Le temps déplorable de juillet et août n'a pas empêché les
campeurs de pratiquer leur passe-temps favori.
D'autre part, les difficultés de la vie présente ont amené
un nouvel afflux de néophytes vers le camping.
Pour les campeurs randonneurs, peu de difficultés
supplémentaires par rapport à l'an passé. Il reste toujours facile, avec un peu
d'habitude et de correction élémentaire, de trouver le terrain nécessaire pour
passer une ou deux nuits — et cela d'autant plus facilement que le randonneur
est en général sauvage et qu'il recherche les endroits peu fréquentés.
Pour les campeurs familiaux, et pour toute la masse des
campeurs « de vacances », le problème des terrains de camping s'est posé,
durant les dernières vacances, avec plus d'acuité que jamais.
De tous côtés, à la rentrée, j'ai reçu des lettres me
signalant la difficulté de trouver le camp fixe organisé, et; malheureusement
aussi, l'incompréhension totale de certaines municipalités à l'égard de ce
problème d'importance vitale.
Car nous ne saurions trop répéter que ce mouvement vers la
vie au grand air a dépassé le stade sportif et idéaliste des premiers campeurs,
et qu'il est devenu un fait social dont personne n'a le droit de se désintéresser.
Le camping est entré dans les mœurs, il ne peut plus être
considéré comme un engouement passager. Il faut compter avec lui et permettre à
cette nouvelle catégorie d'estivants de passer des vacances dans les meilleures
conditions d'hygiène, de tranquillité et de repos.
Or, à l'heure actuelle, trop de municipalités, trop de
Syndicats d'initiatives considèrent encore le campeur comme un être à part,
dont la présence est indésirable et qu'il faut reléguer dans des parcs — genre
camps de concentration — afin qu'il soit le plus loin possible de l'estivant classique
habitant l'hôtel et fréquentant le casino (1).
Partout, cependant, une catégorie de personnes a bien
compris son intérêt : ce sont les commerçants. Et l'on m'a signalé dans les
gorges du Tarn un petit camp délicieux, aménagé simplement, mais correctement,
et dont l’installation avait été supportée, outre une subvention municipale,
par le Syndicat des commerçants de la localité. Personne n'eut à se plaindre de
cette initiative, ni naturellement les commerçants, qui trouvèrent de nouveaux
clients, ni même les hôteliers de l'endroit, car leurs hôtels étaient pleins...
On m'a signalé d'ailleurs, dans la même région, des
hôteliers à la page qui avalent eux-mêmes ouvert à proximité de leur hôtel des
parcs de camping et qui avaient fait une pension pour les repas...
Malheureusement il n'en est pas de même partout, et les
lettres me signalant des abus sont, hélas ! beaucoup plus nombreuses que les
précédentes.
C'est ainsi que dans le Puy-de-Dôme, dans une station
climatique bien connue, les campeurs furent entassés sur un terrain indigne de
cette riche municipalité.
Prairie non fauchée, deux w.-c. le plus souvent hors
d'usage, une fosse à ordures toujours pleine, un seul robinet d'eau pour tout
le camp.
Aucune clôture ne séparait le camp de la route nationale, et
le camp était occupé, lorsque mon correspondant y arriva, par une série de
roulottes de romanichels qui avaient été aimablement parquées avec les
campeurs, ce qui dénote bien l'état d'esprit de cette commune.
Mais, par contre, la taxe perçue dépassait de beaucoup les
prix habituellement pratiqués.
Un autre campeur me signale des camps sur la côte Atlantique.
Le premier à 1 kilomètres de la mer, le long du chemin de fer, dans une cuvette
sablonneuse presque inaccessible aux voitures, mais dont le principal avantage
est de cacher les campeurs aux yeux de la clientèle habituelle. Le second a été
vite trouvé. C'est le champ de foire avec la proximité de romanis.
Le troisième a l'avantage d'être gratuit, mais aucune
installation sanitaire n'y est prévue. On voit ce que cela peut donner.
Enfin, j'ai reçu un long rapport sur un camp organisé depuis
quelques années par un particulier sur la côte d'Azur et où ont campé cet été,
en même temps, jusqu'à plus de 3.000 campeurs (la valeur d'une sous-préfecture) !
Installations hygiéniques totalement déficientes, service de
nettoiement non organisé, surveillance inexistante, service de courrier
déplorable (lettres, télégrammes ou autres objets postaux déposés en vrac par
le facteur dans une caisse où chacun cherche son bien).
Or ce camp est ce que j'appelle un camp commercial ! Le
séjour y est payant et l'on voit ce que peut représenter la somme donnée par
3.000 campeurs chaque jour !
Ces scandales doivent cesser !
II est un fait que, beaucoup plus que par le passé, les
campeurs familiaux ou « de vacances » recherchent un endroit
tranquille, aménagé, propre et agréable. Ces campeurs veulent bien acquitter
une taxe honnête, mais ils ne veulent pas être considérés comme des
romanichels, ni être exploités sans vergogne.
Dans la circulaire provisoire 1950, éditée par la direction
générale de la Jeunesse et des Sports, j'ai relevé avec plaisir, dans le titre
premier : Généralités, page 5, cette phrase : La pratique du
camping doit être considérée comme étant d'intérêt public.
L'arrêté du 20 juin 1960 à créé d'autre part des commissions
départementales de camping sous la présidence de MM. les Préfets.
La plupart des départements ont suivi les termes de l'arrêté
en question et les commissions sont créées. Leur composition est souvent assez
curieuse. Mais ceci est une autre histoire !
Qu 'attendent-elles pour examiner les conditions d'ouverture
et de fonctionnement des camps de leur département ? Voilà du travail pour
elles pour cet hiver ! La saison 1952 débutera dans quatre mois. Il n'y a
pas un instant à perdre.
Jacques-J. BOUSQUET,
Président du Camping-Club de France.
(1) Il est Juste de reconnaître que j'ai reçu également des
rapports me signalant d'excellentes organisations communales ou privées. Puissent-elles
servir d'exemple pour 1952.
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