L'utilisation de la moissonneuse-batteuse tend à se répandre
de plus en plus. Ses possibilités de développement en France sont immenses. Les
réticences de certains agriculteurs à son égard proviennent surtout de ce que
cette machine est relativement récente et, par suite, mal connue. De plus, le
personnel qui l'utilise est rendu circonspect par cette machine délicate et
complexe, et il risque de ne pas en tirer tout le parti désirable.
Or la moissonneuse-batteuse présente des avantages multiples
et variés. Les manutentions sont réduites au minimum. Les gains de temps sont
très sensibles et les difficultés de main-d'œuvre résolues. À ce propos, nous
avons vu rentrer dans une ferme bien outillée 165 quintaux de blé battu par
jour avec le concours de six hommes : deux hommes à la machine, un aux
sacs, l'autre au volant; derrière la moissonneuse-batteuse, une presse-ramasseuse
conduite par un homme; enfin une grue automotrice montée sur chenilles,
traînant une remorque. Cette machine, servie par trois hommes, enlevait les
sacs dans le champ et les chargeait dans la remorque.
Soulignons que la moissonneuse-batteuse permet de gagner le
temps passé à la mise en moyettes, au chargement des gerbes, à leur rentrée en
grange, à la manutention des gerbes du hangar à la batteuse. La rentrée des
bottes de paille confectionnées par la presse-ramasseuse et laissées sur le
terrain peut avoir lieu un peu plus tard, quand les tracteurs ou attelages sont
disponibles.
Un autre avantage réside dans le fait que les pertes de
grain sont à peu près inexistantes. Dans les récoltes versées, notamment,
l'économie est importante. Il est superflu d'ajouter que la
moissonneuse-batteuse permet de rentrer aussitôt la récolte et de la soustraire
aux intempéries.
Mais la possibilité d'utiliser la moissonneuse-batteuse pour
la récolte des petites graines et des oléagineux constitue un des avantages
essentiels de cette machine. Ce dernier avantage permet d'amortir très
rapidement ce matériel qui exige une mise de fonds importante.
Des essais ont eu lieu aux U. S. A., en Angleterre et en
France. Ils ont permis de conclure que cette méthode doit devenir courante,
étant donné les excellents résultats enregistrés. Les moissonneuses-batteuses
battent, en plus des céréales courantes (blé, avoine, orge, seigle, sarrasin) :
trèfles, millet, tournesol, sainfoin, luzerne, ray-grass, moutarde, lin
(petites graines et oléagineux). Elles peuvent battre également : riz,
sorgho, haricots, pois, canne à sucre, etc.
Les inconvénients que d'aucuns reprochent à cette machine
sont davantage, à notre sens, des préjugés : tout d'abord, la mauvaise
conservation du grain. Il faut souligner, à cet égard, qu'il ne peut y avoir de
conservation défectueuse si des précautions élémentaires et indispensables sont
prises : ne couper et ne battre que du grain mûr. Il est recommandé, en ce
qui concerne les céréales, de n'employer que des variétés qui adhèrent bien à
l'épi, afin de réduire au minimum, les pertes de grain au moment de la
maturation. Ne pas mettre immédiatement le grain au grenier en tas, afin
d'écarter les risques d'échauffement. Le garder trois ou quatre jours en sacs.
La moissonneuse-batteuse, dit-on encore, n'est utilisable
que par temps sec. À l'encontre de cette affirmation, nous pouvons écrire que,
depuis 1935, époque où nous avons vu des machines fonctionner dans le Nord et
le Nord-Est de la France, jamais ces machines ne sont restées inemployées au
moment de la récolte. Nous pouvons dire également que, si la moisson avait été
perdue par suite de l'impossibilité d’utiliser la moissonneuse-batteuse, elle
aurait été perdue dans les mêmes conditions pour les utilisateurs de moissonneuses-lieuses.
À cet égard, nos observations nous permettent de conclure que
la rentrée du grain est plus favorable avec la moissonneuse-batteuse qu'avec la
lieuse.
Si, en effet, on tient compte de ce que le grain ne doit
être battu que lorsqu'il atteint son parfait état de maturité, on conviendra
aisément que des averses, même abondantes, n'auront pas d'effets fâcheux sur le
grain. Quelques heures suffisent pour qu'il soit à nouveau sec et prêt à être
moissonné et battu.
Il n'en est pas de même quand la récolte est coupée. Les
gerbes, la paille, les balles se gonflent et retiennent l'eau, et la moisson
demande beaucoup plus de temps pour sécher. Si des averses se produisent tous
les jours, comme cela arrive au cours de certaines années, il en résulte des
germinations.
En ce qui concerne la récupération de la paille, certains prétendent
que la moissonneuse-batteuse la hache et la rend inutilisable. Si cela est vrai
pour certaine machine, cet inconvénient apparaît aujourd'hui comme un avantage.
En effet, la majorité des agriculteurs désirent, par suite du manque de main-d'œuvre,
épandre leur fumier mécaniquement (épandeur de fumier). Or ces appareils ne
peuvent être utilisés qu'avec paille courte. Bien entendu, la paille réservée à
la nourriture des animaux doit être longue. Les moissonneuses-batteuses
possédant un batteur en travers évitent de déchiqueter la paille.
Il n'est pas exact enfin que les moissonneuses-batteuses ne
peuvent être utilisées qu'en terrains parfaitement plats. Ces machines se
comportent très bien, en effet, dans les pentes de 8 à 12 p. 100.
Ainsi aucun des inconvénients ou des difficultés soulevés à
propos de cette machine ne sont insurmontables. Le problème essentiel, quand il
s'agit des céréales, est de couper au moment opportun, lorsqu'elles sont
parfaitement mûres. D’un autre côté, les sélectionneurs, qui ont su multiplier
les variétés de blé, doivent maintenant s'efforcer de résoudre un problème
indispensable : ajouter aux nombreuses qualités déjà acquises une parfaite
résistance à l'égrainage, lors de la maturation.
G. DELALANDE.
|