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Courrier cynégétique

De la nocivité des arséniates.

— Décidément, il y a des gens dont l'entêtement dépasse les bornes permises ! il est vrai qu'il n'y a pas de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, dit le proverbe.

Des autopsies de gibier empoisonné par l'arséniate de chaux ont été faites de façon probante ; à maintes reprises les journaux ont relaté des crimes commis par la « poudre contre les doryphores », et il y a encore des articles essayant d'en prouver l'innocuité !

À qui fera-t-on croire que l'arsenic et ses dérivés ne sont pas de violents poisons, sauf si l'on ne veut pas voir ...

À notre époque de crise du gibier, où il est du devoir de chaque chasseur averti et conscient de signaler les dangers le menaçant, conserver le silence sur les dangers des arséniates, dont des animaux domestiques eux-mêmes, et de taille, comme les vaches, ont été victimes, serait une lourde faute.

D'autant plus qu'il y a des produits à base de D. D. T. aussi efficaces et d'un emploi qui n'est pas plus onéreux.

Qu'attend-on pour interdire l'utilisation des produits arsenicaux, des gluchochlorals, contre les corbeaux, dont les principales victimes sont le gibier à plume, et des grains strychninés contre les mulots, grains répandus à même le sol ?

J. D ...,

abonné.

Un lièvre qui s'y connaît.

— Au mois d'avril 1921, vers trois heures du soir. Je descendais à Mézens, petite commune du Tarn.

La route traverse les petits bois du Malpas, et c'est à cet endroit que le vis surgir, dans un léger raidillon, à 100 mètres de moi, un animal que je pris d'abord pour un quelconque chien briquet.

Lorsque cette bête s'approcha, je constatai que c'était un beau lièvre ou plutôt une « hase », je crois, qui portait.

Accompagné de mon vélo, je m'arrêtai, et le « capucin » fit de même à 5 mètres de moi, me regardant, surpris.

J'aurais pensé le voir déambuler rapidement et prendre du large, mais bien au contraire, près de moi, il alla brouter paisiblement dans la banquette.

Me retournant de temps en temps, je l'observais, se régalant de tendre herbe de printemps.

Les animaux ont leur malice. Ils connaissent très bien le danger.

Je tenais à signaler ça fait aux nombreux Nemrod, lecteurs de ce journal.

Un vieux lecteur du Chasseur.

Deux très mauvais coups de fusil.

— Les cynocéphales (papions) sont très nombreux dans le Centre et le Nord du Cameroun. Ces grands singes vivent en famille plus ou moins groupées en tribus pouvant atteindre une centaine d'individus.

Peu migrateurs, ils se cantonnent de préférence dans les zones de savanes, riches en fruits et en tendres racines. Ils affectionnent aussi les espaces rocheux et chaotiques, où ils trouvent des gîtes confortables et des refuges sûrs.

Intelligents, de forte taille (jusqu'à 1m,30 de la tête à la naissance de la queue), véloces et d'une assurance que le nombre renforce, ils affichent dans certaines régions, à l'égard de l'homme, une désinvolture parfois surprenante.

Prés de la frontière du Nigeria, entre Tingueré et Banyo, j'ai vu des colonies entières de cynos ne céder qu'à regret l'étroit sentier emprunté par ma caravane et nous regarder curieusement, à quelques pas de distance, en découvrant des canines impressionnantes.

Ils ont une allure si majestueuse, un port de tête si fier que nombre d'Européens, qui n'étaient pourtant pas des néophytes, ont pu les prendre pour des lionceaux. À l'aube, dans les hautes herbes, l'illusion est possible.

Dans le Nord-Cameroun, les environs de Hina, entre Guiddar et Mokolo, étaient infestés de cynos. Le village, situé dans un cirque d'éboulis rocheux, paraissait à certaines heures investi par une étrange armée. Des sentinelles veillaient sur les rochers les plus hauts ; sur les crêtes, des groupes se profilaient, se livrant à de mystérieuses manœuvres. C'étaient des cynocéphales qui méditaient quelques coups de mains sur les plantations de mil ou d'arachides, voire sur les greniers.

En 1931, un matin, peu après le premier chant du coq, je quittai Hina pour Gaouar. Une colonie de cynos me servit d'avant-garde sur plus de 2 kilomètres. Les derniers singes de communication n'étaient pas à plus de 20 mètres. Ma monture, véritable cheval de tête, qui ne pouvait supporter un être devant lui, s'énervait.

Derrière moi, tirailleurs et porteurs gouaillaient sur les thèmes chers aux Noirs africains de la forêt comme de la savane.

— Ces singes ont meilleure tête que tous les Kirdis de la montagne.

— Ils n'ont peur de rien. Ils comprennent tout.

— Ils savent parler, mais se taisent pour ne pas payer l'impôt.

— Un jour, peut-être, nous serons leurs esclaves.

Un écart de mon cheval me décida à disperser cette escorte de quadrumanes.

Sans mettre pied à terre, je jetai un coup de calibre 16 sur le singe le plus proche. Ce fut une fuite éperdue, des clameurs, puis le silence.

Cinq cents mètres plus loin, au pied d'un groupe de rochers, je m'arrêtai, médusé par le comportement d'un cynocéphale énorme. Juché sur le roc le plus gros, il gesticulait, se frappait la poitrine, levait les bras au ciel et poussait des cris traduisant une véritable fureur.

Après avoir subi un instant un torrent d'invectives, je descendis de cheval et, d'un coup de mousqueton, abattis le furieux sur son estrade.

L'escalade du rocher nous permit d'expliquer le légitime courroux du pauvre cyno. Près de lui, dans une creute, gisait une guenon atteinte par plusieurs chevrotines.

Mon Interprète Adoum, coutumier de fortes et lapidaires expressions, déclarai :

— C'était sa femme. Je répondis :

— Oui, c'était sûrement sa femelle. Si j’avais su, je n'aurais tiré ni sur elle, ni sur lui.

Plus pratique, le tirailleur Djamony dit a son tour :

— L'étape est trop longue pour que nous les emportions pour les manger. C'est dommage. Mais nous verrons bien quelque « viande » près de Gaouar.

J'ai toujours regrette ces deux coups de fusil et je n'ai plus jamais tiré sur un singe.

Cependant, je me suis trouvé des excuses atténuantes, sinon absolutoires. Dans leurs expéditions sur Hina, faites aux heures très chaudes, alors que les habitants s'abandonnaient aux douceurs de la sieste, les cynocéphales commettaient fréquemment des rapts de poulets et de cabris. Presque toujours, les innocents et si gracieux caprins étaient retrouvés membres rompus et yeux arrachés. Ces beaux yeux aux paillettes d'or avaient déchaîné le sadisme simiesque, acharné à tripoter et détruite ce qui brille.

Pour défendre les cynos et me condamner, d'aucuns diront que les singes de brousse s'amusent comme ils peuvent, qu'ils ne peuvent, comme les singes apprivoisés, se distraire en démontant le stylo, la montre ou l'appareil photographique de leur maître. Mais les mêmes défenseurs — après bien d'autres qui aimaient pourtant bien les bêtes — infligeraient peut-être le châtiment suprême à des singes coupables de ces jeux, pas tellement innocents dès qu'on en est victime.

Ch. VALLIN,

abonné.

Le lièvre est-il devenu carnivore ?

— Il ne s'agit pas d'une plaisanterie, mais au contraire d'une question sérieuse posée par un homme sérieux. Elle suscitera certainement des réactions opposées. Tous les chasseurs qui habitent la France répondront qu'on se moque d'eux. Mais ce n'est pas en France que les faits auraient été constatés (j'oserais même dire « ont été », vu la personnalité de ceux qui m'en ont fait part). Je suis chasseur comme tant d'autres, et j'ai habité l'Algérie toute ma jeunesse ; j'y ai tué bien des lièvres et dans d'autres pays aussi, depuis le lièvre minuscule du Cap, jusqu'au lièvre gigantesque des Alpes, et jamais, au grand jamais, je n'ai entendu dire que le lièvre ait mangé autre chose que de l'herbe.

Mais je me trouvais, au mois de janvier dernier, aux environs immédiats d'Alger, en séjour chez un de mes amis, ami d'enfance, sérieux, âgé comme moi, et il m'est impossible de mettre en doute la sincérité de ses déclarations. « Nous ne chassons plus le lièvre, me dit-il ; ce sont de sales bêtes, autant manger de l'hyène. Ils se sont mis à se nourrir de charognes. Les bêtes crevées les attirent. J'ai vu trois lièvres sortir du ventre de l'une d'elles tout près d'ici » ; et il me montra l'endroit. Voyons, ne blague pas, lui répondis-je, ce n'est pas possible. — Ce que je te dis est vrai, absolument vrai ; tout à l'heure va venir un de mes amis, il te le confirmera. » Et, en effet, cet ami me certifia que le lièvre venait de très loin pour manger les bêtes en décomposition, que c'était un fait connu de tout le monde.

Testis unus, testis nullus, dit un vieil adage ; mais ici il y avait non pas un, mais deux témoins. Certainement ces deux témoins ne suffiront pas à convaincre les chasseurs de France ; nous nous souvenons combien il a été difficile de faire admettre en France qu'en Algérie les perdreaux rouges perchaient sur les arbres ; mais, puisque les faits qu'on nous a rapportés au sujet du lièvre sont connus en Algérie, nous pensons que d'autres témoins voudront bien les confirmer. Le vrai peut souvent n'être pas vraisemblable. Qui pourrait croire qu'en Indochine il y a des canards percheurs qui font leur nid sur les grands manguiers » ?

E. D. C.

Un blâme à la princesse Margaret.

— La princesse Margaret s'est fait rappeler à l'ordre par le Comité directeur de la ligue contre les sports cruels (L. A. C. S.) pour avoir, en janvier 1951, suivi en voiture une chasse au renard.

« La princesse ne doit pas savoir, écrit le Comité dans une résolution, ce que pense une grande partie du peuple de la chasse au renard. L'eût-elle su, nous sommes certains qu'elle n'aurait pas été présente à un divertissement qui est considéré, par une bonne moitié de la population de la Grande-Bretagne, comme horrible et méprisable, en raison de sa cruauté foncière à l'égard du malheureux animal intéressé. »

Invasion de rats en Australie.

— La province australienne du Queensland est sujette non seulement à d'importantes inondations en raison des pluies torrentielles, mais aussi à une invasion de rats chassés par la montée des eaux. Dans la localité de Multaburral, au nord-ouest de Brisbane, les rats, fuyant l'inondation, ont envahi les maisons, et les habitants les assomment par centaines.

Le Chasseur Français N°657 Novembre 1951 Page 655