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Maladies des truites adultes

La visite d'une pisciculture, surtout à la saison chaude, permet presque toujours de constater la présence de quelques animaux malades. En général, ce n'est jamais très grave pour l'élevage ; il suffit d'éliminer à temps les individus atteints et de les passer sans tarder dans la poêle à frire ; il n'y a aucun danger de contamination pour l'homme, les bactéries vivant sur le poisson, animal à sang froid, n'ayant aucune chance de coloniser un animal à sang chaud.

Une des maladies les plus évidentes est l’exophtalmie. On voit des truites de la taille portion et même des reproducteurs, en général amaigris, pourvus d'un ou de deux yeux énormes, télescopiques, complètement exorbités ; au bout d'un certain temps, les yeux tombent, et le poisson, borgne d'abord puis aveugle, se nourrit de moins en moins et finit par périr.

Il y a plusieurs explications possibles de cette maladie. Dans certains cas, elle est due à une trop forte proportion de gaz dissous dans l'eau ; l'eau absorbée étant sursaturée d'air ou de gaz, l'azote a tendance à s'infiltrer dans les tissus conjonctifs lâches entourant le globe oculaire, le refoulant hors de l'orbite. Mais cette cause, qui est réelle dans de nombreux élevages des États-Unis, est assez peu fréquente en France, et je crois qu'il faut surtout attribuer l'exophtalmie à une carence de vitamines dans la nourriture. J'ai souvent remarqué l'apparition de cette maladie dans des élevages nourris exclusivement de poisson de mer frais. Le poisson de mer frais, je l'ai déjà dit, souffre d'une certaine déficience en vitamine B ; il est donc nécessaire d'en ajouter à la ration journalière sous forme, par exemple, d'un peu de levure de bière. Dans d'autres cas, l'adjonction à la nourriture, pendant quelques jours, de 1 à 2 p. 100 d'huile de foie de morue a eu de bons résultats.

Il n'y a pas lieu de s'inquiéter outre mesure de l'apparition de l'exophtalmie ; ce n'est pas une maladie susceptible de causer de grands ravages. La conduite à tenir est très simple : éliminer les sujets atteints, les vendre et tenir compte de l'indication pour ajouter des produits contenant des vitamines, notamment de la levure de bière. Ceci permettra d'entretenir l'élevage en bon état de santé.

La pourriture des nageoires, ou fin-rot, est une maladie qu'on observe surtout chez les truites se trouvant à l'état serré dans des bassins en ciment. Le bord des nageoires, surtout la caudale et la dorsale, se couvre d'un liséré blanchâtre qui gagne petit à petit l'ensemble de la nageoire. La nageoire est rongée, s'effiloche, laissant apparaître les rayons cartilagineux, plus résistants, et, lorsque la nageoire est complètement rongée, la maladie attaque les tissus provoquant une plaie sécrétant du pus blanchâtre (je signale que, dans la furonculose, le pus est plutôt rougeâtre). En général, le poisson crève avant que la maladie ne ronge la chair. L'animal est malade, déséquilibré, indolent, et ne songe pas à se nourrir. Il a d'ailleurs un aspect repoussant, et le pisciculteur a vite fait de l'éliminer.

C'est une maladie qui, au contraire de l'exophtalmie, est plus rare dans les élevages nourris au poisson de mer. Elle est plus fréquente chez ceux nourris à la viande cuite. Elle se complique souvent du fait que les sujets, une fois atteints et affaiblis, se laissent gagner par la mousse et qu'elle est également souvent liée à l'entérite chronique. La maladie, d'ailleurs, ne gagne que lentement, et le pisciculteur a tout le temps de prendre les mesures utiles, c'est-à-dire élimination des sujets atteints, mise à sec du bassin, désinfection générale soit au sulfate de cuivre, soit, mieux, à la chaux vive, en laissant la chaux pendant une quinzaine de jours. Il sera prudent de passer les sujets suspects d'être atteints dans un bain de sulfate de cuivre à 1/2.000 ou dans une solution de permanganate à raison de 5 grammes par mètre cube d'une durée environ deux minutes pour le sulfate de cuivre, cinq minutes pour le permanganate.

La cause de la maladie est mal connue ; on l'a longtemps attribuée à un ver parasite du groupe des Gyrodactylus. On tend actuellement à l'attribuer à une bactérie allongée rongeante. Il est possible que là aussi il y ait une carence alimentaire à incriminer, et surtout une avitaminose. Là encore, l'introduction de vitamines dans la nourriture aura de bons résultats ; si l'élevage était nourri à la viande cuite, il y aurait intérêt à donner de temps en temps du poisson de mer additionné d'un peu de levure de bière. Naturellement, outre la désinfection des bassins, il faudra procéder à celle des instruments de pisciculteur.

Le tournis de la truite est la maladie qui frappe le plus le visiteur non averti. Parfois fréquente chez les alevins, elle est assez rare chez la truite portion et ne se trouve plus souvent que sur deux ou trois spécimens dans le même bassin. On voit la truite se mettre brusquement à tourner sur elle-même comme une toupie, puis, épuisée, tomber sur le fond, rester un moment immobile et se remettre à nager normalement, puis reprendre à nouveau une crise de tournis ; la truite s'épuise rapidement et finit par mourir.

La maladie est due au Myxobolus cerebralis, qui s'attaque aux parties cartilagineuses du crâne et de l'oreille. Les mesures prophylactiques sont toujours les mêmes : enlèvement des sujets atteints, désinfection du bassin et bain de santé pour les poissons non atteints.

Toutes ces maladies sont évidemment liées à l'état de santé de la population salmonicole, et surtout à la nourriture. Dès leur apparition, il faudra, d'une part, prendre les mesures de désinfection indiquées ci-dessus et, d'autre part, veiller à la nourriture, la changer pendant quelques jours et y ajouter des vitamines. La désinfection des bassins, surtout ceux de grande taille, se fera à la chaux vive de la façon suivante : le bassin vidé et encore légèrement humide, on se procurera de la chaux vive pulvérisée qu'on épandra sur les parois et sur le fond ; il faut prévoir environ 100 à 200 grammes de chaux vive par mètre carré de surface ; on laissera ainsi un ou deux jours et on ajoutera ensuite de l'eau qu'on laissera pendant une dizaine de jours. Cette eau blanchâtre sera évacuée, en évitant de l'envoyer dans un autre bassin. On lavera le bassin deux ou trois fois à l'eau pure et l'on replacera ensuite les poissons.

Dans les bassins plus petits, on désinfecte au permanganate (10 grammes par mètre cube d'eau), les poissons ayant été évacués. On laissera pendant dix jours l'eau permanganatée en contact avec les parois. On videra en brossant les parois et le fond, et on fera un autre bain de permanganate pendant un ou deux jours.

Quant aux poissons qui risqueraient d'être contaminés, on peut les faire passer pendant 20 minutes à une demi-heure dans un bassin contenant du permanganate à raison de 5 grammes par mètre cube ou du formol du commerce à 4 pour 10.000, soit 4 centimètres cubes par 10 litres d'eau.

La désinfection, l'hygiène et l'équilibre des rations sont à la base de la santé des élevages de truites.

DELAPRADE.

Le Chasseur Français N°657 Novembre 1951 Page 664