« N'exigez pas de votre terre plus qu'elle ne
peut rendre. »
Bon nombre de jardiniers, et surtout d'amateurs, se
plaignent amèrement du rendement médiocre de certaines récoltes, de l'échec de
telle ou telle culture, malgré tous les soins apportés au sol, malgré un choix
judicieux de graines sélectionnées ; bref « ça ne pousse plus comme
autrefois ». Que faut-il en penser, et, dans l'affirmative, comment
améliorer le sol de notre potager afin de pouvoir obtenir un rendement maximum ?
Constatons d'abord que :
1° Le sol du jardin est le plus souvent soumis à des
cultures intensives : deux, parfois trois récoltes sont obtenues la même
année sur la même parcelle. Mais, comme le fumier devient rare et fort coûteux,
le jardinier n'en trouve pas ou se contente, de façon insuffisante, de celui
obtenu avec les petits élevages : clapiers, colombiers, etc.
Bref, ce qui manque le plus, c'est l'élément essentiel, à
savoir la matière organique. On croit remédier à cet état de choses fâcheux en
recourant aux engrais minéraux et chimiques : si on restitue au sol
certains éléments utiles et faisant défaut, on aboutit bientôt à une « déminéralisation
du sol », fait particulièrement grave.
2° On chaule trop peu, et bien souvent pas du tout, au
jardin ; le résultat est désastreux : le sol s'acidifie, les cultures
végètent et les mauvaises herbes se développent à merveille.
3° Ces cultures intensives, pratiquées sur un sol où la
chaux fait souvent défaut et où la matière organique est insuffisante,
aboutissent vite à une fatigue de la terre : jadis, grâce à la pratique
dite de la jachère, on laissait reposer le sol pendant un ou deux ans en se
contentant tout simplement d'empêcher les mauvaises herbes de croître.
Comment pratiquement améliorer le sol de notre potager.
— Cette amélioration dépend premièrement et
essentiellement de la nature du sol du terrain cultivé : il est possible
d'apporter les améliorations nécessaires ; mais, en général, l'amateur « soigne »
son jardin sans tenir suffisamment compte de la composition de la terre.
1° Le sol de notre potager est calcaire (c'est-à-dire
qu'il renferme au moins 20 p. 100 de calcaire).
— On aura d'abord recours à des apports de matières
organiques : du fumier froid, lourd, onctueux, à décomposition lente et
produisant un effet prolongé : fumier de vache, de porc et de cheval, à
condition qu'il soit déjà bien décomposé. Cette matière organique donnera du
corps à la terre, conservera l'humidité, car ce sol calcaire est un « dévorateur »
de matières organiques.
Faute de fumier, il faudra recourir aux engrais organiques :
composts excellemment fabriqués, engrais verts ou humains, marcs de vendange,
sang, corne, chiffons, feuilles mortes ramassées, etc. En raison de leur
décomposition lente, ces produits azotés organiques seront enfouis à l'avance
et en grande quantité.
Comme engrais chimiques, sont vivement recommandés :
— le sulfate d'ammoniaque : engrais d'hiver qui,
grâce à la lenteur de sa décomposition, fera sentir ses heureux effets pendant
la saison culturale et peut, dans une certaine mesure, remédier à la pénurie de
fumier ; la dose nécessaire est de 3 kilogrammes à l'are. Faute de
calcaire, cet engrais est vite entraîné dans le sous-sol, et ce au détriment
des racines des légumes à nourrir, entraînement qui n'a pas lieu en terrain
calcaire ;
— le superphosphate est également à employer en sol
calcaire à la dose de 3 à 5 kilogrammes par are, au moment du bêchage d'automne ;
en sol acide cet engrais donnerait un excès d'acidité défavorable ;
— le chlorure de potassium s'emploie à la dose de 2 à 3
kilogrammes par are en sols calcaires, quelques semaines avant les plantations.
Ensuite, on pratiquera, comme façons culturales, des labours
et des binages fréquents et répétés, qui rendront ces sols mieux cultivables.
Enfin, l'idéal sera de modifier la nature du sol par des
apports d'amendements humifères (tourbe, terreau), ou à l'aide de marnes
argileuses.
2° Le sol de notre potager est argileux.
— Le meilleur moyen d'améliorer un tel sol est de
l'alléger en effectuant des défoncements et des labours profonds avant l'hiver,
afin de permettre aux gels successifs d'exercer une action efficace de
désagrégation des mottes, car « l'hiver mûrit les labours ».
Dans cette terre lourde et compacte, un fumier pailleux,
chaud, tel le fumier de cheval sortant de l'écurie, sera le bienvenu, car il
aérera le sol et l'allégera. À défaut de fumier, on y incorporera des composts
faits de déchets de paille, de foin mélangés à des excréments de volailles, de
pigeons, de crottins ramassés dans la rue ; la dose s'élèvera à 400
kilogrammes à l'are.
Une formule donnant de bons résultats est d'enfouir, dès
l'automne, à l'are, 2 mètres cubes de sable ou de craie pulvérisée, de 8 à 10
kilogrammes à l'are de plâtras de démolition, des cendres tamisées (quelques
kilogrammes à l'are).
Comme engrais chimiques, les scories de déphosphoration à la
dose de 5 kilogrammes à l'are tous les ans ou de 8 kilogrammes à l'are tous les
deux ans : elles agissent lentement, mais longtemps.
L'amateur ne disposant d'aucun fumier et ne voulant acheter
aucun engrais aura recours aux semis de trèfle, de vesce, de moutarde, que l'on
enterrera comme engrais vert (opérer sur une parcelle chaque année), et aux
gadoues vertes ou fraîches, noires ou fermentées : ces gadoues sont non
seulement un engrais de valeur, elles ont chimiquement à très peu près la
valeur d'un fumier de ferme ordinaire qu'elles remplacent donc ; elles
constituent aussi un amendement fort précieux par le calcaire qu'elles
renferment et qui fait défaut dans le fumier. Leur emploi excessif est à
redouter, car un épandage exagéré donnerait finalement un sol cendreux, peu
favorable aux cultures maraîchères. La pratique la meilleure consiste à
apporter tous les trois ou quatre ans des gadoues qui assureront une bonne
nitrification et enrichiront le sol en éléments utiles : azote, acide
phosphorique et potasse.
3° Le sol de notre potager est humifère.
— Un tel sol acide, noir, a besoin d'être amélioré
malgré sa richesse en matières organiques, car la décomposition des engrais y
est longue, voire impossible, et une végétation spéciale : oseille
sauvage, bruyère, l'envahit rapidement.
On neutralisera d'abord l'excès d'acidité, afin de favoriser
la nitrification en épandant des apports calcaires : plâtras de
démolition, craie pulvérisée, surtout de la chaux, de la marne (15 kilogrammes
à l'are). Si besoin est, on aura recours aux engrais phosphatés, comme les
scories de déphosphoration (10 kilogrammes à l'are) ou les superphosphates
(même dose), qui apporteront à la terre, en même temps que l'élément
fertilisant dont elle a besoin, l'amendement nécessaire.
Dans le cas extrême où ces améliorations se montreraient
insuffisantes, il faudrait recourir alors au drainage.
Telles sont les améliorations pratiques possibles à réaliser
au jardin ; elles sont subordonnées à la connaissance exacte du sol
(analyse et réaction du sol), à l'alternance des cultures et surtout à un
chaulage périodique indispensable et, dans certains cas, à l'opération du
sous-solage, pratiques que nous envisagerons ultérieurement.
BOILEAU.
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