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Le Porcelaine et son parent suisse

Il est un excellent chien de chasse à courre et à tir du lièvre, autrefois très répandu et dont on parle de moins en moins, ainsi qu'en témoignent les petites annonces des revues cynégétiques, désormais consacrées aux races anglaises. De toutes nos races nationales de petite vénerie, celle du Porcelaine est la plus apte sans doute à rendre les meilleurs services dans toutes les régions du pays. Longtemps classé comme chien de chasse à tir exclusivement, il a été très remanié et, disons-le, amélioré depuis soixante ans environ. À l'époque, il marquait certainement de fortes traces de sang normand, peu favorables aux allures et au perçant désirables. La structure un peu négligée de la célèbre « Cléo » en était influencée, et, de fait, cette lice et le plus grand nombre de ses contemporains ne manquaient d'aucune vertu, sauf de train. De là à les proclamer conçus pour la seule chasse à tir, il n'y avait qu'un pas. Or on oubliait ce qu'en a écrit leur introducteur en France, le marquis de Foudras. Avant la Révolution, le porcelaine (nom de baptême donné par Foudras) était chien de chasse à courre. Si ensuite on lui imposa un rôle moins ambitieux, c'est que la consanguinité agissait, et que le moral comme le physique, influencés par l'alliance normande, l'avaient rendu plus suiveur que preneur.

Dans notre Ouest, la race fut introduite en 1891 ou 1892. Elle devait y être largement représentée jusqu'en 1914, remaniée par croisement avec le Harrier du Somerset et aussi le chien de Billy. Le premier, sans augmenter la taille, donna d'excellents produits propres à la chasse à tir comme au courre du lièvre. L'alliance avec le Billy transmit sa silhouette élégante en une large mesure et augmenta la taille, sans nuire, comme on le comprend, à la qualité.

Les lignes de nombreux porcelaines ayant figuré durant ce siècle sur les bancs, très élégants, le dessus harpé, la poitrine plus descendue qu'ouverte, le flanc retroussé, très différents de ceux de la fin du XIXe siècle, permettent de dire la race très marquée par ce croisement. J'ai sous les yeux l'image du superbe chien qu'était « Habil de la comté ». Avec une tête bien comtoise, il présente une armature que le Poitou ne désavouerait pas. Sans conteste possible, on était parvenu, avant la dernière guerre, à améliorer le cheptel au point le plus élevé. La première avait été déjà une rude épreuve, la seconde le fut plus encore. Il demeure sans doute d'excellents chiens, plus ou moins influencés par sangs anglais et Billy, et peut-être des croisements avec d'autres blanc-orange de chez nous, dont le Chambray, heureusement éliminé parce que produisant trop volumineux.

J'ai jugé souvent de ces anglo-porcelaines ou harriers-porcelaines, et dois reconnaître que le type porcelaine gagnerait à être plus affirmé chez la majorité. En outre, le chien de 0m,60 est trop haut et souvent trop épais. Les chiens à lièvre des races continentales devraient se situer entre 0m,50 et 0m,55, et ne pas présenter trop de volume.

Des sportsmen qui semblent l'avoir compris, ce sont nos voisins suisses, possesseurs de quelques races servant à la chasse du lièvre en terrains difficiles, très propres à produire des chiens de haute initiative tels qu'ils conviennent à ce sport. Je dois à l'amabilité du président du Club du Chien courant suisse, le Dr G. Riat, une brochure nouvellement parue sur le sujet qui nous intéresse. Il nous intéresse sûrement, car nos voisins cultivent, entre autres, un chien blanc-orange, le plus répandu dans le pays, où il est regardé, conformément à l'opinion de Foudras, comme la souche du chien de Franche-Comté. Je suis entièrement de cet avis, après avoir, autrefois, été un peu dérouté par la vue d'une gravure représentant une lice de cette race figurant dans les monographies. Cette lice a bien la tête comtoise, à part l'oreille plate et arrondie de l'extrémité, telle que la présentait durant un temps le chien bernois. Sa structure présente un dessus un peu harpé et bien soutenu ; sa silhouette, plus ou moins « Greyhound like », ne diffère pas de celle du porcelaine tel qu'il est devenu. Actuellement, enfin, l'oreille présente le tour si apprécié par nos compatriotes chez les représentants de cette race, comme chez les autres courants suisses. L'objection d'une oreille indésirable ne s'opposerait donc plus à une alliance entre notre chien et la race ancestrale, d'autant que voici les termes dans lesquels le standard en décrit le crâne. Il dit : « Crâne large, peu bombé, bien séparé du museau par le « stop ». Sillon médian s'allongeant entre les yeux jusqu'au sommet du crâne. Museau de longueur moyenne, etc. ... » Ce crâne large et ce sillon médian sont bien caractères du porcelaine, caractères ayant quelque tendance à l'évanouissement sous l'influence des croisements qui ont contribué à façonner l'élégante silhouette que l'on sait.

Un croisement avec le chien suisse blanc-orange serait donc, pour de nombreux motifs, à recommander. Étant donné le milieu où il est entraîné, il a certainement conservé les aptitudes du briquet, habitué à résoudre les embarras sans le secours de l'homme, ni le concours de nombreux compagnons. Il est aussi bon lanceur. Or, pour chasser le lièvre, soit à courre, soit à tir, il faut des chiens ayant peu ou prou l'âme du briquet. Ceux qui prétendent ne pratiquer qu'une menée lente et scrupuleuse ne seront jamais bons preneurs, et médiocres même pour la chasse à tir dans les terrains difficiles ou accidentés. Ce serait là une union recommandée pour les chiens se souvenant encore un peu trop de l'influence normande dans le milieu porcelaine. Elle marque sans doute peu de nos jours ; mais, en tout cas, le retour à l'ancêtre serait d'un précieux appoint pour la conservation au type céphalique et du moral, qui est celui du briquet sélectionné. Double bénéfice, par conséquent.

On peut se demander comment l'idée n'est pas plus tôt venue de cette alliance, puisque, au sentiment de plusieurs, le porcelaine doit être surtout auxiliaire du tireur. Peut-être a-t-on été dérouté par cette disposition administrative qui, contre l'avis des sportsmen, avait prétendu réduire la taille de tous les courants helvétiques à 0m,40. Pour réaliser ces chiens de petite taille, il fut fait appel à divers croisements, qu'on peut estimer justement baroques, tels qu'avec cocker, fox-terrier et teckel. Ces « petits courants », d'origine si troublée, atteignent parfois la hauteur au garrot des courants purs ; voici ce qu'en disent les orthodoxes : « Ce sont les « petits courants » devenus trop grands qui constituent le plus grand danger pour notre élevage de courants purs. » On les croit sans peine, d'autant que les échos de cette entreprise fâcheuse avaient retenti au delà des frontières et contribué à éloigner de toute idée de croisement avec un cheptel intéressant. D'après l'exposé figurant dans les pages que j'ai sous les yeux, tout danger est écarté, l'amateurisme suisse ayant entrepris un travail d'unification des races de chiens courants purs, en type et taille. Celle-ci, moyenne, n'excède pas 0m,54.

Espérant qu'il demeurera encore assez de lièvres, en dépit des ouvertures trop précoces et de l'épidémie de tularémie en extension, j'ai voulu attirer l'attention sur un chien français, ou au moins d'adoption depuis de longues années, mettons franco-suisse, qu'il serait sans doute intéressant de maintenir tel, maintenant que la chasse à tir du lièvre prend de plus en plus la place de la chasse à courre. Pour la pratique de celle-là, une certaine réduction de la taille et la psychologie du briquet substituée à celle influencée par le sang harrier ne peuvent être que bienfaisantes. Rien ne dément, en outre, la valeur de l'opération quant à l'amélioration des aptitudes du chien de petite vénerie.

R. DE KERMADEC.

Le Chasseur Français N°657 Novembre 1951 Page 656