L'importance prise par les minerais d'uranium a mis au
premier plan de l'actualité économique le Congo belge, dont les mines en cette
matière sont les premières du monde.
Le Congo belge est cependant peu connu du grand public, car
il est resté fort longtemps une simple colonie d'exploitation, créée par l’initiative
personnelle du roi des Belges, qui en fit don à son pays.
Jusqu'à la guerre dernière, il n'y avait pas d'industrie, et
toute l'économie se situait dans le commerce d'exportation. Il n'en est plus de
même actuellement. On a même conçu un plan d’équipement industriel pour la
transformation sur place des matières premières, avec exportation ultérieure de
produits finis. C'est aussi là une garantie en cas de guerre européenne, et le
Congo, comme l'Union Sud-Africaine ou l'Amérique latine, est devenu un immense
réservoir de capitaux, toujours à la recherche de placements « de père de
famille ». C'est aussi une région neuve où maints Européens de tous pays,
aux grandes aspirations, vont se fixer pour édifier une fortune quasi certaine :
celle des pionniers.
Le Congo belge est situé sur la majeure partie du bassin du
fleuve de même nom, et, avec près de deux millions et demi de kilomètres carrés,
sa superficie, représente plus de quatre fois celle de la France.
Sa structure est en forme d'immense cuvette ouverte vers
l'A. É. F. avec un cadre de territoires plus élevés. L'altitude moyenne est de
400 mètres ce qui, par ailleurs, n'empêche pas le sol d'être parfois marécageux,
riche en alluvions et de ce fait, fertile pour l'agriculture.
La température est moyennement élevée avec 25°, mais
relativement supportable, car il n'y a pas de grandes variations entre le jour
et la nuit.
Les pluies sont à la fois régulières et abondantes
puisqu'elles totalisent annuellement une hauteur de précipitation de deux
mètres. Toutefois toute une région, axée sur Léopoldville, bénéficie, l'hiver,
de quatre mois de sécheresse relative avec une pluviologie tombant de moitié.
Cette immense région est très moyennement peuplée : une
dizaine de millions de noirs, pour lesquels il n'y a guère plus de 50.000
Européens, ce qui démontre les immenses possibilités d’émigration de cadres
instruits et de direction.
Politiquement, depuis 1907, le Congo est une colonie belge,
après avoir été, en 1885, un État indépendant.
Socialement, la terre se répartit entre trois sortes de
possesseurs : les fonds indigènes, ceux de l'État et ceux acquis par les
colonisateurs ou propriétaires privés.
L'agriculture y est extrêmement riche et prospère, et toutes
les cultures tropicales y sont aisées. Maintes régions assez élevées autorisent
également des cultures européennes, comme celles des céréales et de la pomme de
terre. Des organismes d'État sont extrêmement ouverts aux enseignements des colons
et les aident avec la plue grande cordialité.
Parmi les cultures courantes, on doit citer le riz, le
manioc, le maïs, les arachides, les bananes, qui occupent près de la moitié du
sol. Cultures effectuées avec de grands contrastes, selon les modes indigènes
voisinant immédiatement avec les procédés les plus modernement mécanisés.
Mais le Congo belge est aussi le troisième pays du monde
pour la production de l'huile de palme. Le volume d'affaires lui correspondant
atteint la moitié des exportations congolaises. Le caoutchouc, le café, le thé,
le cacao occupent également des places énormes dans l'économie du pays.
La forêt tropicale, avec la richesse de ses variétés de
bois, est également immense, car elle occupe plus de la moitié de la surface
totale du pays, si les cultures vivrières accaparent la moitié du sol cultivé.
Le cheptel d'élevage ne réunit que deux millions et demi de
têtes, ce qui est fort peu et ouvre la porte aux meilleures perspectives
d'accroissement. Il faut y voir la possibilité d'y trouver un grand réservoir
alimentaire pour l'Europe, en compensation des viandes américaines devenues
trop onéreuses à importer par suite des hausses de changes.
Les petits animaux, ovins, porcins et bovins indigènes,
figurent en nombre double de ceux d'élevage, oscillant entre trois et quatre
millions de têtes, mais ils sont surtout propres à la nourriture indigène et
non à l'exportation, car le rendement d'abatage n'est pas suffisant.
La richesse la plus grande du Congo belge réside en son
sous-sol minier. Mais l'exploitation manque de main-d'œuvre qualifiée et aussi
de cadres d’ingénieurs.
La simple prospection de ces richesses est encore fort loin
d'être terminée. Bien peu de l'ensemble des gisements est exploité, surtout
dans les régions excentriques. Ces gisements sont la propriété de la colonie
avec donations en concessions privées pour l'exploitation.
Cinq richesses principales dominent en la matière : le
cuivre, l'étain, le diamant, l'or et enfin l'uranium.
Les plus importants gisements sont ceux de cuivre. Ils se
situent dans la région du Haut Katanga avec prolongement vers la Rhodésie du
Sud. Les minerais, à très haute teneur cuprique, sont les plus riches de
l'univers, car ils atteignent d'une manière courante 10 p. 100. Mais, si les
réserves minières sont énormes avec des estimations de trente millions de
tonnes, l'exploitation n'en reste que fort partielle, n'arrivant pas à
atteindre encore plus de 175.000 tonnes par an de cuivre, ce qui est de l'ordre
de 6 p. 100 environ de la production mondiale.
L'exploitation des minerais de cuivre est étroitement liée à
celle des recherches d'uranium. Jusque vers 1933, la pechblende congolaise
constituait à l'échelle mondiale un véritable monopole dont bénéficiait seul un
consortium essentiellement belge. Depuis, et pour permettre une extension des
aménagements et équipements, une partie des actions a été cédée à l'Amérique en
contrepartie d'outillages puissants qui ne cesseront de s'accroître. On
escompte pour 1951 une production de quinze cents tonnes d'uranium. Un autre
produit tiré des mêmes minerais est le cobalt.
Une richesse immense du sous-sol congolais est constituée
par l'étain, resté peu prospecté jusqu'à la veille de la dernière guerre, mais
qui a subi une croissance vertigineuse pour parer aux dangers de l'occupation
japonaise en Extrême-Orient. Depuis, la production se tient entre 15 et 17.000
tonnes.
Après l'Afrique du Sud, le Congo est le second pays
producteur de diamants, avec près de huit millions de carats, dont un dixième destiné
à la joaillerie. Il y a encore de l’or, mais sa production a été mal influencée,
par suite de la baisse des cours mondiaux.
À côté de ces fabuleuses richesses, il faut reconnaître que le
Congo est quelque peu déficient en charbon, ce qui limiterait l’aménagement
industriel envisagé. Pour y remédier, on fait, et surtout on fera, appel à
l'énergie électrique par aménagement de l'immense puissance hydraulique du
fleuve Congo, de ses affluents et des lacs.
Actuellement le Congo présente déjà une certaine puissance industrielle
pour la transformation des produits du pays. Mais ceci n'est rien en face des
projets grandioses qui se dessinent et même commencent à se concrétiser.
Comme dans tous les pays neufs, la question des transports
est primordiale, car on ne peut se satisfaire des quelque 12.000 kilomètres de
voies navigables pour drainer les productions du sol et du sous-sol vers les
ports d'embarquement. Il existe bien des chemins de fer, mais leurs 5.000 kilomètres
de voies sont bien insuffisants pour l'immensité du pays. Et c'est ici que la
lutte entre le rail et la route se dresse avec une ampleur gigantesque :
plus de 100.000 kilomètres de routes diverses existent. C'est encore là un immense
débouché d'équipement pour l'industrie automobile avec des camions géants
chargés de 25 tonnes, sinon de véritables trains routiers tirés par de
puissants mototracteurs traînant deux ou trois remorques et constituant des
ensembles de 100 tonnes et plus de chargement.
La dernière guerre a modifié grandement l'exutoire des exportations
du Congo. Il n'en est plus de même, car, pendant l'occupation de l'Occident
européen, on s'est soucié de rechercher des débouchés, et l'Amérique, puis
l'Angleterre ont pris des places prédominantes, bien que la mère patrie continue
à conserver la première place. Dans les échanges internationaux avec le Congo,
la France occupe le douzième rang, alors que le Japon a déjà repris le
cinquième et que l’Allemagne se situe au dixième. Ce sont surtout des vins et alcools
que la France y exporte, avec des machines-outils et quelque peu d'automobiles
et de produits pharmaceutiques. Économiquement, le Congo jouit d'une grande
autonomie ; cependant son budget reste mal équilibré et a besoin des secours
financiers de la Belgique. Un des privilèges de la monnaie congolaise, strictement
indépendante de celle de la mère patrie, est d'être très amplement garantie par
une couverture en or, ce qui autorise très facilement de conserver la parité
entre les francs congolais et belge. Il n'y a pas de banques d'État, mais deux
puissants organismes officiels, bien que privés, l'un pour le crédit et l'autre
pour le financement d'affaires. D'autres établissements existent, mais moins importants.
En conclusion, on peut affirmer que, si le Congo belge est mal
connu des Français, surtout économiquement, sa richesse est aussi immense que
certaine. La preuve en est qu'en dix ans le nombre d'Européens de tous pays qui
sont venus s’y fixer a doublé et qu'ils y bénéficient d'un haut standard de
vie.
Alex ANDRIEU.
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