Le statut des jardins, qui a pris son origine sous
l'occupation, est actuellement fixé par la loi du 7 mai 1946.
Depuis cette date, toute une série de propositions de loi
ont été déposées sur le bureau de l'Assemblée Nationale, dont le but est
d'apporter au dit statut un certain nombre de retouches plus ou moins
importantes.
Ces propositions de réforme, dont certaines remontent à
quatre ou cinq ans, ont été examinées par les commissions compétentes de
l'Assemblée sans pouvoir jamais être votées, soit par suite de lenteurs, soit
par suite d'oppositions.
Cependant, à la fin de la dernière législature, un texte
avait été mis sur pied, qui réunissait l'accord des groupements de jardins
ouvriers et familiaux les plus représentatifs, ainsi que celui des différentes
commissions consultées, dont la plus importante est celle du Travail, puisque
c'est à ce département, et non à l'Agriculture, qu'est rattaché le domaine des
jardins.
C'est compte tenu de cette quasi-unanimité que l'on peut dès
à présent prévoir assez justement ce que sera la prochaine loi sur les jardins.
Cinq titres sont prévus se rapportant aux points suivants :
Définitions, avantages réservés aux organismes de jardins
familiaux, locations, réquisitions et dispositions diverses.
I. Les nouvelles définitions de la loi.
— A. Dans la législation de demain, tous les jardins
seront groupés sous une seule dénomination : celle de « jardins
familiaux. ».
On sait que la loi du 7 mai 1946 divise les jardins en
quatre catégories ; suivant leur provenance, ils sont qualifiés :
ouvriers, industriels, ruraux ou familiaux.
Désormais cette distinction par trop subtile, et qui n'est
pas exclusive d'un certain arbitraire, sera supprimée, et on appellera d'une
manière générale « jardins familiaux » toutes les parcelles de terre
que leurs exploitants cultivent personnellement en vue de subvenir aux besoins
de leur foyer, à l'exclusion de tout usage commercial.
— B. En ce qui concerne les sociétés de jardins
elles-mêmes, deux catégories sont prévues :
1° « Les associations ou sociétés qui ont pour but de
grouper les exploitants de jardins familiaux pour faciliter l'exploitation de
ceux-ci et de favoriser par une propagande éducative le développement des
jardins familiaux. »
La plupart des sociétés d'horticulture ou de jardins sont
justiciables de cette définition.
Ce sont les groupements dont la principale activité, d'ordre
philanthropique, est d'enseigner à leurs adhérents les méthodes de culture
susceptibles de leur faire obtenir le maximum de produits.
Cet enseignement est généralement donné par voie de
publication ou de simples causeries.
2° « Les œuvres sociales d'intérêt général dénommées
associations ou sociétés de jardins ouvriers, qui ont pour but de rechercher,
aménager et répartir des terrains pour les mettre à la disposition du chef de
famille comme tel, en dehors de toute autre considération. »
Ce sont ici les sociétés dont l'objet social est d'acheter
des terrains pour les mettre en location, ou encore de les louer pour les
sous-louer. L'une et l'autre de ces deux formes de groupements doit
naturellement revêtir une forme juridique, qui ne laisse aucun doute sur la
nature non spéculative de leur activité, et c'est pourquoi, tout comme dans
l'ancienne législation, les textes déposés prévoient la constitution de ces
groupements dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 ou de
celle du 5 décembre 1922 relative aux habitations à bon marché et à la
petite propriété.
II. La nouvelle législation prévoit, en faveur des
organismes de jardins familiaux, certains avantages nouveaux, tandis qu'elle
confirme d'autres faveurs déjà existantes.
— Au chapitre des avantages nouveaux, il faut citer
certaines exonérations fiscales en faveur des sociétés de jardins, mais cette
mesure est extrêmement limitée.
D'un autre côté, la proposition de loi portant refonte de la
législation des jardins maintient le principe des subventions aux organismes de
jardins familiaux définis au 2° ci-dessus.
La loi du 7 mai 1946 accorde déjà des subventions, mais
elle en limite l'attribution aux seuls groupements agréés.
On désigne ainsi les sociétés qui ont reçu de la part du
ministère de l'Agriculture une sorte de reconnaissance officielle consécutive à
l'adoption par les groupements considérés de statuts types élaborés par
l'Administration elle-même.
L'agrément ministériel, dans la mesure où il emporte
l'intrusion de l'Administration active dans la gestion des organismes privés,
apparaît à certains comme contraire à la liberté d'association.
Il présente en tout cas cet inconvénient que son octroi est subordonné
à l'acceptation de statuts types, dont les clauses ne conviennent pas
nécessairement à tous les groupements.
Quoi qu'il en soit, et en raison du caractère dérisoire des
subventions accordées jusqu'ici aux associations de jardins, il est certain que
les conditions d'attribution arrêtées par le ministère de l'Agriculture
fournissent à l'Administration un contrôle suffisant de l'utilisation des
deniers publics.
III. En ce qui concerne les locations et les
réquisitions, les grandes lignes de la loi du 7 mai 1946 semblent devoir
être reprises dans leur principe.
— Actuellement, le bailleur voulant reprendre son
jardin doit donner congé à son preneur avant le 1er mai d'une
année, pour reprendre son terrain au mois de novembre suivant.
Avec la nouvelle proposition de loi, le congé devra être
donné avec un délai minimum de trois mois.
Cependant, s'il est donné entre le 1er février
et le 1er août, il ne pourra prendre effet que le 11 novembre
suivant.
Autre innovation : si le motif formulé par le bailleur
pour justifier son congé se révèle inexact, le preneur pourra être autorisé par
le juge de paix à reprendre la jouissance du terrain et obtenir des dommages-intérêts.
La compétence, en cas de litige, restera comme précédemment
au juge de paix.
Les réquisitions ne sont prévues que pour des terrains
inutilisés ; elles continueraient d'être accordées par l'autorité
préfectorale et pour un délai d'un an renouvelable ; mais il faut noter
que le ministère de la Reconstruction a fait opposition au vote d'un certain
nombre de dispositions, notamment au chapitre des réquisitions, si bien que,
dans ce domaine, le texte projeté risque encore d'être modifié.
En résumé donc, et sous réserve de nouvelles modifications,
la législation à venir sur les jardins ouvriers se caractérisera par les quatre
points suivants :
— unification des définitions ;
— suppression de l'agrément ministériel ;
— octroi ou maintien d'avantages matériels aux associations de jardins ;
— maintien, dans leurs grandes lignes, des dispositions antérieures relatives aux locations.
A. DUPONT,
Docteur en droit.
|