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Janvier au jardin fruitier

Pour les arbres et arbustes fruitiers, janvier marque la pleine période de repos de la végétation. Aussi est-ce le moment où les traitements d'hygiène générale, qui mettent en œuvre des produits concentrés et partant très efficaces, peuvent être appliqués avec le minimum de risques pour les végétaux et le maximum d'action sur la plupart des parasites. Toutefois, il n'est pas possible d'opérer par temps de gelée, les solutions utilisées comportant une proportion d'eau variant entre 90 et 99 p. 100 et certaines d'entre elles se congelant presque aussi facilement que l'eau pure.

Les labours d'hiver sont continués lorsque le temps le permet et, au cours de ceux-ci, on a soin d'enfouir les engrais organiques, fumiers ou composts, ainsi que les engrais phosphatés et potassiques.

Dans les parties du jardin fruitier où l'on se propose d'établir des espaliers ou des contre-espaliers, on active la pose des baguettes destinées à constituer les treillages, avant d'attaquer le défoncement et la fumure de fond qui doivent précéder toute plantation.

Chaque fois que le temps doux le permet, on continue la taille et le palissage à l'osier des poiriers et pommiers adultes, réservant pour un peu plus tard la taille des jeunes arbres en cours de formation.

C'est le moment de récolter les rameaux destinés à fournir des greffons pour les greffes de printemps : greffes en fente, en couronne ou à l'anglaise. Rassemblés par variétés et soigneusement étiquetés, ces greffons sont piqués en terre dans un sol meuble, le long d'un mur exposé au nord. Ils resteront à l'état de repos jusqu'à l'époque du greffage, qui pourra ainsi être un peu retardé et assuré d'une meilleure réussite.

On coupe les boutures de groseillier, de cognassier, de vigne, de pommiers doucin et paradis, de prunier myrobolan, et, après les avoir préparées, on en fait des paquets de 20 centimètres de diamètre environ et on place ces paquets, tête en bas, dans une rigole pratiquée au pied d'un mur à l'ouest, en formant au-dessus une petite butte de terre.

Dans des pots ou dans des terrines, on met en stratification les noyaux de pêche ou les amandes, afin de les avoir germés en avril pour les semer à cette époque et obtenir une levée plus régulière. Les récipients sont enterrés au pied d'un mur à bonne exposition et recouverts d'une feuille de verre qui les préservera des ravages des rongeurs.

La fumure des arbres fruitiers.

— Ainsi que toutes les plantes, et plus que beaucoup d'entre elles même, les arbres fruitiers ont des besoins auxquels le terrain dans lequel ils sont plantés est très rarement en état de faire face.

De longues et difficiles expériences entreprises par des agronomes distingués leur ont permis de se rendre compte que les quantités des divers éléments fertilisants prélevées sur un sol par un arbre varient, de façon notable, suivant l'âge et la nature de cet arbre.

Au début de son développement, alors qu'il forme sa charpente, celui-ci réclame proportionnellement plus d'azote que de potasse et d'acide phosphorique. Devenu adulte et produisant des fruits, il demande plus d'acide phosphorique et de potasse, mais exige encore une certaine quantité d'azote, cet élément étant indispensable au maintien d'une végétation foliacée sans laquelle, fructifiant de façon exagérée, il s'épuiserait en quelques années et mourrait prématurément.

La fumure doit permettre de faire face à ces exigences ; elle variera donc selon l'âge de l'arbre et son état de développement.

Mais elle devra être également modifiée selon la nature du terrain. Toutes les terres, en effet, n'ont pas la même composition, ni la même teneur en principes nutritifs. C'est ainsi que, les sols argileux étant riches en potasse, cet élément y est moins nécessaire dans les fumures ; que les terres calcaires renferment trop de chaux, obligeant à comprendre dans les formules des engrais décalcifiants ; que les sols tourbeux, bien pourvus en azote, manquent, au contraire, complètement de chaux ; que les sols calcaires ou siliceux sont pauvres en azote et en potasse, tandis que l'acide phosphorique fait défaut à peu près en tous terrains.

L'emploi exclusif de fumier ne permet pas d'adapter la fumure au terrain. En effet, outre que le fumier, produit sur une exploitation quelconque, est le reflet du sol de celle-ci, c'est-à-dire manque lui-même des principes fertilisants dont ce sol est dépourvu, ce fumier apporte les éléments utiles dans des proportions déterminées, toujours les mêmes, de telle sorte qu'il n'est pas possible d'augmenter la quantité de l'un de ces éléments sans augmenter en même temps celle de tous les autres.

Aussi est-il nécessaire d'avoir recours, en complément du fumier, aux engrais chimiques qui permettent d'établir une formule de fumure adaptée aux besoins des arbres.

En dehors de la fumure de fond, qui doit précéder toute plantation et dont l'effet doit se faire sentir pendant plusieurs années, les fumures d'entretien jouent également un très grand rôle pour le maintien des arbres en bon état de fertilité et de végétation. Elles permettent de restituer au sol, au fur et à mesure que les récoltes de fruits les lui enlèvent, les éléments nécessaires pour éviter un appauvrissement dont les conséquences pourraient être néfastes.

Les meilleures fumures d'entretien des plantations fruitières sont celles que l'on réalise en faisant alterner l'application de fumier ou d'engrais organique avec l'apport d'engrais complémentaires. Le fumier, en effet, par sa décomposition, fournit l'humus qui contribue au maintien de la fraîcheur du terrain. On peut se contenter d'en apporter, par exemple, une fois tous les trois ans, de préférence à l'automne. Épandu sur le sol, il est enterré, si possible, par un léger labour. À défaut de fumier, on peut utiliser des composts préparés d'avance, des marcs de pommes ou de raisins ou d'autres matières génératrices d'humus.

Quant aux engrais complémentaires, l'époque d'application en varie selon la nature de ces engrais. La dose est également variable avec la vigueur des arbres. On admet, comme dose moyenne, la suivante, par mètre carré de surface couverte par le branchage : azote pur : 3 à 4 grammes ; acide phosphorique : 8 à 10 grammes ; potasse pure : 8 à 10 grammes, ce qui correspondrait aux quantités ci-après d'engrais du commerce ; sulfate d'ammoniaque : 15 à 20 grammes ; superphosphate de chaux 16 p. 100 : 50 à 60 grammes ; chlorure de potassium : 15 à 20 grammes.

Le superphosphate de chaux et le chlorure de potassium sont répandus sur le sol, de novembre à février, et enfouis par un léger labour ou un griffage. Le sulfate d'ammoniaque est plutôt employé au printemps et enterré lui aussi légèrement. On le remplace parfois par du nitrate de soude épandu sur le sol en couverture. On peut aussi remplacer ces engrais simples par des engrais composés du commerce.

Depuis quelques années, une nouvelle méthode d'application des engrais complémentaires tend d'ailleurs à se répandre dans les cultures fruitières. Ces engrais, convenablement dosés pour chaque cas particulier, sont dissous dans l'eau et injectés dans le sol à une profondeur de 0m,45 environ, à l'aide d'un instrument spécial (pal injecteur). Plusieurs applications sont faites dans le cours de la végétation. Il va sans dire que les engrais employés doivent être entièrement solubles dans l'eau, ce qui nécessite une sélection de ces engrais, d'un prix plus élevé que les engrais courants. Mais les résultats que l'on obtient justifient la dépense supplémentaire occasionnée par cette substitution qui ne dispense cependant pas de l'emploi des fumures organiques, celles-ci étant, répétons-le, destinées à entretenir la richesse du sol en humus.

Les fumures varient selon la fertilité et la vigueur des arbres. Lorsque ceux-ci sont vigoureux et peu enclins à fructifier, les doses d'engrais azotés peuvent et doivent être réduites. Elles peuvent même être supprimées momentanément. Au contraire, lorsque les arbres ne poussent pas et se couvrent de boutons à fruits, il est nécessaire de chercher à augmenter la végétation et de fournir davantage d'azote. On obtiendra, dans ce cas, d'excellents résultats par des arrosages au purin ou à la vidange coupés d'au moins moitié d'eau, appliqués, dans le courant de février, dans une sorte de bassin pratiqué au pied de l'arbre et que l'on bouche immédiatement après.

E. DELPLACE.

Le Chasseur Français N°659 Janvier 1952 Page 35