Accueil  > Années 1951  > N°656 Octobre 1951  > Page 613 Tous droits réservés

Cactus et plantes grasses

On a l'habitude d'opposer les termes de cactus et de plantes grasses. Au demeurant, les cactus constituent une immense famille botanique, tandis que le terme de plantes grasses n'est qu'un simple vocable définissant de multiples variétés botaniques à tissus et feuilles très épais.

Les cactus excitent la curiosité en raison de leurs formes étranges passant de la boule au cierge, de la colonne au candélabre, des raquettes aux lanières. Les feuilles en sont toujours réduites à des aiguilles, dards, lames, poignards, hameçons, crins, etc.

À l'étranger et surtout dans les pays anglo-saxons, l'intérêt pour ces plantes a toujours été très grand et permanent. En France, l'affection a eu des éclipses, et la toute dernière va de 1900 à 1920. Le renouveau fut dû au prince Albert 1er de Monaco, qui créa un magnifique jardin exotique sur les falaises escarpées des contreforts alpins entourant sa principauté.

Ces plantes vivent à l'état naturel dans toute l'Amérique, et plus particulièrement au Mexique, en raison des zones déshéritées, quasi désertiques, que leur anatomie formant réserve d'eau leur permet d'affronter.

Les jours y sont brûlants et les nuits froides et sèches. Ces plantes y servent de régulateurs aux climats et barrent les progrès des déserts. Elles se modifient toutefois en leurs structures, et donc en leurs variétés, à mesure que la forêt progresse : les Opuntia ornent les régions les plus désolées, tandis que les Cereus se situent au bord des forêts. Les Epiphylium, Rhipsalis et autres variétés demandent même de l'ombre.

Au Mexique, on trouve des cierges, ou Cereus, mesurant très normalement 8 à 10 mètres de haut — certains montent à 20 — avec 3 mètres de circonférence et un poids de 2 à 3.000 kilos.

Il n'en est pas de même dans les plantations de France, et même dans celles de la côte d'Azur.

Par les rosées qu'elles provoquent et l'humus de leurs déchets, les cactus favorisent les terres les plus pauvres où aucune autre plante ne pourrait vivre. Leurs fruits sont abondants, et, s'ils constituent une riche alimentation pour les indigènes, les tiges procurent un fourrage parfait pour le bétail. En France, ces fruits sont des mets délicats pour les gastronomes sachant sortir du conformisme.

Les plantes grasses n'ont pas grand-chose de commun avec les cactées, sauf la force et l'aspect extérieur. Botaniquement parlant, un chou est une plante grasse et il n'a rien de commun avec l'Opuntia, ou figuier de Barbarie ... Cependant, il est convenu de désigner ainsi une dizaine de familles de plantes purement décoratives.

Le gros avantage de ces plantes est d'être très ornementales et de ne demander aucun soin en raison de leur extrême résistance à la sécheresse. Ce qui est actuellement peu connu des amateurs modernes, surtout soucieux de formes originales, c'est que ces variétés donnent les plus belles fleurs qu'il soit, autant par la forme que par la couleur. Malheureusement, certaines sont tellement éphémères qu'elles ne subsistent que quelques heures.

En appartements comme en jardins, le sol a une importance majeure. Il le faut avant tout poreux et de richesse moyenne, comme de compacité médiocre. Le meilleur compost s'obtient par trois tiers de terreau de feuilles, de terre franche et de sable de rivière. On doit y ajouter un peu de vieux platras écrasés. La préparation doit avoir lieu un an avant l'emploi, et le sol formant socle doit avoir été bien désinfecté.

Il ne faut arroser que rarement et seulement en plein été. Le mieux est de situer les plantes autour d'un bassin et de les laisser s'abreuver par simple puisage dans l'air saturé d'humidité d'évaporation.

Ce qui importe est par-dessus tout l'éclairage, et son intérêt dépasse celui de la chaleur. Il faut toutefois tenir compte des variétés, car certaines cactées poussent au naturel non en plein soleil, mais à l'ombre des forêts.

Pendant l'hiver, les cactées peuvent être mises en appartement ou en serre, mais il est nécessaire de donner le maximum d'air frais et souvent renouvelé. Ce n'est que sur les rivages de la côte d'Azur et de la Méditerranée que l'on peut effectuer des cultures de pleine terre ou de jardin.

La multiplication des cactées s'effectue, pour l'amateur, par semis, bouturage et greffage, et la période la plus favorable se situe de mars à juin, afin que la plante ait la possibilité de réaliser ses réserves correspondant à la période froide.

La température la plus favorable à la germination des graines est de 25° le jour et 15° la nuit.

Un bon moyen de réaliser un éclairement artificiel est de placer les semis sous des lampes fluorescentes. La levée a lieu alors au bout d'une quinzaine de jours, bien que certaines variétés comme les Opuntia demandent plus de temps. On repique au bout d'un mois.

Plus connu que le semis, parmi les amateurs, le bouturage est le procédé le plus naturel, car certains cactus très grands, comme les Cereus et les Opuntia, se brisent sous leur seul poids, et les fragments tombés au sol s'enracinent d'eux-mêmes.

Vers 1935, une sorte de snobisme mit à la mode le greffage d'espèces différentes, ce qui se traduisait par des formes extrêmement curieuses. On doit les reprouver comme constituant artificiellement de pures monstruosités totalement contre nature.

Les cactées ne risquent pas de grands envahissements de parasites, à condition d'être soigneusement entretenues.

Il existe en France de grands spécialistes producteurs qui ont établi sur la Riviera de magnifiques jardins de cactées et de plantes grasses. On y trouve à la fois des spécimens petits ou modestes pour les ventes courantes, mais il y a aussi chez eux des spécimens géants ou exceptionnels. Conjuguant ses efforts avec ceux de ces professionnels, un amateur éclairé et agronome savant a réalisé des acclimatations de maintes plantes grasses pour les divers climats et régions de France, et l'on peut actuellement envisager d'effectuer des plantations de figuiers de Barbarie, ou Opuntia, en pleine terre jusque dans les régions du Nord ou de Bretagne.

Le plus curieux de cette découverte est qu'elle est d'origine accidentelle. Au cours d'une randonnée dans les Alpes, un lot de plantes grasses et cactées fut oublié, au printemps, à très haute altitude. Trois mois après, lors d'un retour, l'amateur eut la surprise de trouver une bouturation naturelle. Cette plantation fut surveillée pendant deux ans, et c'est d'elle que naquirent les boutures acclimatées aux régions de température non chaude.

Alex. ANDRIEU.

Le Chasseur Français N°656 Octobre 1951 Page 613