusieurs années à la même place, sur le même sentier à fauves ou le long d'une clôture. Il se peut que quelques belettières subsistent à des emplacements de choix : pied d'un mur, d'un grillage, tas de fagots ou de bois ; ce sont là des points qui seront sûrement visités des belettes, mais la grosse masse de manœuvre des autres belettières sera essentiellement mobile, exploitant successivement, et zone par zone, toute la surface de la chasse aux points intéressants, bien entendu.

Dans cette exploitation successive du terrain de chasse, les réserves et élevages jouiront d'un régime spécial pour toute l'année ; on leur réservera une dotation suffisante de belettières, qu'on disposera aux points névralgiques. Quant aux belettières mobiles, celles qui n'auront rien pris dans les cinq jours seront changées de place et passeront dans la nouvelle zone à prospecter. Toutes ces belettières mobiles seront à une seule entrée.

Pour les belettières fixes, on pourra employer le modèle à double entrée, particulièrement à la base des clôtures ou dans les fossés. Si on n'en dispose pas, on accolera deux belettières simples. Enfin, dans ces mêmes postes fixes, on pourra employer des belettières à tendue automatique, dites perpétuelles, mais ce n'est pas là une obligation, c'est un petit avantage. J'ai toujours constaté qu'à l'endroit où une capture est faite j'en ai fait d'autres dans les jours suivants. L'an passé, j'en pris seize dans une charmille de deux cents mètres en un mois et demi.

Une question m'a été souvent posée par des lecteurs :

« Doit-on appâter les belettières ? » C'est inutile ; vous pouvez cependant les parfumer en y vidant le contenu d'une vessie de lapin quand elles sont neuves. Après la première capture, l'odeur qu'elle y laissera suffira à attirer les autres, et gardez-vous bien de laver cette boîte.

L'entretien des belettières se résume à garantir le fond contre l'humidité et le bout des palettes contre la dent des captures. Une fois l'an, on peut leur faire prendre un bain de sulfate de cuivre à 10 p. 100 un mois avant de les remettra en service ; il faut alors les laisser sécher à l'abri, mais à l'air. Il est recommandé d'enlever axe et palette avant le bain et de ne les remettre qu'après séchage complet et de vérifier le jeu de la palette avant nouvel emploi.

A. CHAIGNEAU.

Le Chasseur Français N°656 Octobre 1951 Page 588