Un légume et un remède.
— Le cresson de fontaine est très aqueux ; sa
teneur en solution liquide représentant 90 à 92 p. 100 de son poids à l'état
frais.
Le Dr Chatin a trouvé que le suc du cresson contenait une
huile essentielle sulfo-azotée qui lui communique la saveur piquante des
crucifères, dont les propriétés antiscorbutiques sont connues. Il y a, en
outre, dans le cresson une quantité assez variable d'iode, plus ou moins
suivant la nature des eaux où il a végété. Dans les eaux ferrugineuses, la
teneur en iode est toujours élevée. On estime que, dans une botte de 275
grammes, il peut y avoir entre l et 3 milligrammes d’iode, quantité suffisante pour
agir curativement sur les affections des voies respiratoires, les vices du sang
et une foule de maladies organiques.
Ajoutons que, le cresson étant relativement riche en
phosphate de fer, en acides et en bases toniques et dépuratives, sans oublier
les vitamines, cette plante aux propriétés thérapeutiques multiples devrait
entrer d'une façon courante dans les menus familiaux.
C'est, en outre, un aliment rafraîchissant et sapide que
l'on peut consommer à l'état cru, en garniture de viandes rôties et grillées,
ainsi qu'en salade, seul ou associé à de la laitue. On peut également manger le
cresson cuit, à la façon des épinards, au jus de viande, additionné ou non
d'oseille, bien que la cuisson lui fasse perdre ses principes volatils azoto-sulfurés.
Conduite des cressonnières.
— La culture industrielle du cresson se pratique dans
des fosses parallèles peu profondes alimentées, par un ruisseau ou une rigole
d'alimentation permettant de faire varier à volonté le niveau de l'eau.
Le creusage des fosses, ayant habituellement 3 mètres de
large et une longueur variable, doit être précédé d'un nivellement et d'un
piquetage du terrain, de manière que les cressonnières soient indépendantes,
séparées par des berges de service, et que leur pente soit réglée à la
nivelette avec 5 millimètres de pente par mètre.
En abaissant ou en relevant les vannes d'aval, on fait
monter à volonté le niveau de l'eau dans les fosses, ce qui permet de noyer le
cresson, en laissant seulement pointer l'extrémité des feuilles. Toutefois,
pendant l'hiver, on laisse couler l'eau par-dessus pour garantir le cresson des
fortes gelées.
Avant de planter ou de semer les cressonnières, on y enfouit
à la bêche une bonne couche de fumier de ferme que l'on imbibe d'eau en ouvrant
la vanne d'amont, puis on y sème de la graine au printemps, que l'on enfouit en
donnant un coup de dame oblique, appelée schuèle. Si on procède par repiquage,
les boutures sont arrachées dans les vieilles cressonnières que l'on doit
refaire, parce qu'elles sont envahies par les mauvaises herbes (lentilles
d'eau, véroniques, berles, etc.).
Dans ce cas, le placement des boutures se fait à
l'espacement de 15 centimètres en tous sens. En maintenant la terre moite par
des mouillages modérés, le cresson se propage partout. On répand encore un peu
de fumier de vache en « beurre noir », on donne un coup de schuèle et
l'on règle le niveau de l'eau au fur et à mesure de la pousse, jusqu'à la
cueillette, qui peut se faire toutes les trois semaines pendant la belle
saison.
La récolte du cresson se fait à genoux, sur un madrier mis
en travers des fosses, à l'aide d'une faucille, poignée par poignée, que l'on
lie avec un brin de jonc ou de raphia. Les bottes sont mises à tremper en
attendant la vente. Tous les ans, au printemps, on fume, on schuèle et l'on
refait les cressonnières envahies par la flore aquatique.
Cultures d'amateur.
— Il n'est pas toujours possible d'amener dans les
jardins une eau courante pure, sans excès de calcaire, pour y installer une
fosse à cresson destinée à l'approvisionnement familial, mais on peut néanmoins
y produire en petit la précieuse crucifère, en s'y prenant de différentes
manières.
1° En enfonçant en terre, à un endroit quelque peu ombragé,
des bouteilles retournées à fond creux, cassées ou non du haut, lesquelles
peuvent contenir et conserver des eaux de pluie ou d'arrosage. Les godets des
bouteilles placées touche à touche en affleurement avec la terre, on repique dans
chacun d'eux une bouture de cresson dans un peu de fumier de vache bien
décomposé. On arrose, s'il ne pleut pas, en faisant en sorte qu'il y ait
toujours de l'eau dans les culs de bouteille. Les boutures s'enracinent ;
elles sortent même des godets pour prendre racine dans les intervalles. On peut
ainsi s'approvisionner, comme dans les cressonnières, par coupes échelonnées.
2° En enfonçant un ou plusieurs baquets usagés dans la terre,
à proximité d'un puits, d'une fontaine ou d'une prise d'eau quelconque
permettant de renouveler ou de rafraîchir l'eau des baquets. Chaque baquet est
rempli de terre fertilisée jusqu'à 10 centimètres de son rebord. Sur cette
terre, riche en fumier, on place une claie en clayonnage d’osier ou un
couvercle de panier à claire-voie, permettant aux racines d'aller
s'approvisionner dans le limon, après que l’on aura déposé les boutures de
cresson sur le plateau flottant. Il suffira de faire une chasse d'eau fraîche
dans les baquets de temps à autre pour renouveler l'eau, qui ne doit pas être
trop stagnante. Le feuillage qui se développera avec vigueur pourra être coupé
à blanc étoc, à peu près tous les mois.
A. LÉGUME.
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