Abstraction faite du trop fameux et hypothétique serpent de
mer, on sait que les plus grands ophidiens du globe appartiennent à la famille
des pythonidés, laquelle comprend les boas et les pythons.
Les boas, ou serpents d'eau, ne se rencontrent qu'en
Amérique — Centre et Sud ; ils existent également aux Antilles.
L'anaconda, ou eunecte, est un boa.
Les pythons, eux, appartiennent à la faune de l'ancien
continent.
La brousse aofienne en recèle un bon nombre ; ces serpents
peuvent atteindre, dit-on, 10 mètres de longueur; je n'en ai jamais vu qui
dépassaient 7 mètres.
Ils ne sont pas venimeux; ce sont des animaux dotés d'une
puissante musculature qui leur permet de broyer, d'étouffer leur proie avant de
l'engloutir.
Ils vivent de poissons, et surtout de petits et moyens
mammifères.
Ils sont capables d'étouffer de grands quadrumanes.
L'homme n'est pas exempt d'un pareil accident, mais on a
beaucoup exagéré les méfaits de cet ordre ; par ailleurs, c'est à l'imprudence
— absence d'arme — à l'inattention — en brousse on doit savoir où l’on marche —
et à la répulsion inhibitive qu'éprouvent la majorité des hommes au contact des
reptiles que l'on doit attribuer la définitive victoire du serpent.
Un python pénétrant dans une habitation peut faire disparaître
un jeune enfant : c'est encore un accident dû à un manque de surveillance.
Quoi qu'il en soit de ces possibilités, aussi dramatiques
que rares, on peut dire que les pythons fuient devant l'homme.
Parfois, se fiant à un certain mimétisme qui leur permet de
se confondre avec les troncs et les branches des arbres où ils sont enroulés,
ils ne bougent pas à rapproche des humains, mais ce mimétisme est insuffisant,
il ne trompe pas le chasseur doué d'une bonne vue.
C'est toujours par surprise que j'ai pu en tuer et jamais je
n'en ai vu esquisser un mouvement de défense ou d'attaque ; ils ne songent
qu'à fuir.
J'en, ai tué un au moment où il s'apprêtait à déglutir une
petite antilope dite biche-cochon (1); un coup de mon calibre 12-à plombs le
décapita ; la petite antilope, tombée à terre, n'était plus qu'une loque
informe, et c'est grâce à sa tête à peu près intacte que je pus l'identifier.
Le premier python dont j'ai eu la peau — expression
doublement exacte — fut tué d'une manière peu ordinaire.
Parmi les annexes d'un de mes postes, au Sénégal, était un
poulailler où s'engraissaient les futures victimes de nos appétits de jeunes
coloniaux au foie encore intact.
Quelques belles volailles ayant disparu, des traces
conduisirent le cuisinier jusqu'à une profonde excavation où s'était retiré le
chapardeur présumé.
On m'appela et je vis un python tranquillement lové qui
dormait; il digérait, sans doute.
Je réclamai du silence et ma carabine Flobert 6 mm. bosquette
; malgré les objurgations de mon contremaître indigène, très prudent, je
m'avançai avec précaution et, à moins de quatre pas, ma petite balle creva la
cervelle du scélérat ; je dus reculer en vitesse : quelle détente, quelles
contorsions ! Mais rien n'était commandé ; c'était une série de mouvements
désordonnés, réflexes qui entraînèrent la régurgitation d'une magnifique
pintade au plumage visqueux et de deux blocs gélatineux, restes des deux coqs
manquant à la basse-cour.
Le gourmand avait trouvé le moyen d'avaler ces trois
volatiles après avoir crevé une grille rongée par la rouille.
La bête avait 6 mètres sans la tête, qu'un coup intempestif
de machette avait fait sauter au cours du dépeçage.
Plus tard, j'ai tué d'autres pythons sans aucun incident, et
toujours d'un coup de mon calibre 12 chargé de grenaille tiré à la tête et à 10
mètres au plus, ce qui, à mon avis, est le plus sûr moyen de servir ces
reptiles.
MENGARDE.
(1) La biche-cochon est le céphalope (Sylvicapra grammia),
petite antilope basse sur pattes qui vit dans les forêts humides subtropicales
et équatoriales ; elles ne dédaignent pas de patauger dans la vase des mares sylvestres.
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