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Assainissons notre jardin

On sait que l'eau est indispensable en vue de la formation des végétaux, mais cependant, et principalement en ce qui concerne les plantes du jardin et du verger, l'excès d'humidité est nuisible et fort préjudiciable aux cultures : d'où la nécessité d'assainir le potager.

Pour bien comprendre l'utilité de cet assainissement, connaissons les nombreux inconvénients de cet excès d'eau :

    1° Au point de vue du sol : le jardin trop humide est froid, insuffisamment aéré, et le réchauffement de la terre est long et difficile.

    2° Aux points de vue chimique et biologique : l'assimilation des engrais est difficile ; la décomposition du fumier et de toute matière organique y est lente ; le sol, insuffisamment aéré, empêche la vie et la multiplication favorable des microorganismes si utiles ; cet excès d'humidité, qui contrarie une bonne aération du milieu, entraîne un ralentissement de la vie biologique du sol et entrave la nitrification et la décomposition des engrais et, par suite, leur assimilation par les végétaux.

    3° Au point de vue façons culturales : le bêchage et toutes les opérations culturales (binages, etc.) sont rendus difficiles ; la terre est en quelque sorte lissée par le fer de bêche ; elle durcit sous l'effet de la chaleur solaire et des hâles en formant de grosses mottes difficiles à désagréger par la suite. Ajoutons que ces effets néfastes se font sentir pendant plusieurs années.

    4° Au point de vue cultures : dans les jardins trop humides, on ne peut cultiver que pendant une courte période de l'année, lorsque la terre est suffisamment égouttée, et si l'on attendait trop, elle durcirait en se desséchant. De plus, elle est froide, donc tardive et peu productive du fait que l'eau dont elle est saturée disparaît par évaporation lente en absorbant une quantité importante de chaleur.

    5° Au point de vue maladies cryptogamiques : les potagers humides sont envahis par des mauvaises herbes, des plantes adventices particulières à ce milieu (prêles, carex, mousses, bulbes, renoncules, etc.), très difficiles à faire disparaître. D'autre part, l'humidité est un facteur favorable au développement des maladies cryptogamiques (rouille, cloque, etc.). Les racines des plantes et des arbres fruitiers s’y développent mal ; elles sont asphyxiées, y pourrissent et sont envahies par les mousses.

Ainsi la valeur d'un jardin où l'eau est en excès pendant une bonne partie de l'année est fortement diminuée et il est indispensable de procéder à l'assainissement en vue d'améliorer la productivité du sol, de faciliter les travaux ; malgré les frais que l'opération exige, elle demeure « rentable ».

À quelles conditions le potager peut-il être assaini ?

    1° Constatons tout d'abord que tous les jardins humides ne sauraient être drainés : l'assainissement n'est réalisable que si les eaux recueillies peuvent être évacuées rapidement (fossés pratiqués au cours d'eau). Dans le cas où cette évacuation ne pourrait se faire ou dans le cas où elle exigerait des travaux trop importants, le drainage ne saurait avoir lieu.

    2° L'assainissement ne saurait donner satisfaction dans les sols peu fertiles ou de nature trop argileuse ; l'amélioration qui en résulterait ne serait pas en rapport avec la dépense engagée.

En résumé, l'opération est recommandable lorsque le jardin est de bonne qualité, quand la couche de terre arable est suffisamment profonde ou normalement constituée et lorsqu'elle souffre seulement d'une humidité excessive pendant l'hiver et au printemps.

Pratique de l'assainissement du potager.

— Dans un Jardin de modeste étendue, l'opération n'offre guère de difficultés, mais, dès qu'il s'agit d'un réseau de drainage quelque peu étendu, il serait nécessaire de le confier à un spécialiste.

À ciel ouvert ou à l'aide de fossés.

— On ouvrira des fossés profonds de 0m,90 à 1m,20, de section en forme de trapèze dont la petite base mesure de 0m,20 à 0m,30 et dont les côtés font avec l'horizontale un angle voisin de 45° (fig. ci-dessous). Le fond sera garni de pierraille, de fascines trouvées sur place. On posera au fond une pierre plate, à plat, puis deux verticales ; à leur tour, elles seront recouvertes d'une quatrième pierre également posée à plat : l'eau circulera aisément dans cette canalisation créée par l'assemblage de ces pierres.

Remarques.

    1° On laissera toujours un espace libre suffisant au milieu de l'aqueduc.

    2° On pourra border les berges du fossé d'une oseraie qui fournira, en temps utile, des liens pour les produits du jardin.

    3° Le prix de revient de cet assainissement n'étant que de peu inférieur au drainage à l'aide de tuyaux, ce dernier sera plutôt conseillé, bien qu'il puisse être préféré dans le cas d'un verger.

Drainage à l'aide de tuyaux.

a. Les tuyaux, ou drains, sont en terre cuite ; les petits drains ont 33 centimètres de long et un diamètre de 5 centimètres; le gros drain, ou collecteur, dans lequel viendront se déverser les eaux des premiers, est d'un diamètre variable (de 12 à 20 centimètres), car plus ce diamètre est important, plus la pente peut être faible (au moins de 0m,001 par mètre pour les drains de plus de 0m,16).

b. On établira d'abord, dans le potager, un réseau de drains à poser au fond de tranchées d'assèchement parallèles les uns aux autres et dont la distance variera en raison inverse de la perméabilité de la terre : 8 mètres en sols compacts, 10 à 12 mètres en sols de compacité moyenne et de 12 à 15 mètres en sols légers. On tiendra largement compte de la pente naturelle du sol et de la nature du sous-sol ; les drains seront dirigés obliquement par rapport à cette ligne de pente et le ou les collecteurs placés dans les dépressions ; il ne faut pas poser les drains au sein d'une couche imperméable, et il faut, si le terrain est mou, tourbeux, prévoir un tassement important.

La profondeur des tranchées varie entre 0m,60 et 1 mètre ; la moyenne habituelle est 0m,70-0m,80 ; leur pente sera rendue très régulière au fond, mais en songeant que dans ces fossés l'écoulement des eaux ne doit pas être trop rapide (0m,25 à 0m,40 par seconde au plus, pour éviter l'affouillement des berges), ni trop lent, pour éviter les dépôts.

Ces lignes de tranchées d'assainissement aboutissent obliquement au collecteur, disposé à un niveau inférieur d'une dizaine de centimètres à celui des petits drains. Ce collecteur conduit l'eau recueillie à un fossé d'évacuation. On posera alors les drains selon une pente de 3 à 4 millimètres par mètre (maximum 8 millimètres) pour que l'écoulement se fasse bien, et on donnera aux lignes de drains des directions facilement repérables (plan à conserver) en suivant, par exemple, le bord des allées ; on veillera particulièrement à la pose des manchons de raccord, et la bouche de décharge du collecteur sera soigneusement établie et obstruée par une grille évitant l'entrée des rongeurs pouvant s'introduire dans les canalisations. On recouvrira soigneusement de terre, pour éviter les détériorations lors des labours, les petits défoncements d'usage courant en culture légumière ou fruitière.

Remarques.

    1° Pour fixer les idées d'un prix de revient d'une telle opération (drains distants de 10 mètres, posés à 0m,70 sous terre), il faut compter deux tiers pour les travaux de terrassement et un tiers pour l'achat des drains.

    2° Se conformer à la législation sur le drainage : la loi de 1854 permet de traverser la propriété voisine pour évacuer les eaux drainées vers une rivière voisine ; en cas d'évacuation par puisard, celui-ci doit être suffisamment profond, construit en moellons, afin de permettre l'évacuation rapide des eaux dans le sol.

L'évacuation en rivière nécessite une berge cimentée au débouché du collecteur.

Entretien du drainage.

— La seule opération à faire est la recherche des taches d'humidité indiquant l’obstruction d'un drain.

Causes possibles de cet accident : drain défectueux écrasé, drain obstrué par de la terre, des racines d'arbres (il faut cimenter le joint quand la canalisation passe au voisinage d'un arbre), ou de plantes cultivées (luzerne, colza) ; drain obstrué par de petits animaux (rongeurs) ou, en terre tourbeuse, par des microorganismes formant un dépôt gluant et rougeâtre (chauler à raison de 4 kilogrammes de chaux grasse à l'are).

Ainsi l'assainissement du potager est une opération possible, rentable, aboutissant à une production potagère future améliorée en quantité comme en qualité.

BOILEAU.

Le Chasseur Français N°657 Novembre 1951 Page 673