Ce n'est qu'au cours du XVIIe siècle que le café fut pour la
première fois transplanté hors de l'Arabie, bien qu'il soit prouvé que le
caféier ait de tout temps poussé à l'état sauvage dans plus d'une région chaude
de divers continents.
C'est un Hollandais, Witson, qui, le premier, apporta dans
l'île de Java des plants de caféier du Yémen.
De Batavia, des colons néerlandais en envoyèrent à
Amsterdam, où ils furent cultivés en serre. D'Amsterdam, on en expédia dans la
Guyane hollandaise, à Surinam.
Voici le calendrier de la plantation du premier caféier de
culture dans les principaux pays producteurs. Vers 1685, Java ; 1717, île
Bourbon (la Réunion) ; 1718, Guyane hollandaise ; 1725, Guyane française ;
1723, Martinique ; 1730, Guadeloupe ; 1728, Jamaïque ; 1762, Brésil ;
1797, Cuba.
Les héros du Café
— Les Hollandais commencèrent à punir d'abord férocement
ceux qui essayaient de faire sortir des cosses de café de leur Guyane.
M. de La Motte d'Aigron obtint d'un certain Mourgues qu'il
tentât de sortir de cette Guyane hollandaise du café frais cueilli caché dans
son linge. C'était en 1722. Aussitôt arrivé à Cayenne, Mourgues ensemença les
cosses.
Il existe une autre version de la culture du premier café
français. Elle est donnée par le botaniste Fusée Amblot.
Un contumace français réfugié à Surinam fut pris de la
nostalgie de Cayenne. Il promit que, si on le laissait revenir librement, il
rapporterait du café au péril de sa vie.
Il réussit.
On lui pardonna.
Le premier café du Brésil fut du café français de Cayenne,
implanté dans son pays par le lieutenant Francisco de Mello Palheta. La
production brésilienne finit par tant se développer qu'elle dépassa de trois
millions de sacs les besoins du monde entier.
De l'Arabie à la Réunion
— C'est une voie différente que suivit le premier café de la
Réunion, où pourtant, de toujours, le café avait poussé librement, mais où l'on
ignorait son usage.
Ce sont des voyageurs venus d'Arabie qui, vers 1715,
initièrent les habitants de l'île Bourbon à la préparation du café.
Toutefois les plantations actuelles ne descendent pas des
vieux caféiers de l'île, mais d'autres plants que, pour le compte de la
Compagnie des Indes, le capitaine Dufournet-Grenet était allé chercher en
Arabie.
Les martyrs du café
— Le premier café des Antilles date des débuts du XVIIe
siècle.
A ce propos, beaucoup d'amateurs de café ne se doutent pas
de ce que certains hommes ont dû souffrir pour qu'ils aient leur café
quotidien.
En 1723, de Jussieu confia deux plants de café au capitaine Desclieux
pour qu'il allât les acclimater aux Antilles.
La traversée fut si mouvementée et si longue qu'il fallut
rationner l'eau.
Préférant ne pas voir son précieux dépôt périr de soif, Desclieux
partageait avec ses deux plants son infime ration d'eau.
Les caféiers que Desclieux emmena aux Antilles provenaient
du Jardin du Roi à Paris, où ils s'étaient bien multipliés en serre. Ils
descendaient d'un caféier que Louis XIV avait planté dans les jardins de Marly,
après en avoir reçu le don des magistrats d'Utrecht, en 1714.
Les grands itinéraires du caféier
— Ainsi le café des Antilles a suivi l'itinéraire suivant :
Arabie. Java, Hollande, Marly, Paris, Antilles.
Celui du Brésil a suivi l'itinéraire : Arabie, Java,
Amsterdam, Guyane hollandaise, Guyane française, Brésil.
Quand nous consommons du café de la Réunion, il a parcouru
le périple suivant : Arabie, la Réunion, Paris.
Cafés indigènes
— Pourtant nombre de régions du globe produisent un café
provenant de plants qui y furent découverts poussant à l'état sauvage, mais
dans beaucoup d'endroits les caféiers d'origine arabique se sont fait
particulièrement apprécier pour leur aptitude culturale et leur produit.
Le Soudan, la région des Grands Lacs africains, la Guinée,
l'Angola, le Mozambique, la région d'Éthiopie appelée Caffa, voient pousser
abondamment des caféiers indigènes.
Le caféier de ces pays est celui qu'on appelle café d'Arabie
(coffea arabica) et est le plus estimé de tous avec le Moka qui, lui,
est arabe.
En Angola pousse aussi le caféier dit Libéria, qui passa
dans le Libéria, qui lui donna son nom. Il semble avoir toujours existé dans la
Sierra Leone.
Du Gabon vient le caféier Robusta.
Dans les forêts de l'Oubangui, du Cameroun, du Nigeria, de
la Côte de l'Or, de la Côte-d'Ivoire, du Haut-Chari, pousse spontanément le
caféier Chari, ou coffea excelsa.
Le rendement moyen du café en fèves est de 376 kilos par
hectare, à raison de 766 caféiers en Cayenne.
4.000.000.000 de caféiers !
— A la veille de cette guerre, on comptait environ quatre
milliards de plants de caféiers de culture (4.098.426.000) dans le monde
entier, dont 2.967.600.000 pour les seuls États-Unis du Brésil.
Dans l'année qui précéda la guerre, il fut consommé
32.000.000 de sacs de 60 kilos, soit une brusque augmentation de 7 millions de
sacs sur l'année antérieure, résultat sans doute du fait que plus d'une
intendance militaire préparait ses stocks de guerre. Sur cette consommation,
22.271.000 sacs provenaient du Brésil, qui en produisait 25.462.000 et brûlait
la différence dans ses locomotives et ses bateaux.
Le café du Brésil
— Le Brésil est réputé avoir les plus belles et plus grandes
plantations de café du monde.
Les principaux États du Brésil producteurs de café sont ceux
de Sao Paulo, de Minas Geraes, d'Espirito Santo.
Sao Paulo produit à lui seul les trois quarts du café des
États-Unis du Brésil.
Le café français
— La France, à la veille de la guerre, importait 3.107.206
sacs de 60 kilos, dont 1.422.822 kilos du Brésil, 991.247 de nos colonies et
693.136 des autres pays étrangers.
En raison de leur qualité, les cafés du Brésil ont vu leur
consommation en France augmenter régulièrement, passant de 1.212.898 sacs en
1934 à 1.422.822 sacs l'année précédant la guerre.
Mais le bel effort poursuivi dans les colonies françaises de
l'Afrique, qui produisent aussi d'excellents cafés, a donné les remarquables
résultats que voici. Nombre de sacs de 60 kilos provenant de toutes nos
colonies : 1934, 305.748 ; 1935, 325.070 ; 1936, 541.710 ; 1937, 568.322 ;
1937, 668-322 ; 1938, 991.247.
Soit une production triplée en cinq ans.
II devait en résulter une très sensible diminution de la
quantité de café importée dans d'autres pays du globe que nos colonies et le
Brésil. Elle s'est en effet effondrée de 1.419.849 sacs en 1934 à 693.136 en
1938.
La consommation normale française de café s'établit aux
environs de 3.000.000 de sacs de 60 kilos (1934, 2.938.495 ; 1935, 3.141.582 ;
1936, 3.108.162 ; 1937, 3.088.645 ; 1938, 3.107.205).
Avec le retour à la vente libre en 1950, il faudra attendre
les statistiques de cette année-là et même celles de 1951, pour savoir si le
Français est redevenu aussi « caféier » de vrai café.
A. S.
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