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Causerie juridique

Résiliation des baux de chasse

Les baux de chasse sont, comme tous autres baux, susceptibles d'encourir une r résiliation, que le cas en ait ou non été prévu expressément dans le contrat. S'il n'a pas été prévu; la résiliation n'en est pas moins possible. On applique en ce cas la disposition de l'article 1184 du Code civil d'après laquelle, dans tout contrat synallagmatique (c'est-à-dire comportant des obligations à la charge de chacune des parties), l'inexécution par une des parties des obligations mises à sa charge par le contrat permet à l'autre partie de faire prononcer la résiliation du contrat, avec dommages-intérêts s'il y a lieu, ce que le texte exprime en disant que la clause résolutoire est sous-entendue. Si le contrat prévoit expressément certains cas où la résiliation pourra être prononcée, la résiliation sera encourue dans les cas prévus et, en outre, dans tous autres cas entrant dans les prévisions de l'article 1184 du Code civil.

La résiliation d'un bail de chasse peut être demandée aussi bien par le locataire que par le propriétaire ; il en est ainsi lorsque, par ses agissements, le propriétaire s'applique à contrarier la pratique normale de la chasse ; soit en élevant des clôtures, soit en laissant subsister des fourrés impénétrables pour les chasseurs ou les chiens, soit en faisant fuir le gibier. Mais c'est plus ordinairement le propriétaire qui est amené à demander la résiliation du bail de chasse qu'il a consenti, soit pour défaut de paiement du loyer, ou pour abus de jouissance de la part du locataire, soit pour violation des obligations imposées par le bail, ou pour tout autre motif expressément prévu dans le bail.

La question nous a été posée récemment de savoir s'il était légal de stipuler dans un bail de chasse que la résiliation serait encourue dans le cas où le locataire commettrait un délit, ou, plus généralement, dans le cas où un délit serait commis. Bien que cette clause ne soit pas d'un usage courant, elle ne présente rien de contraire à la loi qui permette de la faire juger nulle et inapplicable, sous réserve, bien entendu, du pouvoir d'appréciation du tribunal saisi du litige.

Il ne faut pas perdre de vue, en effet, que, s'il est permis de stipuler dans un bail de chasse que la résiliation sera encourue dans tels ou tels cas, cette résiliation ne se produit pas automatiquement par le seul fait qu'un des cas prévus au bail s'est produit. Le seul effet qui résulte de là est que le propriétaire est alors fondé à saisir le tribunal d'une demande tendant à faire prononcer la résiliation du bail ; le bail subsiste jusqu'au jour où intervient une décision définitive prononçant la résiliation. Tant qu'une telle décision n'est pas intervenue, le bail subsiste avec tous ses effets, et le propriétaire n'a pas le droit de consentir une nouvelle location à un tiers. S'il s'avisait de le faire, le nouveau bail serait nul et le tiers à qui il aurait été consenti, et qui se permettrait de chasser, commettrait un délit de chasse sur le terrain d'autrui.

Le tribunal saisi d'une demande tendant à la résiliation du bail de chasse jouit dans tous les cas d'un pouvoir souverain pour apprécier si la résiliation doit être prononcée. On admet même qu'il en est encore ainsi quand il s'agit d'un cas prévu au bail : le tribunal pourrait, suivant la gravité des faits, apprécier que la résiliation constituerait une sanction excessive et se borner à allouer au demandeur des dommages-intérêts.

Dans les baux de locaux pour l'habitation ou pour l'exercice du commerce, il est devenu de style d'insérer une clause portant qu'à défaut de paiement d'un terme de loyer ou qu'en cas d'inexécution d'une obligation dérivant du bail le bail sera résilié de plein droit un mois après délivrance d'un commandement resté infructueux, et que l'expulsion du locataire pourra être opérée en vertu d'une ordonnance de référé. Il ne semble pas que cette pratique soit applicable en matière de baux de chasse.

Paul COLIN,

Docteur en droit, avocat honoraire à la Cour d’Appel de Paris.

Le Chasseur Français N°657 Novembre 1951 Page 643