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Multiplions les perdrix rouges

La multiplication des perdrix rouges sur les chasses françaises a été étudiée depuis longtemps par bon nombre de chasseurs, car c'est un gibier très, attrayant, et l'on est arrivé maintenant à des résultats aussi certains que ceux obtenus avec les perdrix grises.

Le Midi de la France est son habitat préféré, et on ne la voit que peu au nord de la Loire. C'est l'oiseau des terres en friches, des bruyères, des régions arides et sèches, des vignes.

Au point de vue de son alimentation, elle est plus insectivore que la grise, qui ne l'est vraiment que dans son tout jeune âge. La perdrix rouge, dans certaines régions comme la Sologne, voisine avec la grise, les différents terrains que toutes deux affectionnant se trouvant l'un à côté de l'autre.

Nous avons connu bien des essais faits en vue de multiplier la perdrix rouge et dont beaucoup ont été peu brillants. C'est ainsi qu'un propriétaire avait obtenu 4.000 œufs de perdrix rouges du Maroc et, en ayant de trop pour lui-même, avait réparti le surplus dans les élevages de plusieurs de ses amis, par lots de quelques centaines. Or les éclosions donnèrent un très faible pourcentage.

Ces perdreaux, élevés suivant la vieille méthode par la poule de ferme, c'est-à-dire nourris près de la mère éleveuse, elle-même enfermée dans une boîte, à barreaux, et cela Jusqu'à l'âge adulte, n'ont survécu que, jusqu'aux premières gelées, qui ont amené la mort de tous ceux qui n'avaient pas été tués à la chasse. De cela on ne doit pas s'étonner. La différence de climat entre le Maroc et la Sologne est suffisante pour n'être pas supportée par la perdrix rouge d'importation, dans la période des grands froids.

Il semblerait donc préférable de chercher à obtenir des adultes à une distance moins grande, et le seul pays qui pourrait nous en céder est l'Espagne.

Plusieurs démarches pour des exportations de ce pays ont été tentées, particulièrement encore l'hiver dernier, notamment par un de nos principaux importateurs, mais il y eut toujours quelque chose qui en empêcha la réalisation.

A vrai dire, un nombre important de perdrix rouges furent acquises autrefois par des chasseurs du Midi, mais il y eut un déchet énorme dans ces importations, ainsi que nous le confiait un président de fédération de chasseurs qui en fit venir un bon lot. Pourquoi ces pertes ? Tout simplement parce que ceux qui capturèrent ces perdrix s'improvisèrent exportateurs, sans connaître le moins du monde les aléas de ce métier.

Les perdrix reprises étaient capturées dans de mauvaises conditions, conservées dans des locaux trop petits et fort mal nourries jusqu'à l'expédition.

La façon de les emballer fut souvent défectueuse et, à la réception, elles furent généralement lâchées tout de suite sur des chasses sans aucune précaution.

On ne peut s'étonner que des expériences comme celles-là n'aient pas réussi et qu'elles sèment le doute dans l'esprit de certains chasseurs sur la possibilité de multiplier la perdrix rouge par voie d'importation.

Or, si nous examinons les différentes façons pour multiplier le nombre de perdrix rouges dans les chasses, nous voyons que les procédés à employer sont au nombre de cinq, que nous allons énoncer, puis décrire.

  • 1° Importation d'adultes et lâcher sur la chasse.
  • 2° Importation d'adultes et mise en parquets de reproduction, où le couple fera sa couvée comme au naturel (mise en liberté dans la huitaine de l'éclosion).
  • 3° Importation d'œufs à mettre à couver sous des poules de ferme et élevage des jeunes par ces poules jusqu'à l'âge adulte.
  • 4° Importation ou reprise en France de perdrix grises adultes et mise en parquet de reproduction naturelle. Pendant l'incubation, substitution dans les nids des œufs de perdrix grises par des œufs de rouges.
  • 5° Importation d'œufs de perdrix rouges à mettre à couver et éclore sous des poules de ferme. Adoption des jeunes par des coqs perdrix ou par des couples de perdrix grises, dans la huitaine de l'éclosion.

1° Importation de perdrix rouges adultes et lâcher sur la Chasse.

— Cette méthode est la plus simple.

Il suffit d'avoir des couples d'oiseaux sains et robustes pour obtenir de nombreuses compagnies à la période de multiplication du gibier.

Cependant il y a loin de la coupe aux lèvres et, si nous disons que ce moyen est le plus simple, c'est en supposant que tout marchera bien, depuis la capture sur le territoire étranger jusqu'au moment où le chasseur n'aura plus qu'à abattre les perdrix qui se lèveront devant lui.

Mais que d'obstacles sur la route !

C'est tout un chapitre que nous écrirons un jour et dans lequel on verra que, si c'est un moyen à employer pour repeupler un territoire qui a été complètement dévasté, il y a mieux à faire pour augmenter la densité d'été, comme nous le verrons plus loin.

2° Importation de perdrix rouges adultes et mise en parquets de reproduction, où le couple fera sa couvée comme au naturel.

— Cette méthode, qui consiste dans la reproduction naturelle des perdrix sauvages, mises par couples entravés dans des parquets non couverts, est appelée dans le monde de la chasse « méthode Dannin ».

Elle a été inventée par mon père vers 1880, à la faisanderie de Mériel (Seine-et-Oise), dont il était propriétaire, et a été connue des chasseurs et éleveurs de gibier par les expériences qui ont été faites dans les années suivantes.

Une commission comprenant les plus grands noms des chasseurs de l'époque surveilla les différentes phases de la reproduction et en publia un rapport dans un petit journal appelé La Perdrix, créé en vue de diffuser cette méthode, qui fut ensuite adoptée dans un grand nombre de domaines importants.

Appliquée tout d'abord à la perdrix grise, la méthode s'est révélée efficace pour la perdrix rouge, mais à la condition d'avoir des parquets plus grands (150 mètres carrés au lieu de 80 mètres carrés), et surtout de lui donner des espaces partiellement non cultivés et portant la caractéristique des terrains qu'elle préfère : sol sablonneux, pierreux, sec et couvert en partie de petits arbustes.

Ce procédé, malgré sa simplicité, ne peut être mis en application par des gens inexpérimentés, car il y a les questions de soins, d'alimentation, de surveillance qui jouent un grand rôle dans la réussite, et il est nécessaire d'avoir un garde ayant déjà pratiqué un peu l'élevage.

Cette méthode excellente n'est très onéreuse que la première année, en raison des parcs à construire, et mieux vaut, si l'on n'a pas de grosses sommes à dépenser, commencer par-le procédé de l'adoption que nous indiquerons plus loin.

3° importation d'œufs à mettre à couver sous les poules de ferme, et élevage des Jeunes par ces poules jusqu'à l'âge adulte.

— Ceci, c'est la vieille méthode d'élevage des perdrix et des faisans, fortement enracinée chez certains propriétaires qui ne voient que par elle, tout en déplorant cependant qu'elle coûte si cher et que le gibier provenant de ce genre d'élevage se mette en bandes pour fuir très loin sitôt les premières chasses.

Nous n'avons jamais conseillé cette façon de produire des perdrix grises ; nous la déconseillons également pour la perdrix rouge, pour laquelle elle présente encore bien plus de difficultés.

4° importation de perdrix grises adultes et mise en parquet de reproduction naturelle. Pendant l'incubation, substitution dans les nids des œufs de grises par des œufs de rouges.

— Cette méthode était employée chez mon père, à la faisanderie de Mériel, et l'on peut lire dans l'ouvrage Chasses bien tenues, du vicomte G. du Pontavice, paru en 1890, ce qui suit :

« Le repeuplement en perdrix rouges a, jusqu'à présent, été réputé comme impossible, et nous ne connaissons personne ayant réussi à maintenir ces oiseaux dans une chasse si le terrain n'est pas absolument à leur convenance.

Le problème semble avoir été résolu à la faisanderie de Mériel. Lorsque les couples de perdrix grises ont terminé leur ponte et que la femelle a pris le nid, un garde (après dix jours, alors que la fièvre d'incubation est tombée) opère la substitution, opération qui consiste à substituer aux œufs de perdrix grises des œufs de perdrix rouges mis à incuber à la même date. Cela fait, il ne s'agit plus maintenant que de laisser la nature faire son œuvre.

Au bout du temps normal, l'éclosion arrive et le couple de perdrix grises emmène avec orgueil une superbe couvée de jeunes rouges qu'il est tout prêt à choyer comme ses propres enfants. On comprend toute l'ingéniosité du système. Il est simplement basé sur l'amour maternel bien connu de la perdrix grise, d'une part, et, de l'Autre, sur son cantonnement facile et son attachement au sol sur lequel elle élève sa couvée. »

Ce n'est cependant pas encore le moyen que nous indiquerons comme le plus pratique pour obtenir des couvées de rouges, car il est coûteux.

Il faut, en effet, dans ce cas, avoir des parquets de 80 mètres carrés, en nombre égal à celui des couples de grises dont on veut avoir la ponte en parquets. Dans ce système, les œufs retirés aux grises servent à renforcer les autres compagnies de perdreaux gris, que l'on peut porter à 30 têtes par couple,

5° Importation d'oeufs de perdrix rouges à mettre à couver sous des poules de ferme et adoption, dans la huitaine de l'éclosion. des jeunes obtenus soit par des coqs perdrix gris, soit par des couples de perdrix grises.

— Voilà, quand on veut faire le minimum de dépenses, le meilleur moyen à employer. Pour cela que faut-il faire ? Acheter en décembre janvier un certain nombre de coqs perdrix gris que l'on garde entravés en parquets. On leur donne une nourriture judicieusement choisie pour qu'ils se maintiennent en bon état de santé.

Quand les perdreaux rouges sont éclos sous les poules de ferme, on les met, dès le deuxième ou troisième jour, en présence du coq perdrix gris.

Celui-ci les adopte assez rapidement et après quelques jours, quand on s'est assuré que le coq est bien attaché aux jeunes, on donne la liberté à la petite compagnie.

Mais tout ceci demande à être expliqué de façon plus détaillée, car, suivant les précautions qui auront été prises, on réussira l'adoption ou l'on n'aura qu'un échec.

Et si on a souvent dit du mal de cette méthode, c'est uniquement parce qu'elle a été employée de façon défectueuse. Avoir un bon procédé de multiplication des perdrix ne suffit pas pour en augmenter le nombre. Il faut savoir tirer parti au maximum du procédé et, pour cela, connaître très exactement la façon de l'appliquer, ce sur quoi nous reviendrons bientôt.

René DANNIN

Expert en agriculture (chasse et gibier) près les Tribunaux.

Le Chasseur Français N°658 Décembre 1951 Page 716