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Les tortues au jardin

Des animaux sympathiques.

— Les naturalistes ont classé les tortues dans la catégorie des reptiles, appelés chéloniens. Ce sont des bêtes tranquilles et pacifiques, au corps trapu, arrondi, protégé par une carapace osseuse, composée d'un plastron et d'une dossière, sous laquelle elles se dissimulent en cas de danger, quand elles se croient menacées.

Il existe de par le monde, plus particulièrement dans les pays chauds, une quarantaine d'espèces de chéloniens, les unes terrestres, les autres amphibies, de taille très variable, certaines d'entre elles, telles que la variété éléphantine, pouvant atteindre un mètre de longueur et peser le poids de 300 kilogrammes.

Bien que les tortues soient à la fois carnassières et végétariennes, elles n'ont pas de dents ; elles broient leurs aliments, composés de verdure et de proies vivantes, à la façon des oiseaux, avec leurs mâchoires cornées.

Relativement à leur taille, toutes les tortues sont pourvues d'une très petite tête et d'un cerveau extrêmement réduit, quelques grammes seulement, ce qui ne les empêche pas d'être familières et susceptibles d'avoir de l'attachement pour les personnes qui les soignent.

Les tortues qui intéressent les jardiniers sont acclimatées sur le littoral méditerranéen (Midi de la France, Syrie, Égypte, Grèce, Afrique du Nord, etc.), où elles se multiplient en pondant aux endroits bien exposés des œufs qui éclosent à la chaleur du soleil et de la terre, de même que les œufs des autres reptiles et des mollusques. Les plus communes sont les tortues grecques et celles de Barbarie, dont il se fait un commerce assez important sur le marché parisien.

Peuplement d'un potager.

— Étant donnés l'appétit et l'avidité des tortues pour les déprédateurs des jardins (vers, larves, mollusques, nymphes, insectes divers), un couple de ces petits chéloniens suffira pour détruire la plupart des ennemis qui s'attaquent aux légumes et aux fruits.

Seule ombre au tableau, les tortues se rendent coupables de quelques larcins : elles grignotent des feuilles de salades, d'oseille et autres verdures tendres, en circulant dans les carrés ; mais c'est là un faible préjudice, comparé aux services rendus par la destruction des limaces et autres ravageurs des potagers.

Pendant toute la belle saison, plus particulièrement au printemps, à l'époque où les insectes subissent leurs métamorphoses, on n'a pas à s'inquiéter de la nourriture carnée nécessaire aux tortues ; mais, quand arrive l'automne, et en période de grande sécheresse, lorsque les proies vivantes commencent à manquer, il est recommandé de distribuer de temps à autre un peu de viande hachée (déchets de boucherie, intestins de lapins, etc.).

Enfin, pour atténuer les dégâts qui pourraient être causés aux planches de laitue, on fera des distributions d'épluchures de cuisine ainsi que de fruits avariés, fraises, framboises, groseilles, dont les chéloniens sont friands. Ne pas oublier non plus de tenir à leur disposition de l'eau bien fraîche, dans un abreuvoir siphoïde placé à un endroit ombragé, afin que les tortues puissent se désaltérer.

Pour les distributions complémentaires, on peut habituer les tortues à venir se restaurer sur le seuil et même à l'intérieur des cuisines situées au rez-de-chaussée, ces petites bêtes étant très familières ; elles ont une mémoire tenace qui les pousse à devenir quémandeuses.

Hibernation des tortues.

— Les chéloniens étant des animaux à sang froid, ils ont pris l'habitude, dans les pays faiblement tempérés, de se réfugier dans des cachettes à l'approche des froids, pour passer l'hiver à l'état de demi-léthargie, vivant au ralenti aux dépens des hydrates de carbone emmagasinés pendant la belle saison. Le plus souvent, l'enfouissement a lieu dans la terre molle à un endroit sain, abrité des vents dominants. Au départ de la végétation, quand la température s'adoucit, les tortues se réveillent, quelque peu amaigries, pour reprendre le cycle de leur vie active à la poursuite des ennemis des plantes cultivées.

À propos de l'hivernage, des amateurs m'ont proposé de placer leurs tortues dans des serres ou autres locaux chauffés durant l'hiver, pour les protéger du froid. Cette mesure m'a toujours paru plus nuisible qu'utile, parce que l'état léthargique ne nuit pas à la vitalité ni à la longévité des chéloniens. Cette claustration oblige le propriétaire à des distributions oiseuses de nourriture et à une grande surveillance, pour éviter les sautes brusques de température pouvant se produire avec les appareils de chauffage.

Dans la pratique, il vaut mieux abandonner les tortues à leur instinct et les laisser choisir elles-mêmes leur refuge hivernal. On pourra jeter sur elles, pour mieux les protéger, une brassée de feuilles mortes ou de menue paille. Ainsi couvertes, elles passeront les hivers les plus rigoureux sans encombre, leur vitalité étant remarquable.

Reproduction.

— Pendant la belle saison, les tortues pondent un nombre variable d'œufs à coquille plus ou moins teintée et très dure, ressemblant à des œufs d'oiseaux. Ces œufs, déposés dans le sable, éclosent au bout d'un temps variable, en rapport avec la température et la douceur du climat.

L'élevage des chéloniens pourrait réussir sur la côte d'Azur, mais c'est surtout du Levant (Syrie, Grèce, Égypte, Afrique du Nord) que nous parviennent les tortues de jardin.

Les parcs d'élevage peuvent être établis et conduits d'une façon analogue à celle des escargotières. Il est évident que, pour éviter la mortalité du jeune âge et activer la croissance des élèves, il faut les changer souvent de parquet et leur distribuer une nourriture abondante, aussi variée que possible en verdures et en matières carnées.

En dehors des services rendus par les tortues indigènes dans les jardins, on peut les utiliser pour l'alimentation de l'homme, car leur chair est délicieuse. C'est surtout pour la préparation des soupes que les Anglais et les Américains savent les apprécier. Les Français préfèrent les grenouilles, dit-on : chacun son goût !

Adonis LÉGUME.

Le Chasseur Français N°659 Janvier 1952 Page 33