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Philatélie

Marcophilie

On désigne sous le nom de marques postales ces indications d'abord manuscrites, puis obtenues au moyen d'un tampon, que l'on rencontre sur les anciennes correspondances, et qui avaient le plus souvent pour objet d'indiquer que le port de la lettre était payé ou non au départ, ou bien encore que cette lettre provenait d'une certaine localité, ce qui devait permettre de calculer le montant de la taxe.

La collection de ces marques est d'un intérêt historique incontestable. Elle ouvre de très larges horizons à ceux qui s'y consacrent et leur permet de réunir des documents d'une séduisante variété.

A l'époque lointaine des messagers, l'Administration générale des Postes formait deux services distincts : la poste aux chevaux ou messagerie, réservée au transport des voyageurs et des colis, et la poste aux lettres, chargée de celui des correspondances. En 1787, un édit de Louis XVI devait réunir en un seul ces deux services et, trois années plus tard, l'Assemblée Constituante, après avoir supprimé le régime des fermes, érigeait les postes en monopole au profit de l'État, système qui subsiste encore aujourd'hui.

C'était, à l'origine, avec le messager que l'expéditeur d'une correspondance se mettait en rapport pour convenir du prix de l'entremise. Non pour en effectuer le règlement, mais simplement afin de pouvoir noter, par un chiffre manuscrit tracé en travers de l'adresse, la taxe—en -décimes —que le destinataire avait à payer. Ainsi le voulait une vieille coutume, née de la crainte que la lettre ne parvînt pas si la taxe était payée au départ, que l'on retrouve encore au milieu du XVIIe siècle et alors que, déjà, le service postal était réglementé et qu'un tarif était établi.

Les marques de départ et d'arrivée sont les plus anciennes empreintes qui ont été frappées à l'aide d'un cachet de bois ou de métal. Ce sont aussi les plus répandues. Portant le nom de la ville, précédé parfois, pour celles de départ, du mot « de », elles remontent, en France, à l'année 1695 (de Valence).

Avant la Révolution, ces marques se présentaient sous la forme d'estampilles faites de caractères plus ou moins gros et en général sur une ligne, appliquées à l'encre grasse en noir, exceptionnellement en rouge ou en bleu, et même sans encre, en creux, sur les correspondances. Il en existe où le nom de la ville est abrégé (Stras., Strasbourg) ; d'autres où il est accompagné de celui de la province à laquelle la ville appartenait (Bourg-en-Guienne) ; certaines, enfin, encadrées ou ornées de fleurs de lis, d'une couronne..., sont de forme et d'aspect très agréables. Vers 1725, la préposition « de » disparut.

A la Révolution, les cachets indiqueront, au-dessus du nom de la ville, le numéro du département, ce dernier entre deux P, pour les lettres en port payé. Les noms des régions temporairement annexées, ceux dont certaines villes furent rebaptisées (La Montagne-du-Bon-Air : Versailles ; Bar-sur-Ornain : Bar-le-Duc ; Ville-Affranchie : Lyon...) sont particulièrement recherchés.

Un bureau de poste secondaire, dit de distribution, sera affecté plus tard aux localités dont l'importance ne justifiera pas un bureau de recettes. L'estampille donnera alors, toujours surmontés du numéro du département en italique, le nom du bureau de distribution et, en capitales, celui du bureau de recettes. Ce dernier nom disparaîtra d'ailleurs assez rapidement sur les marques.

Avant l'invention du timbre-poste, il était de pratique courante que le destinataire d'une correspondance en réglât les frais de port. L'ancienne coutume de l'envoi en port dû, dont nous parlons plus haut, et qui avait été inspirée par la prudence, se maintenait dans la plupart des cas, le port payé étant généralement considéré par la personne recevant une lettre comme une offense parce qu'il laissait entendre qu'elle n'avait pas les moyens d'en payer le transport. Peu courant, le port payé était surtout en usage dans les correspondances administratives. On l'employait quelquefois aussi dans les correspondances commerciales.

Les marques de port payé sont, sous une forme primitive, les véritables ancêtres de la figurine postale. Ce furent tout d'abord des mentions à la main ; Franc, Franc de port, Franco, Port payé... que remplacèrent, au milieu du XVIIIe siècle, des estampilles spéciales de Port franc ou de Port payé, dont la forme, souvent abrégée et même réduite aux initiales P. P., était très variable. Certaines de ces estampilles, comme celles d'Amiens, Arras, Metz, Brest, Lyon, Chalon, Dammartin, Saint-Mihiel, très finement ornementées, sont du meilleur effet. On y voit la couronne royale, la fleur de lis, des fleurons, les armoiries de la ville...

Comme la poste officielle, les Petites Postes de Paris et de province étaient pourvues de marques, aujourd'hui devenues fort rares. Trois cachets étaient ordinairement employés par la Petite Poste de Paris. Une lettre dans un cercle indiquait le bureau expéditeur; un numéro, la levée; une autre griffe, la date du départ, mais sans mention du mois.

Les marques d'armées remontent à-la guerre de Hollande. Elles consistaient, à l'origine, en une inscription manuscrite du nom de l'armée d'où était expédiée la correspondance. Des estampilles furent utilisées lors des campagnes françaises qui suivirent. Particulièrement prisées en raison des événements historiques qu'elles rappellent, elles font revivre les fortunes diverses de nos armes depuis Louis XIV.

En 1760, on commença à se servir de timbres à date, simplement composés d'un ou de deux chiffres. Dès 1783, ces timbres portèrent le millésime de l'année. En 1828, ils devinrent des cachets à date entière, de forme rectangulaire, qui se transformèrent à leur tour, en 1830, en cachets circulaires assez semblables à ceux que nous avons de nos jours.

Une autre catégorie de marques postales est celle des Bureaux de Poste spéciaux, créés à l'usage de hautes personnalités, d'Assemblées politiques, de Cours royales ou encore de manifestations diverses, telles qu'expositions, foires, meetings, etc. Avec leurs textes : Poste près les Anciens, Poste près les 500, poste près le Dr Exécutif, les estampilles des bureaux spéciaux de la période révolutionnaire, qui sont parmi les premières en date de cette sorte, évoquent tout un passé.

Ajoutons que de nombreuses marques d'entrée en France frappèrent, à partir du XVIIIe siècle, les lettres en provenance de nos colonies et de l'étranger.

DRAIM.

Le Chasseur Français N°658 Décembre 1951 Page 762