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Fougères de pleine terre

Les fougères sont particulièrement précieuses pour la décoration des parties basses et ombragées des rocailles, ainsi que pour la formation de plates-bandes et de massifs en exposition peu ensoleillée.

Nombreuses sont les espèces qui peuvent croître en pleine terre et résister aux hivers ordinaires sous le climat parisien. Quelques-unes, cependant, sont plus particulièrement ornementales et ont leur place indiquée dans les fougeraies de plein air.

L’aspidie à aiguillons (Polystichum aculeatum) est vivace par une souche d'où partent des frondes atteignant 80 centimètres à 1 mètre, de forme oblongue, qui forment par leur ensemble des touffes d'une ampleur remarquable et d'une grande élégance.

L'aspidie anguleuse (Polystichum angulare), très voisine de la précédente, s'en distingue par la forme de ses frondes, auriculées et à court pédicelle. L'une et l'autre se plaisent en sol siliceux et frais et à mi-ombre.

La fougère femelle (Athyrium Filix femina), surtout la variété horticole Elworthii, a des frondes très amples et très étoffées, garnies de nombreuses pennules qui, toutes, se ramifient au sommet en pennules secondaires disposées en éventail, ce qui leur donne un aspect très particulier et fort ornemental. Pour l'avoir très belle, il faut la planter en terre un peu tourbeuse et tenue constamment fraîche, ou en terre de bruyère humeuse. Elle convient tout particulièrement pour planter au bord des eaux.

La cystoptéride fragile (Cystopteris fragilis) est une plus petite espèce, dont les frondes ont seulement 20 à 30 centimètres. Elle forme des touffes dressées, légères et élégantes, qui se comportent bien dans les endroits rocailleux demi-ombragés.

La cystoptéride bulbifère (Cystopteris bulbifera), originaire da l'Amérique du Nord, est aussi une charmante fougère bien rustique, à frondes un peu étalées, diffuses, mais très abondantes, hautes de 40 à 50 centimètres, élégamment et finement découpées, ayant la particularité de produire, au revers des divisions de la feuille, de petits bourgeons ou bulbilles qui se détachent, tombent sur le sol et s'y enracinent, formant très promptement de jeunes sujets. Bien qu'un peu envahissante par suite de ce mode de propagation, cette espèce n'en est pas moins méritante.

L'osmonde royale ou fougère fleurie (Osmunda regalis) est, au contraire, une grande espèce à souches volumineuses et fortement enracinées, à frondes atteignant 1 mètre à lm,50, d'un vert gai, dont les fructifications sont portées sur des folioles déformées, disposées en grappe ramifiée, qui donnent à cette belle fougère un certain cachet d'originalité depuis mai jusqu'en septembre. La variété cristata est encore plus jolie que l'espèce type. Elle réussit surtout bien dans les endroits humides et un peu boisés, où elle acquiert un grand développement. On s'en sert encore pour l'isoler sur pelouse dans un endroit ombragé, de préférence en terre de bruyère concassée, plus humeuse que siliceuse.

Le polypode commun (Polypodium vulgare), fougère naine à feuilles persistantes de 20 à 40 centimètres, et sa variété à feuilles dentelées viennent bien dans les rochers, les ruines, les vieilles murailles. Bien que réussissant mieux à mi-ombre, où les feuilles sont plus grandes et persistent toute l'année, ils ne craignent pas la sécheresse et poussent bien en terre légère et sablonneuse.

L'onoclée sensible (Onoclea sensibilis) a une souche rhizomateuse très traçante, d'où naissent des frondes de deux formes : les unes, stériles, élevées d'environ 50 centimètres, sont pennées, à pennules incisées crénelées ; les autres, qui portent des fructifications, consistent en un long pédoncule de 30 centimètres environ, portant à son sommet des corps arrondis disposés sur deux rangs opposés. Cette espèce est presque aquatique, et il suffit de l'arroser souvent pour la voir prendre un grand développement. Elle décore parfaitement rocailles, cascades, bord des pièces d'eau en situation mi-ombragée.

La fougère mâle (Polystichum Filix mas) est une espèce indigène à souche épaisse d'où s'élancent en gerbe des frondes de 60 centimètres à lm,20 à pétioles couverts d'écailles sur toute leur longueur. Les frondes sont pennatipartites, à divisions alternes et profondément lobées. Les fructifications sont grosses, arrondies et disposées sous chaque lobe sur deux lignes rapprochées. Plusieurs variétés existent, dont l'une, des plus originales, est le P. Filix mas cristatum angustatum. Cette fougère pousse bien en terre argilo-sableuse et peut s'accommoder d'une exposition ensoleillée, à condition qu'on l'arrose abondamment. Toutefois, dans ce cas, son développement est moindre, sa teinte moins verte et moins fraîche que lorsqu'elle pousse à l'ombre.

La scolopendre officinale, ou langue-de-cerf (Scolopendrium officinale), est une des rares fougères de nos pays ayant des feuilles non divisées. Celles-ci sont disposées en rosette dressée. Elles sont longues de 20 à 40 centimètres, à pétioles noirs et écailleux, à limbe de forme lancéolée, un peu coriace, vert foncé. La variété à frondes ondulées (Scolopendrium officinale undulatum) est une des plus belles. Les scolopendres se plaisent dans les fissures de rochers, les grottes naturelles, les puits surtout. Elles ont besoin de fort peu de terre et réclament l'ombre, une exposition abritée des courants d'air et beaucoup d'humidité. Leurs frondes persistent d'une année à l'autre et forment de jolies touffes.

L'adiante du Canada (Adiantum pedatum) est encore une espèce originaire de l'Amérique du Nord, très décorative avec ses frondes de 40 à 50 centimètres de hauteur à pétioles communs et secondaires noirs. Le pétiole principal se ramifie au sommet, de façon élégante, en deux branches étalées horizontalement, arquées en dedans, à leur extrémité.

Cette fougère forme des touffes assez compactes. Mieux que toute autre, elle aime un terrain léger et frais et une exposition mi-ombragée ; elle réussit surtout bien en terre de bruyère tourbeuse, peu profonde, grossièrement concassée et tenue fraîche, par exemple, par une couche de mousse.

La multiplication des fougères peut se faire de plusieurs manières. Mais, le plus souvent, on l'effectue par l'éclatage des touffes fait de préférence au printemps, au moment de leur entrée en végétation, ou, pour les espèces à souche rhizomateuse, par la séparation et la fragmentation des rhizomes. Les éclats et les fragments sont empotés ou mis en pleine terre, tenus sous verre à froid ou à une température peu élevée jusqu'à la reprise ; après quoi on peut les mettre en plein air.

E. DELPLACE.

Le Chasseur Français N°656 Octobre 1951 Page 612