Quand une jument a été présentée à la saillie d'un étalon et
qu'elle a été fécondée, c'est à dire qu'il y a eu rencontre et fusionnement
entre un des spermatozoïdes apportés par le mâle et un des ovules à maturité
libérés par la femelle au court des chaleurs pour la formation d'un œuf qui se
fixe à la muqueuse utérine, elle entre de ce fait en gestation.
On désigne couramment par le même mot, ou plus rarement celui
de plénitude, l'état physiologique particulier de la femelle et le temps
pendant lequel elle porte et nourrit dans son utérus le ou les fœtus dont elle
a la charge d'assurer le développement jusqu'au moment de l'accouchement,
qualifié le plus souvent de « mise bas », « parturition »
ou « part » chez les grandes femelles domestiques.
Chez les juments, les naissances de jumeaux sont
excessivement rares, et il y a lieu de s'en réjouir au lieu de le regretter,
car, dans la pratique de l'élevage, elle est plus souvent cause de déceptions
que d'occasions de profits supplémentaires.
La durée de la gestation, chez les juments, est
ordinairement estimée à onze mois et quelques jours, sans autre précision, car
elle est très variable avec les individus de chaque espèce, dans des limites
souvent déconcertantes. En des temps déjà lointains, Lafont-Pouloti, hippologue
réputé, citait déjà plusieurs exemples de juments ayant porté au delà de douze
mois et même au delà du treizième (?), et aussi quelques-unes n'ayant pas atteint
le onzième mois, mais en soulignant qu'il s'agissait là de rares exceptions.
Plus récemment, le vétérinaire Tessier, à la suite d'observations faites sur
278 juments, a enregistré que, sur ce nombre, 23 ont mis bas entre le 322e
et le 330e jour après la fécondation, 227 entre le 330e et
le 359e jour et 28 entre le 361e et le 419e jour,
soit un écart de 97 jours, qui ne manque pas d'être surprenant. Les
constatations qui précèdent montrent que le temps de onze mois est le plus
souvent passé — 255 cas sur 278 — et que le terme le plus probable se trouve
entre 330 et 359 jours.
Mais, pour les besoins de la pratique, ce n'est pas la durée
moyenne ni la durée extrême de la gestation qui importent le plus ; ce qu'il
est intéressant de connaître, c'est la moindre durée possible, afin de prendre
en temps opportun toutes les précautions nécessaires pour favoriser la
parturition et la naissance d'un poulain qui peut être parfaitement viable, si
prématurée qu'elle soit.
Mais, avant que de penser au terme probable de la gestation,
la plupart des éleveurs — de profession ou d'occasion ! — se montrent
impatients de connaître son existence réelle et confirmée, soit pour envisager
la possibilité d'une nouvelle saillie avant la fin de la saison de monte, soit
pour décider si la jument sera conservée pour être livrée à la reproduction
l'année suivante.
Le signe le plus certain de la gestation se manifeste dès
son début par le refus des approches de l'étalon, pendant l'épreuve de la « barre »,
qui se fait couramment dans toutes les stations de monte, et aussi par la
cessation des chaleurs et l'absence de leur réapparition aux périodes
ordinaires, celles-ci pouvant se produire plusieurs fois par saison, pendant
une durée de dix à vingt jours environ.
Parmi les signes secondaires, nous citerons entre autres les
modifications du caractère, l'augmentation du volume du ventre, puis des
mamelles, une tendance marquée à l'embonpoint, etc., qui apparaissent à des
échéances très variables, selon que l'on a affaire à une jument fécondée pour
la première fois et continuant à travailler, ou à une poulinière produisant
régulièrement chaque année en restant au pâturage. D'une manière générale, ces
simples indications, fort variables avec les individus, ne se produisent qu'à
assez longue échéance et sont souvent difficiles à interpréter, quand elles ne
passent pas tout à fait inaperçues.
Nous avons souvenir d'avoir vu courir, au début du siècle,
sur le champ de courses d'Auteuil, le cheval « Court-sans-Pattes »,
au nom évocateur et ainsi baptisé parce que, au cours d'une gestation passée
longtemps inaperçue, il en avait à plusieurs reprises passé les obstacles...
dans le ventre de sa mère.
L'observation des mouvements du fœtus, soit à l’œil, soit à
la main par la palpation du flanc (toucher abdominal), l'exploration rectale,
l'examen au spéculum des parois vaginales et du col de la matrice donnent déjà
des renseignements plus précis, dès le courant du deuxième mois de la gestation
; mais ces différents procédés ne sont pas sans risques, et il est prudent d'en
laisser le soin et la décision au vétérinaire, dont l'habileté et l'expérience
seront maintes fois mises à l'épreuve.
La gestation provoque chez la jument des modifications
profondes de l'organisme, se traduisant notamment par l'apparition de certains
corps spécifiques dans les humeurs. Le sang et l'urine contiennent, à des
époques plus ou moins précoces, des quantités variables d'hormones, pouvant
servir à un diagnostic biologique de la gestation, qui, dans la pratique
courante actuelle, donne un taux de résultats positifs s'élevant à plus de 90
p, 100.
L'examen biologique du sang donne les renseignements précis
depuis le quarantième au centième jour après la saillie, et l'inoculation
d'urine à de petits rongeurs, rats ou souris, fait de même depuis le
soixante-dixième jour jusqu'à la date de la mise bas. En envoyant soit 50
centimètres cubes de sang, soit 20 centimètres cubes d'urine à un laboratoire
organisé et spécialisé pour ce genre d'examen, le résultat peut être obtenu
dans les quinze jours et permettre de prendre avec certitude une décision
favorable à la bonne exploitation d'une jument et aux intérêts de son
propriétaire.
J.-H. Bernard.
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