Accueil  > Années 1952  > N°659 Janvier 1952  > Page 34 Tous droits réservés

Les jardins familiaux

Vers une réforme de la loi.

Le statut des jardins, qui a pris son origine sous l'occupation, est actuellement fixé par la loi du 7 mai 1946.

Depuis cette date, toute une série de propositions de loi ont été déposées sur le bureau de l'Assemblée Nationale, dont le but est d'apporter au dit statut un certain nombre de retouches plus ou moins importantes.

Ces propositions de réforme, dont certaines remontent à quatre ou cinq ans, ont été examinées par les commissions compétentes de l'Assemblée sans pouvoir jamais être votées, soit par suite de lenteurs, soit par suite d'oppositions.

Cependant, à la fin de la dernière législature, un texte avait été mis sur pied, qui réunissait l'accord des groupements de jardins ouvriers et familiaux les plus représentatifs, ainsi que celui des différentes commissions consultées, dont la plus importante est celle du Travail, puisque c'est à ce département, et non à l'Agriculture, qu'est rattaché le domaine des jardins.

C'est compte tenu de cette quasi-unanimité que l'on peut dès à présent prévoir assez justement ce que sera la prochaine loi sur les jardins.

Cinq titres sont prévus se rapportant aux points suivants :

Définitions, avantages réservés aux organismes de jardins familiaux, locations, réquisitions et dispositions diverses.

I. Les nouvelles définitions de la loi.

— A. Dans la législation de demain, tous les jardins seront groupés sous une seule dénomination : celle de « jardins familiaux. ».

On sait que la loi du 7 mai 1946 divise les jardins en quatre catégories ; suivant leur provenance, ils sont qualifiés : ouvriers, industriels, ruraux ou familiaux.

Désormais cette distinction par trop subtile, et qui n'est pas exclusive d'un certain arbitraire, sera supprimée, et on appellera d'une manière générale « jardins familiaux » toutes les parcelles de terre que leurs exploitants cultivent personnellement en vue de subvenir aux besoins de leur foyer, à l'exclusion de tout usage commercial.

— B. En ce qui concerne les sociétés de jardins elles-mêmes, deux catégories sont prévues :

1° « Les associations ou sociétés qui ont pour but de grouper les exploitants de jardins familiaux pour faciliter l'exploitation de ceux-ci et de favoriser par une propagande éducative le développement des jardins familiaux. »

La plupart des sociétés d'horticulture ou de jardins sont justiciables de cette définition.

Ce sont les groupements dont la principale activité, d'ordre philanthropique, est d'enseigner à leurs adhérents les méthodes de culture susceptibles de leur faire obtenir le maximum de produits.

Cet enseignement est généralement donné par voie de publication ou de simples causeries.

2° « Les œuvres sociales d'intérêt général dénommées associations ou sociétés de jardins ouvriers, qui ont pour but de rechercher, aménager et répartir des terrains pour les mettre à la disposition du chef de famille comme tel, en dehors de toute autre considération. »

Ce sont ici les sociétés dont l'objet social est d'acheter des terrains pour les mettre en location, ou encore de les louer pour les sous-louer. L'une et l'autre de ces deux formes de groupements doit naturellement revêtir une forme juridique, qui ne laisse aucun doute sur la nature non spéculative de leur activité, et c'est pourquoi, tout comme dans l'ancienne législation, les textes déposés prévoient la constitution de ces groupements dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 ou de celle du 5 décembre 1922 relative aux habitations à bon marché et à la petite propriété.

II. La nouvelle législation prévoit, en faveur des organismes de jardins familiaux, certains avantages nouveaux, tandis qu'elle confirme d'autres faveurs déjà existantes.

— Au chapitre des avantages nouveaux, il faut citer certaines exonérations fiscales en faveur des sociétés de jardins, mais cette mesure est extrêmement limitée.

D'un autre côté, la proposition de loi portant refonte de la législation des jardins maintient le principe des subventions aux organismes de jardins familiaux définis au 2° ci-dessus.

La loi du 7 mai 1946 accorde déjà des subventions, mais elle en limite l'attribution aux seuls groupements agréés.

On désigne ainsi les sociétés qui ont reçu de la part du ministère de l'Agriculture une sorte de reconnaissance officielle consécutive à l'adoption par les groupements considérés de statuts types élaborés par l'Administration elle-même.

L'agrément ministériel, dans la mesure où il emporte l'intrusion de l'Administration active dans la gestion des organismes privés, apparaît à certains comme contraire à la liberté d'association.

Il présente en tout cas cet inconvénient que son octroi est subordonné à l'acceptation de statuts types, dont les clauses ne conviennent pas nécessairement à tous les groupements.

Quoi qu'il en soit, et en raison du caractère dérisoire des subventions accordées jusqu'ici aux associations de jardins, il est certain que les conditions d'attribution arrêtées par le ministère de l'Agriculture fournissent à l'Administration un contrôle suffisant de l'utilisation des deniers publics.

III. En ce qui concerne les locations et les réquisitions, les grandes lignes de la loi du 7 mai 1946 semblent devoir être reprises dans leur principe.

— Actuellement, le bailleur voulant reprendre son jardin doit donner congé à son preneur avant le 1er mai d'une année, pour reprendre son terrain au mois de novembre suivant.

Avec la nouvelle proposition de loi, le congé devra être donné avec un délai minimum de trois mois.

Cependant, s'il est donné entre le 1er février et le 1er août, il ne pourra prendre effet que le 11 novembre suivant.

Autre innovation : si le motif formulé par le bailleur pour justifier son congé se révèle inexact, le preneur pourra être autorisé par le juge de paix à reprendre la jouissance du terrain et obtenir des dommages-intérêts.

La compétence, en cas de litige, restera comme précédemment au juge de paix.

Les réquisitions ne sont prévues que pour des terrains inutilisés ; elles continueraient d'être accordées par l'autorité préfectorale et pour un délai d'un an renouvelable ; mais il faut noter que le ministère de la Reconstruction a fait opposition au vote d'un certain nombre de dispositions, notamment au chapitre des réquisitions, si bien que, dans ce domaine, le texte projeté risque encore d'être modifié.

En résumé donc, et sous réserve de nouvelles modifications, la législation à venir sur les jardins ouvriers se caractérisera par les quatre points suivants :

    — unification des définitions ;
    — suppression de l'agrément ministériel ;
    — octroi ou maintien d'avantages matériels aux associations de jardins ;
    — maintien, dans leurs grandes lignes, des dispositions antérieures relatives aux locations.

A. DUPONT,

Docteur en droit.

Le Chasseur Français N°659 Janvier 1952 Page 34