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Un enseignement indispensable

La natation à l'école

Malgré son incontestable nécessité, l'enseignement de la natation est très loin d'être organisé dans les écoles — en dehors des villes d'une certaine importance, — du fait de la difficulté matérielle de trouver à proximité un cours d'eau, ou des dépenses à engager pour construire une piscine.

En ce moment, où l'on s'occupe tant de l'enseignement et de son perfectionnement, il faut insister sur la nécessité de multiplier sur toute l'étendue du territoire les installations nécessaires et suffisantes pour vulgariser la natation. Or une enquête effectuée en 1937 par les services de Léo Lagrange a montré que, mises à part certaines régions montagneuses, il était possible, dans huit localités sur dix en France; de trouver à proximité un cours d'eau susceptible d'aménagements rudimentaires et à peu de frais.

Cet appel n'est pas seulement inspiré par le goût du sport et pour le plaisir des enfants. La natation ne doit pas être considérée seulement comme un sport, mais comme un chapitre capital de l'éducation physique et hygiénique. Elle constitue non pas un enseignement complémentaire de luxe, mais un enseignement essentiellement utilitaire, dont voici les avantages principaux :

Elle est un merveilleux complément de la gymnastique scolaire. Son action sur le squelette en pleine croissance est telle que — à condition, bien entendu, d'utiliser la brasse et le crawl correctement nagés — depuis quelques années on l'utilise avec succès pour corriger les déformations vertébrales (scolioses surtout), lorsque celles-ci sont encore souples. C'est le cas des scolioses dites « d'attitude » à leur début, qui constituent la grande majorité de ces déformations en milieu scolaire.

En développant la musculature avec symétrie, elle a donné aussi de bons résultats dans la rééducation des convalescents de poliomyélite.

Il est trop banal de rappeler la nécessité de savoir nager pour se sauver soi-même et sauver son prochain en cas de naufrage ou d'accident, et de s'étonner que le brevet de nageur ne soit pas exigé dans certaines professions ; que l'enseignement obligatoire de la natation ne soit pas encore totalement imposé à l'université et dans l'armée, ni même dans certains services de la marine, ce qui est un comble quand on s'engage « dans la flotte » pour toute sa carrière.

Mais l'apprentissage de la natation a son intérêt éducatif non seulement dans le domaine physiologique et sportif, mais aussi sur le plan pédagogique. En effet, un grand nombre d'enfants ont une crainte instinctive de l'eau comme ils l'ont du feu. C'est rendre un grand service à ceux-ci que de les aider à vaincre cette crainte, à faire de l'eau une amie, à discipliner leur caractère et à affirmer leur volonté. D'autre part, le bain, s'il n'est pas poussé jusqu'à la fatigue ou au refroidissement, est pour un cerveau d'enfant une merveilleuse détente.

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À toute Initiative pertinente, et même de première utilité, on oppose des objections. Des esprits chagrins imputeront à la natation, surtout en piscine, des otites, des conjonctivites, des angines ou des affections pleuro pulmonaires qui, en effet, ont été parfois observées et qui ne sont pas sans une certaine gravité.

C ces objections, parfaitement fondées, nous répondrons que, ici comme dans les autres sports, ce n'est pas la natation qui est responsable de ces accidents, ce sont les mauvaises conditions dans lesquelles on la pratique, ou les négligences des organisateurs ou des moniteurs responsables.

Pour ce qui concerne les infections des oreilles, des yeux, du pharynx et des sinus, nous avons exposé dans cette rubrique du Chasseur Français comment on arrive, facilement et à peu de frais, à réaliser une stérilisation très efficace de l’eau des piscines par l'aération, l'ensoleillement et la javellisation (encore appelée « verdunisation »). À plus forte raison en province, où les piscines sont généralement branchées sur un cours d'eau, et par conséquent à eau courante et constamment renouvelée.

Quant aux accidents par refroidissement ou surmenage, ils ne sont pas dus, eux non plus, à la natation, mais à l'imprudence ou au manque de surveillance. Ce n'est pas spécialement dans l'eau qu'on peut contracter un rhume ou une pneumonie, si l'on y reste des heures par temps trop froid, ou une insolation par soleil trop ardent. Les mêmes accidents peuvent survenir sur le « plancher des vaches », si l'on y commet les mêmes erreurs !

Il faut souhaiter — et au besoin exiger — que, dans les améliorations que l'on apporte actuellement aux écoles, à leurs installations comme à leurs programmes, on n'oublie pas la natation, au moins aussi utile dans la vie que la connaissance de l'histoire du vase de Soissons ou de la date exacte de toutes les batailles livrées par Vercingétorix ou par César. Le « brevet du nageur scolaire », qui est institué dans des villes de certaine importance en France et en Belgique, mérite d'être généralisé dans tous les cas où il n'y a pas impossibilité absolue d'organiser une piscine ou un bain, même rudimentaire. Si l'on veut bien faire un effort, on se rendra vite compte que cette impossibilité constitue l'exception.

Dr Robert Jeudon.

Le Chasseur Français N°658 Décembre 1951 Page 732